"Petite martyre de l’A10" : retour sur 30 ans d’enquête

Il y a plus de 30 ans , on retrouvait sur le bord de l'autoroute A10, à hauteur de Mer dans le Loir-et-Cher, le corps d'une petite fille attrocement mutilée, retour sur une affaire emblématique. 

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Ce jour de septembre 87, c'est une enfant que l'on enterre dans le petit cimetière de Suèvres, dans le Loir-et-Cher. Il y a du monde et pourtant, on ne connait ni son nom, ni son âge.
La petite fille d'origine maghrébine a été découverte un mois plus tôt à quelques kilomètres, en bordure de l'autoroute A10, par des employés de Cofiroute . « On a aperçu un paquet, avec une couverture enroulée, quelque chose qui semblait suspect. Je me suis rapproché » raconte à l'époque l'un des deux employés de Cofiroute.

Là j'ai vu la tête et les pieds de l'enfant dépassés... J'ai fait le tour et là, j'ai aperçu l'horreur !

« Elle avait des hématomes partout, des coupures, les yeux au beurre noir... Sale état »  - témoigne l'employé, ému.

L'enfant, âgée de 8 ans, a succombé à une effroyable série de sévices : brulûres, fractures et même de profondes morsure . Aucun indice pour mettre les enquêteurs de la section de recherche d'Orléans sur la piste du ou des auteurs du crime.

L'enquête

Commence alors une enquête qui va hanter les gendarmes pendant 30 ans. 66 000 écoles sont visitées et les 30 000 mairies de France affichent le portrait retouché de l'enfant, sans résultat. Mais des prélèvements ADN ont été effectués sur les vêtements de la victime.



Dominique Puechmaille, alors Procureur de la République à Blois, dirige l'enquête : "Les prélèvements ADN sont vérifiés tous les ans par rapport à toutes les traces qui sont rentrées dans le FNAEG, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques, dans le fichier des empruntes génétiques au niveau européen et du magrheb." 

  • Premier rebondissement en 2012 puis en 2017
C’est un prélèvement ADN effectué en 2012 qui permet de réorienter l’affaire. Avec les progrès de la science, du sable et de la terre provenant de la couverture qui enveloppait l’enfant ont été analysés permettant d’affirmer que la petite vivait en Centre-Val de Loire.
À l'automne 2017, l'arrestation d’un homme pour une affaire n’ayant aucun lien avec la petite inconnue va permettre à l’enquête de connaître un incroyable rebondissement.
Comme le prévoit la procédure dans certaines affaires, un prélèvement ADN effectué sur l’homme interpellé est automatiquement comparé au fichier national des empreintes génétiques inconnues. L’ADN de l’homme correspond à celui de la fillette, il pourrait s’agir de son frère.
Peu à peu, les gendarmes de la section de recherche d’Orléans parviennent à remonter jusqu’aux parents et procèdent à leur interpellation le 12 juin dernier. En parrallèle, des perquisitions ont lieu à Villers-Cotterêts dans l'Aisne et en Seine-Saint-Denis.

  • La mère faisait croire que l'enfant était au Maroc

Les enquêteurs ont notamment recoupé les données de la Caisse d'Allocations Familiales pour déterminer qu'un enfant du couple n'était plus recensé. La mère faisait croire que l'enfant était au Maroc confiée à la grand-mère, selon une source proche du dossier. Le père aurait reconnu des maltraitances de la mère sur l'enfant ayant entraîné la mort. Ils auraient dissimulé à deux le corps de la fillette. A l'époque des faits, le couple séparé depuis 2010, avait déjà deux enfants nés en 1978 et 1981.



La “ petite martyre de l’A10 ” s’appelle Inass Touloub 

14 juin 2018, « Inass Touloub a enfin un nom et une identité ». C’est par ces mots que le procureur de la république de Blois, Frédéric Chevallier, a débuté sa déclaration lors de la conférence de presse de ce jeudi. Plus tôt dans la journée, le père et la mère de l'enfant étaient présentés à un juge d’instruction.

  • Les parents s’accusent mutuellement
Séparés depuis 2010, les  parents de la fillette ont été interpellés mardi 12 juin 2018 au matin à leurs domiciles respectifs. Le père d’Inass, âgé aujourd’hui de 66 ans, vivait toujours à Puteaux tandis que sa mère (64 ans) habitait Villers-Cotterêts dans l’Aisne. Au cours de leurs gardes à vues, tous deux se sont renvoyés la responsabilité des blessures causées à l’enfant et qui ont provoqué sa mort.

C’est le 10 août 1987, la veille de la découverte du corps sur l’autoroute, que l’enfant serait morte. En rentrant chez lui ce jour-là, le père d’Inass aurait découvert le corps inanimé de sa fille et dit avoir été « suffisamment lâche pour ne pas faire autre chose que de partir vers le Maroc » selon les mots du procureur. Sur la route, alors que les deux sœurs et le frère d’Inass étaient dans la voiture, le couple a déposé le corps de la fillette.
Le père a expliqué avoir « vécu un enfer » avec son épouse, affirmant que cette dernière était violente à son égard mais aussi envers leurs filles. L’homme se dit aujourd’hui soulagé d’être libéré du lourd secret porté durant près de 31 ans.
Egalement entendue, la mère de la petite martyre à d’abord déclaré ne plus avoir de souvenirs avant d’affirmer que sa fille n’était pas décédée. Devant le juge d’instruction, elle change une nouvelle fois de version et se dit, elle aussi, victime des violences de son époux. Elle a également reconnu qu’elle pouvait être parfois violente à l’égard d’Inass mais nie être impliquée dans sa mort.

Les parents d’Inass Touloub ont été mis en examen et écroués pour meurtre, recel de cadavre et violence volontaire sur mineur de moins de15 ans.
La fin d’une énigme criminelle vieille de 31 ans.

Dans le petit village de Suèvres dans le Loir-et-Cher, les habitants ont fleuri pendant 30 ans, la sépulture d'Inass, sans jamais perdre espoir.






 

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