Loi sur les violences sexuelles et sexistes : "On a raté ce qui aurait dû être une vraie belle loi"

Lundi 23 juillet, une commission mixte paritaire s'est entendue sur le texte de loi porté par la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa. Une nouvelle déception pour la députée Sophie Auconie, qui avait mené les travaux préparatoires. 
 

"Ce texte n’est absolument pas la grande cause du quinquennat comme le défendaient avec beaucoup de communication Emmanuel Macron et Marlène Schiappa." 

Alors que le texte approche de son adoption, les sceptiques loi contre les violences sexuelles et sexistes affichent de plus en plus franchement leur déception. C'est le cas de Sophie Auconie, députée d'Indre-et-Loire et co-rapporteure du rapport d'information sur le viol remis au gouvernement en février dernier. 
 

"C'est une faute grave"


Il reste en effet bien peu des 24 propositions formulées après trois mois de travail. Une seule a survécu : l'allongement du délai de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs, qui passe de 20 à 30 ans. 
 
"Mais nous avions demandé à ce qu’elle ne s’applique pas aux violeurs en série, rappelle la députée, qui à titre personnel souhaitait une imprescriptibilité de ces crimes. Dans les familles, dans l’Eglise, il y a une ascendance des auteurs sur les victimes, qui fait qu’elles mettent beaucoup de temps à dénoncer. Ensuite, d’autres victimes prennent la parole d’un seul coup et, à ce moment-là, on mesure à quel point 30 ans, c'est court. On devrait considérer que le violeur en série ne bénéficiera pas d’une prescription. Marlène Schiappa ne l’a pas retenu. Pour moi, c’est une faute grave."

Evincée également, l'inscription automatique au fichier des agresseurs sexuels de tout individu condamné à une peine ferme pour infraction sexuelle. Actuellement, en-dessous de 5 ans, l'information reste à la discrétion du procureur. "Aujourd’hui, ce fichier permet de résoudre un certain nombre de crimes, même anciens. Il est déjà en place. Cette mesure ne coûtait rien à l’Etat" déplore Sophie Auconie. 
 

La présomption de non-consentement abandonnée


Suprise, le projet de loi enterre aussi la présomption de non-consentement des mineurs, que le gouvernement promettait pourtant en novembre dernier, malgré une incertitude sur la limite d'âge promulguée. Ce ne sera ni 15 ans, ni 13 ans : ce ne sera pas du tout. L'enfant devra toujours apporter la preuve qu'il n'était pas consentant. 

Le code pénal précise en revanche que les conditions de définition d'un viol peuvent être exister dès lors qu'un écart d'âge "significatif" existe entre la victime présumée et l'agresseur, sans préciser ce que signifie "significatif". Les juges sont invités à tenir compte du manque de discernement des mineurs de 15 ans, mais la qualification du viol reste à leur entière appréciation. 
 
"Moi ce que j’avais demandé, détaille Sophie Auconie, c’est qu’en dessous de 13 ans, une relation sexuelle avec un enfant soit un crime. On ne peut pas imaginer qu’un enfant de 11 ans, soit consentant. Ensuite qu’entre 13 et 15, il faille inverser la charge de la preuve, que ce soit à l’auteur de démontrer qu’il y avait un consentement de la part de la victime. Certains jeunes ont une maturité, donc ce n’est pas impossible, mais l’auteur doit le démontrer. Le gouvernement ne retient pas ce propositions, je ne comprends pas."

Selon un sondage Ipsos paru début juillet, 81% des Français se déclaraient favorables à l'instauration d'un seuil de non-consentement. 
 

L'amnésie traumatique non reconnue


Autre disposition qui n'apparaît pas : la loi ne reconnaîtra pas le phénomène d'amnésie traumatique. Cette reconnaissance aurait pu permettre de faire courir la prescription à partir du retour de la mémoire traumatique. 

"Je trouve ça très dommage, d’autant que ça avait été voté par le Sénat. C’est le gouvernement qui a choisi de le retoquer, au lieu de profiter du progrès médical et technologique pour faire avancer notre droit" juge la députée de l'Indre-et-Loire. 
 
Un rapport du Sénat nuance la question. "Au cours de ses auditions et de ses déplacements, votre rapporteur a pu constater l'absence de consensus scientifique sur "l'amnésie traumatique" ou sur la "mémoire traumatique". Sans remettre en cause la légitimité des argumentations développées, le débat apparaît incontestablement très vif sur la question" écrit Marie Mercier en février. 
 

Rendez-vous manqué


Le texte laisse en tout cas un goût de rendez-vous manqués pour certains parlementaires et associatifs. Pour Sophie Auconie, ces contestations montrent "combien on a raté ce qui aurait dû être une vraie belle loi."
 
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