Une douzaine de familles et de proches de résidents de l'Ehpad Pimpeneau de Vineuil, qui dépend du centre hospitalier de Blois, ont dénoncé dans une lettre ouverte les conditions de travail et de soin.
"Nous ne voulons plus voir des équipes éreintées, démoralisées, sous pression et finalement en arrêt maladie." C'est sur cette phrase que se conclut une longue lettre rédigée par douze familles ou proches de résidents de l'Ehpad Pimpeneau, à Vineuil, et plus précisément de son unité "Oasis", occupée par 132 personnes âgées dépendantes.
Adressé à la direction du centre hospitalier de Blois dont dépend l'Ehpad, à l'Agence régionale de santé et au conseil départemental, le courrier dénonce des conditions de soin et de travail dangereusement dégradées, allant jusqu'à une "maltraitance institutionnelle". Déjà mises à rude épreuves en 2019, les équipes de soignants ont subi de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire, et, par le fait même, les résidents aussi.
Un manque de personnel constant
"Notre but, ce n'est pas de mettre les salariés en accusation", explique Dominique Bourgoin, l'un des co-signataires. "Il s'agit d'un problème constitutif au manque de personnel." De fait, alors que des soignants loir-et-chériens brisaient déjà l'omerta sur leurs conditions de travail dans les Ehpad en 2019, celles-ci ne se sont guère améliorées. Équipes en sous-effectif presque systématique, lourdeur administrative, hygiène précaire, épidémie de gale, isolement, poste de médecin vacant : les cinq pages du courrier dressent un portrait accablant des conditions dans lesquelles les personnes âgées sont maintenues en vie.Au-delà des problématiques sanitaires, le sous-effectif a aussi des conditions sur le moral des résidents. "La vie d'une personne âgée en Ehpad", continue Dominique Bourgoin, "ce n'est pas seulement se lever, manger, dormir, la vie c'est les échanges, l'interactivité !" Or, une seule personne se charge de l'animation pour les 132 résidents, et cette dernière, à en croire les familles, n'est pas remplacée lorsqu'elle doit partir en congés.
Le confinement, la goutte d'eau qui fait déborder le vase
Dans ce contexte, le premier confinement a abouti à une situation où "le personnel a été hyper sollicité", croit savoir Dominique Bourgoin, au point que "sur les genoux", sept des quinze soignants ont dû se mettre en arrêt maladie. Fin octobre, le centre hospitalier déclarait qu'un foyer d'infection de covid-19 s'était déclaré au sein de l'Ehpad et que quatre décès avaient été recensés.Dans le même temps, les familles ont toutes les peines du monde à avoir des informations sur ce qu'il se passe entre les murs de l'Ehpad. Isolés, privés de visite, les résidents sombrent de leur côté dans un sentiment de déprime. "Ma mère de 84 ans a perdu huit kilos en six mois !"
Parce que le dialogue est rompu avec la direction de l'#Ehpad où vit mon père.
— Bed (@Bed1965) November 25, 2020
Parce qu'il est enfermé ds sa chambre et privé de visite depuis le 16/10 alors qu'il a été testé 3 fois négatif.
Parce que je ne peux me résoudre à le regarder mourir de désespoir et de solitude 1/2 https://t.co/StppXZKMJK
Dominique Bourgoin se souvient encore d'un autre exemple, lorsqu'une dame l'appelle, "catastrophée", après que son père, hébergé par l'Ehpad, a accidentellement déréglé sa télévision. "Personne n'avait le temps de l'aider" explique-t-il, alors même que le poste de télévision constitue l'un des derniers loisirs des personnes âgées. "Il est resté tout un week-end sans télé."
"Même sur les couches ils font des économies !"
Si le personnel soignant des Ehpad se risque assez peu à prendre la parole en public, des anciens employés des Ehpad blésois ont des souvenirs très précis des conditions sur place. "Le problème du personnel a toujours été là", expliquait dès l'été 2019 à France 3 une soignante qui a vu les conditions de travail se dégrader au fil des années. "On fait un métier humain, mais plus ça avance, plus ça devient du boulot à la chaîne. De l'usinage."Comme dans un grand nombre d'établissements hospitaliers, la priorité est donnée aux économies. Sur le personnel, sur l'alimentation, ou même sur l'hygiène. "Il y a un nombre limite de protections, de couches, de gants de toilette par semaine et par personnne", raconte une autre jeune femme, ancienne agent de soin hospitalier (ASH) qui a quitté la profession en 2019 après être passée par l'Ehpad de la Roselière, également comprise dans le centre hospitalier de Blois. "Mais s'il y a un imprévu dans la semaine et qu'il manque des protections, on est obligés de piquer dans les quotas d'autres résidents. Même sur les couches ils font des économies !"
Pourtant, le centre hospitalier est loin d'être dans une situation catastrophique. Début 2019, le centre hospitalier enregistrait ainsi sa troisième année excédentaire consécutive, après avoir dégagé un excédent record de 2,7 millions d'euros sur son exercice 2017. Par ailleurs, pour chaque résident en GIR 1 ou 2, les plus dépendants, le prix de l'hébergement va de 630 euros par mois en chambre double et jusqu'à 2520 euros en chambre simple.
Sollicitée à plusieurs reprises, au téléphone et par mail, la direction du centre hospitalier de Blois n'a pas souhaité réagir.
De son côté, le collectif de familles a annoncé être prête à récolter d'autre témoignages via l'adresse familles.blois.ehpad@gmail.com