EHPAD : dans le Loir-et-Cher, témoignages de soignants à bout de souffle

Moyens insuffisants, pression constante : les personnels d'Ehpad n'en peuvent plus. Une souffrance dont les résidents finissent par payer le prix. Dans le Loir-et-Cher, les soignants réclament plus de moyens.

Nos patients meurent dans la solitude. C’est pas comme ça qu’on voyait notre métier.” Raoul* est agent de service hospitalier (ASH) depuis 2014. Il s'inquiète de plus en plus, tant pour ses collègues que pour ses les résidents de l'Ehpad où il travaille en périphérie de Blois.

Maltraitance des patients, souffrance au travail : les Ehpad sont depuis longtemps la cible de critiques pour le manque de moyens qui leur sont attribué. En février, une série de six décès attribués à la grippe, dont deux membres du personnel, ont secoué un Ehpad du Loiret. Fin mars, près de Toulouse cette fois, une probable intoxciation alimentaire coûte la vie à cinq résidents.

"Ça devient de l'usinage"

"Le problème du personnel a toujours été là", renchérit Rose*. Aide médico-psychologique depuis une quinzaine d'années, elle remplit aussi des fonctions d'aide-soignante en Ehpad et a vu les conditions de travail se dégrader au fil du temps. "On fait un métier humain, mais plus ça avance, plus ça devient du boulot à la chaîne. De l'usinage."

Même son de cloche pour Fanny, qui débute à peine sa carrière. "J'ai la chance de travailler dans un petit établissement, où nous sommes en général cinq pour s'occuper d'une quarantaine de personnes", explique-t-elle. Dans son emploi précédent, une équipe de quatre soignants gérait une cinquantaine de résidents.

Par leurs témoignages, les trois soignants brossent le portrait d'un système de santé qui ne cesse de se dégrader.

Personnel sous pression

Un soir, l’aide-soignante qui devait travailler avec moi pour la nuit ne s’est pas montrée. Je me suis retrouvée seule à m’occuper d’un service d’une quinzaine de personnes souffrant d’Alzheimer”, se souvient Rose. Dans un contexte où le travail est chronométré, chaque absence pèse lourd sur la qualité des soins.

Les arrêts maladies sont pourtant fréquents. Le burn-out, la norme. "Soit tu viens et tu risques de péter un plomb, et c’est là qu’il y a maltraitance, que quelqu’un se met en colère contre un résident… soit tu restes chez toi", conclut-elle.

Dans l'établissement où travaille Fanny, huit personnes ont dû prendre un congé maladie, les unes après les autres. Deux d'entre elles sont absentes depuis plusieurs mois. Elles sont généralement remplacées par des soignants intérimaires, dont certains ont parfois besoin d'être formés sur place au fonctionnement de l'Ehpad.

De la souffrance à la maltraitance

A la moindre difficulté, au moindre incident, le retard s'accumule. Un soir, elle ne peut pas donner tout son repas à une résidente en fin de vie, et doit passer le relais à l'équipe de nuit. Elle rentre chez elle la boule au ventre.

Et les incidents sont nombreux, notamment dans les "unités spéciales", où l'on s'occupe des cas de démence. "De nos jours, on peut permettre aux gens de rester de plus en plus tard chez eux, ce qui est un progrès au niveau de leur confort", explique Rose, "mais du coup ils arrivent en Ehpad avec des pathologies de plus en plus lourdes.

Certains tentent des fugues, ou deviennent agressifs envers les soignants. Des comportements que les familles ne comprennent pas. "On se retrouve pris en étau entre la famille, le résident et la direction", déplore-t-elle. 

Direction dépassée

Pourtant, aucun des soignants ne cache son estime, voire son admiration, pour ses supérieurs. "Ils sont à l'écoute, essaient d'apporter des solutions. Mais tant qu'on ne leur donne pas davantage de moyens ils ne peuvent pas faire grand-chose", constate Raoul.

Une pression qui s'accentue avec les suppressions de postes. Des départs à la retraite non remplacés, mais aussi des postes de contractuels en moins, comme le sien. "Tout le monde essaie de faire des économies. Ça passe par le personnel, mais aussi par l'alimentation, où les quantités sont de plus en plus réduites"

"Ils ont tout simplement trop de problèmes à gérer", complète Rose. Des problèmes dont les causes sont nombreuses, les racines profondes et les solutions lointaines. Pendant ce temps, les frais d'hébergement s'envolent entre 1500 à 2500 euros par mois et par personne, et jusqu'à 3000 euros dans certains établissements.

* Les prénoms ont été modifiés
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