Qu'ils soient animalistes, pirates ou juste "citoyens", certains candidats aux élections législatives n'ont pas accès aux plateaux télévisés et aux vastes campagnes de communication. De la stratégie au long cours au coup de comm' ponctuel, leurs motivations sont nombreuses.
L'important, ce n'est pas toujours de gagner. Dans la 3e circonscription de l'Indre-et-Loire, Morgane Lechevalier et son suppléant Lilial Vidal en ont pris acte. Âgés respectivement de 18 et 23 ans, ils sont les deux seuls candidats du Parti pirate en Centre-Val de Loire.
A l'abordage des urnes
"On ne se voile pas la face sur nos chances", explique Lilian Vidal. Le principal objectif du Parti pirate pour ces législatives est d'atteindre 1% dans 50 circonscriptions, afin de s'assurer un financement public. Fondée en France en 2006, la structure ne présente qu'une petite centaine de candidats dans l'Hexagone, dont le budget est nourri par une campagne de financement participatif. Technophile, le Parti pirate fait usage des réseaux sociaux, comme Twitch, pour faire sa campagne.
Mais l'autre objectif sera aussi de faire parler des thèmes chers à ce parti, né en Suède de la culture du logiciel libre et des principes de la "cyberdémocratie". Dans son pays d'origine, il est devenu en 2009 la troisième force politique et a même obtenu un siège de député européen la même année. Parmi ses propositions, "le libre partage des connaissances", l'instauration d'un "revenu de base contre la pauvreté", "l'interdiction des brevets sur le vivant", énumère Morgane Lechevalier, qui écume désormais les rues et les marchés pour faire connaître le parti. "On aimerait avoir le même succès que le parti animaliste", abonde son suppléant.
Se faire connaître, un enjeu de survie
Car outre un simple enjeu ponctuel de visibilité, se présenter régulièrement aux élections peut assurer la survie d'un parti sur le long terme. Fondé en 2016, le Parti animaliste n'a pas non plus l'intention d'obtenir une majorité à l'Assemblée nationale, explique Stéphanie Moreau, sa candidate dans la première circonscription du département. "On s'est rendu compte que les associations comme L214 et d'autres mettaient en avant des scandales, mais que ça ne faisait pas bouger les lignes du côté politique", poursuit-elle. L'idée, c'est que "les autres partis s'emparent de nos propositions".
Nous avons plus de 300 propositions de lois monothématiques dans notre programme, et nous sommes le seul parti à être aussi ambitieux. Rien que le fait qu'on soit présents, ça permet d'influer sur les propositions des autres partis.
Stéphanie Moreau, candidate du Parti animaliste dans la 1ère circonscription d'Indre-et-Loire
Bien sûr, cet effort de lobbyisme reste conditionné à la légitimité obtenue dans les urnes. Les finances du parti étant fragiles, impossible pour ses candidats de devenir des "professionnels" de la politique et d'abandonner leurs emplois. "Il y a quelques semaines, j'ai été invitée pour participer à un débat sur France 3", indique Stéphanie Moreau, "mais j'étais retenue à Poitiers par une obligation professionnelle, j'ai donc dû annuler". Pas évident non plus, pour une petite structure, d'obtenir des tracts en quantité suffisante ou de trouver les moyens de louer des salles pour des meetings.
Malgré tout, ce travail porte ses fruits. D'abord au titre du nombre de candidats présentés, qui est passé de 142 aux législatives de 2017 à 421 en 2022. Et cette présence dans le débat public encourage d'autres groupes politiques à se saisir de certaines propositions, plus populaires que d'autres. De fait, la dernière législature a été active sur plusieurs thématiques chères au parti animaliste, comme avec la loi sur la maltraitance animale en 2021, proposée par la députée LREM Laëtitia Romeiro Dias.
Des candidatures citoyennes pour secouer le débat public
"Il n'y a pas de petits ou de grands partis", balaie pour sa part Sébastien Cessac, candidat dans la 3e circonscription du Loiret. "Il n'y a que des hommes et des femmes qui défendent leurs valeurs." Le mouvement qu'il a fondé en 2019, les Altruistes, ne présente que deux binômes, dans la 3e et la 6e circonscription du département pour défendre sa vision de la démocratie participative.
Ce genre de candidature "citoyenne" se multiplie depuis la campagne des municipales de 2020, où elles ont parfois redonné de la vigueur au débat local. Certaines circonscriptions ont vu aussi arriver des candidats issus des gilets jaunes, comme Olivier "Oliv Oliv" Rohaut, figure anti-vax, dans la 4e circonscription du Loiret. A Blois, le politicien local Gildas Vieira s'est présenté tour à tour à l'élection municipale, où il a obtenu un siège de conseiller, à la présidentielle, pour laquelle il a eu deux parrainages et se présente désormais avec d'autres membres de son mouvement "La France autrement" pour les législatives.
Il s'agira des premières élections législatives françaises pour Les Altruistes, des deuxièmes pour le Parti animaliste et des troisièmes pour le Parti pirate. Pour l'heure, aucun de ces mouvements n'a obtenu de député à l'Assemblée nationale.