Service réanimation de l'hôpital de Blois : des soignants expliquent pourquoi ils seront en grève le 11 mai

La CGT Santé appelle les soignants des services de réanimation à se mettre en grève la journée du 11 mai. Au Centre hospitalier de Blois, l'épuisement est total. Infirmiers et aides-soignants demandent une revalorisation salariale et des personnels formés à la réanimation en renfort.

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Alexis Patin et Antony Leton sont infirmiers au service réanimation du Centre hospitalier de Blois. Ils ont été reçus par la direction de l'hôpital vendredi 7 mai et seront reçus à l'ARS le mardi 11 mai.

S'ils ont souvent pensé à arrêter depuis le début de l'épidémie, ils tiennent bon. "On est tous fatigués. On doit constamment s'adapter. On est à bout de souffle. On est exténués même si on se soutient, confie Alexis Patin, infirmier en réanimation depuis deux ans et diplômé depuis trois ans. On était déjà confrontés aux décès avant le Covid mais pas autant. On est tous humains. Là, on arrive à saturation". 

Anthony Leton travaille en réanimation depuis sept ans. Il complète : "Il y a une charge émotionnelle très importante depuis le début de l'épidémie. Le moment est opportun pour demander plus de reconnaissance". Il poursuit, ému : "La réa c'est toute ma vie. Je tiens parce que c'est ma nature. Mais d'entendre les difficultés des collègues et leur souffrance, ça me fait beaucoup de peine. "

Qui plus est, du fait des restrictions sanitaires, les familles ne peuvent pas rendre visite aux patients, ce qui complique un peu plus le quotidien des soignants. "On se retrouve avec des patients qui meurent seuls. Nous sommes les dernières personnes qu'elles vont voir. C'est très dur à supporter", raconte Alexis, le jeune infirmier. 

Dans notre service, beaucoup de personnels sont en burn out. Les nombreux arrêts maladie ne sont pas remplacés par des personnels formés à la réanimation.

Delphine Guirado, aide-soignante au service réanimation du Centre hospitalier de Blois

Delphine Guirado est épuisée mais reste combative. Cet appel national à la grève pour le 11 mai est l'occasion de mettre en avant des revendications locales. Aide-soignante au service réanimation du Centre hosptalier de Blois depuis huit ans, elle a co-organisé la journée de mobilisation de mardi.

Depuis le début de l'épidémie, la charge de travail des soignants en service de réanimation a explosé. "Les patients atteints du Covid demandent beaucoup de soins. Leur état peut se dégrader en deux secondes. Ils sont très instables et demandent une surveillance accrue. C'est beaucoup de stress", raconte Delphine Guirado. 

"Il faut des renforts formés à la réanimation"

Le service de réanimation du Centre hospitalier de Blois compte 18 lits (12 en réa et 6 en unité de soins continus). Pendant l'épidémie, le service est monté à 18 lits de réa-Covid et 6 lits de réa. L'augmentation du nombre de lits s'est faite sans personnel formé supplémentaire. Les renforts reçus ne suffisent pas. 

"Dans notre service, beaucoup de personnels sont en burn out. Les nombreux arrêts maladie ne sont pas remplacés par des personnels formés à la réanimation. Oui on a des renforts. Mais c'est nous qui revenons sur nos jours de repos pour assurer les remplacements. Il faut plus de renforts formés à la réanimation", assure Delphine Guirado. 

Le service de réanimation du Centre hospitalier de Blois compte 70 personnes. Actuellement six infirmiers sur trente sont en arrêt maladie. Deux aide-soignantes sont aussi arrêtées. Pour soulager l'équipe, trois lits de réa ont été gelés vu le manque de personnel paramédical. 

"Notre service est très spécifique. On ne s'improvise pas aide-soignant ou infirmier en réanimation. Les renforts que nous avons nous aident mais il faut les former et tout leur expliquer en plus de notre charge de travail. Ils nous aident pour le retournement des patients notamment mais ils n'ont pas de compétences en réanimation", constate l'aide-soignante. 

Le problème vient aussi du manque de formation des infirmiers de réanimation. Alexis, le jeune infimier du service réanimation du Centre hospitalier de Blois peut en témoigner. Diplômé depuis trois ans, il a tout appris sur le terrain. "Personne ne sort du diplôme d'infirmier formé à la réa. Je n'ai eu aucune formation de base à l'école. Il m'a fallu un an dans le service pour apprendre et un an de plus pour être à l'aise avec la haute technicité que demande ce métier". 

"Rien n'a changé en un an. Le Ségur de la Santé n'a servi à rien"

Quand on demande à ces soignants ce qui a changé depuis le Ségur de la Santé de juillet 2020, la réponse est unanime : "Rien".

Pourtant, les soignants ont touché une prime Covid ponctuelle de 1500 euros et une prime mensuelle de 183 euros. "Il s'agit bien d'une prime qui peut disparaître à tout moment et qui ne compte pas pour notre retraite. A part ça rien n'a changé. On est exactement dans la même situation qu'il y a un an", déplore Alexis Patin

Même déception pour Delphine Guirado : "On préfèrerait avoir une revalorisation salariale et des personnels en renfort. Mais voilà, on était des héros mais on ne l'est plus apparemment". 

"Le problème c'est que le gouvernement n'a tiré aucune leçon de cette crise. Des lits sont toujours supprimés. Une centaine de lits en quatre ans pour chaque département de la région Centre-Val de Loire et 250 en Indre-et-Loire. Et les embauches pérennes ne sont pas à l'ordre du jour", déplore Sylvie Bertuit, secrétaire départementale de la CGT Santé et Action sociale du Loiret.

Si on avait eu du personnel formé avec des salaires attractifs et un ratio patients-soignants respecté, on n'aurait pas eu une telle détresse dans les services de réanimation

Sylvie Bertuit, secrétaire départementale de la CGT Santé du Loiret

Une grève pour améliorer les conditions de travail à long terme

L'appel à la grève du 11 mai dans les services de réanimation a été lancé par la CGT Santé et action sociale. Il est soutenu par le syndicat Coordination nationale infirmière (CNI) et relayé par la Fédération nationale des infirmiers de réanimation (FNIR). C'est un collectif baptisé "Union des réanimations de France pour une reconnaissance" qui est à l'origine de cette mobilistaion. Il regroupe des soignants de réanimation dans 105 villes de France dont Blois. Il compte près de 3400 membres sur facebook. 

"Le 11 mai, ll y a aura des débrayages. Le personnel de ces services nous parle de médecine de guerre, encore aujourd'hui. Ce n'est pas possible", explique Sylvie Bertuit, secrétaire départementale de la CGT Santé du Loiret. "Pour mettre des personnels dans les services de réa, on ferme d'autres services. Résultat : les opérations chirurgicales sont reportées sans savoir quand. Tout se fait au détriment des patients. C'est inacceptable de voir ça aujourd'hui", s'indigne l'élu syndical. 

Car le problème pour ces soignants ne se résume pas à la crise du Covid. Quand ils regardent plus loin, ils sont tout aussi inquiets. 

"Ce Ségur de la Santé a été ouvert pour calmer la colère du personnel mais aujourd'hui où en est-on ? Le personnel précaire, les lits qui ferment, l'épuisement des équipes persistent et continueront après la fin de l'épidémie", s'inquiète Sylvie Bertuit. "L'offre de soins se réduit de plus en plus. Des crises, il y en aura toujours. Epidémie de grippe, attentats...Ce n'est pas en réquisitionnant les personnels d'autres services, qu'on fait face à l'urgence."

Les cinq revendications majeures des soignants de réanimation :

  • Reconnaissance du travail en réanimation par la création d'une spécialité (Diplôme universitaire ou validation des acquis)
  • Nouvelle bonification indiciaire (NBI) et indemnité forfaitaire de risques spécifique à la réa : une revalorisation salariale qui reconnait la technicité du travail en réanimation motiverait plus d'infirmiers à y travailler 
  • Un ratio patients-soignants fixe qui serait un infirmier pour deux lits et non pour deux patients et demi. Le ratio des aides-soignants est de un pour quatre patients. Ils souhaiteraient un pour quatre lits. Ce ratio serait calculé sur le nombre de lits et non par rapport au taux d'occupation du service.
  • Davantage de titularisations : des embauches pérennes sous statut de la fonction publique dans l'hôpital public et en CDI dans le privé
  • Plus de lits en réanimation : en France, le nombre de lits en réanimation avant le Covid était de 5000. Il y en avait 8 000 il y a dix ans. 

Le mardi 11 mai, les soignants du service réanimation de Blois appellent à se mobiliser devant l'ARS 41 à 14h au 41 rue d'Auvergne. 

A Chartres, les syndicats FO et CFDT des hospitaliers ont déposé un préavis de grève illimité à partir de mardi 11 mai dans le service de réanimation de l'hôpital Louis Pasteur. 

 

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