Les voyages riment souvent avec montagne ou bord de mer... Alors, on ne pense pas souvent aux églises, abbayes ou cathédrales qui trônent au milieu des villages, mais elles regorgent de trésors !
Saint-Jacques des Guérets, Lavardin, Vendôme, Montoire-sur-le-Loir... des villes et villages qui regorgent de secrets. Nous partons en visite pour la journée sur la route des fresques murales !
Départ d’Orléans direction Saint-Martin-de-Guérets où je retrouve Jean, guide conférencier, qui va passer la journée avec moi. Amoureux du coin, il le connaît par cœur. Laissez-moi vous raconter.
Pourquoi avoir autant d’églises avec des fresques dans le coin ? Tout simplement parce qu’elles n’ont pas été rénovées. Elles sont restées dans leur jus.
Mon circuit :
Saint-Jacques des Guérets, près de Trôo
C'est par une petite porte que je rentre dans l'enceinte de l'église. En passant par le cimetière, une vue sur le village de Trôo se profile devant moi. Plus beau village de France, ce site, le long du Loir possède la particularité d'être troglodytique ! Neuf niveaux de creusement ont permis à ce village d'accueillir le même nombre d'habitants qu'à Tours au 5e siècle.
De l'autre côté, une église du 11e siècle placée sur le patronage de Saint-Jacques. Très simple d'extérieur, elle se situe sur le chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Une fois à l'intérieur les fresques se distinguent au fond de l'édifice.
Le Christ en majesté est campé dans l’abside entouré des signes du tétramorphe (représentation des quatre évangélistes sous leurs formes allégoriques, l’homme pour Saint-Matthieu, l’aigle pour Saint-Jean, le taureau pour Saint-Luc et le lion pour Saint-Marc). Je trouve ça magnifique. Une résille sur le genou droit rouge et or ainsi que les détails de son manteau sont encore très colorés. Dans sa main gauche on voit un rameau de bois qui traverse la mandorle donnant les pouvoirs du Christ à Saint-Jacques.
A côté, le Christ en croix, avec au-dessus de lui le Soleil et la Lune qui ramènent un voile devant leurs yeux pour ne pas voir ce qu'il est en train d’arriver.
Plus loin est représentée la décollation de Saint-Jacques : Salomé la fille du roi Hérode avait demandé à Saint-Jacques quelque chose qu'il lui a refusé. Le roi décide donc de le décapiter.
D’autres fresques sont peintes sur les murs d'à côté. La résurrection de Lazare, Charlemagne et Saint-Gilles, le massacre des Saints innocents... En fonction des dessins je remarque que les styles et les traits sont différents. Plusieurs artistes sont venus peindre au fil du temps.
Les fresques murales, le résumé
Je découvre qu'il existe plusieurs techniques pour réaliser des fresques. Tout d'abord la peinture "a fresco". Cette technique italienne du 14e consiste à déposer de la chaux sur un mur brut pour commencer à dessiner le trait d’axe et le pourtour des personnages. Au moment où la chaux séchait, les pigments étaient ajoutés pour être emprisonnés. Ainsi, cela devenait indélébile.
La seconde méthode de la "peinture à sec" : lors de la détrempe, on venait remouiller le dessin et faire tous les détails en mélangeant les couleurs avec une colle de poisson pour faire adhérer la peinture.
Mais pourquoi peindre sur les murs ? Cette mode est ramenée par les premières croisades. En Cappadoce, au Moyen-Orient, tout est peint depuis de les 7e et 8e siècles. L'objectif est simple : marquer les gens quand ils viennent à la messe. Le chœur et la première partie des églises sont souvent riches en fresques. C'est à cet emplacement que siégeaient les moines. On se rend compte que les simples fidèles n'avaient pas beaucoup de dessins... On distille plus majoritairement le message religieux aux gens d’église qu'aux autres.
Début 16e, lors du concile des Trente, on inverse les choses. Les fresques pourraient distraire le croyant qui vient à l’intérieur de l’église. Il est décidé de les badigeonner pour ne plus les voir. Avec le temps, le badigeon s’écaille et les abbés des années 1900 commencent à gratter pour voir ce qu’il y a en dessous. Les prêtres, milieu 19e, ont des cours d’archéologie qui les incitent à chercher ce qui se cache sur leurs murs.
Souvent sont retrouvés : le Christ en majesté, le Christ sur la croix, la Cène, la Jérusalem céleste et le Jugement Dernier. Il fallait marquer les vivants. Mais on pouvait avoir un programme dédié au patronage de l'Eglise.
Cependant, gardez en tête que les couleurs ne sont pas à interpréter telles qu’on les voit. Le rouge de sinople va avec le temps devenir noir dû au mercure ajouté dedans.
Montoire-sur-le-Loir et sa chapelle Saint-Gilles
Je continue mon périple direction Montoire-sur-le-Loir. Je suis à la recherche de la chapelle Saint-Gilles. Un panneau le long de la rue principale m'indique de suivre la ruelle. Au bout une grande porte blanche me barre la route. Il est inscrit que la clé est à récupérer à Musikenfête. Il faut en vouloir pour découvrir cette chapelle ! Demi-tour, récupération des clés et miracle, la porte s’ouvre.
J'observe de suite que la chapelle est très basse, les vitraux sont à ma hauteur. Étonnant ! L’explication est simple, elle a été enterrée d’un mètre sous terre pour la protéger des crues. La rivière est à quelques mètres, l’humidité se fait sentir quand je passe la porte et descends les quelques marches. Devant moi trois absides avec trois Christ en majesté. Je remarque tout de suite les différents styles et différentes époques de réalisation.
Des chevaliers représentant la prudence et la charité nous accueillent en passant la voûte menant au chœur. Le bâtiment dédié à Saint-Gilles le montre avec sa biche sauvée pendant la chasse.
En 1841, un peintre qui s’intéresse aux peintures murales passe la même porte que moi et se retrouve nez à nez avec des peintures du 14e. N’ayant pas les mêmes consignes qu’à notre époque il va redessiner... par-dessus !
L'un des Christ en majesté est positionné assis sur un globe terrestre. La mandorle le met en évidence. Il a les mains ouvertes sur le monde, un visage expressif. Un trait dans sa main indique qu’il donnerait les clés à Saint-Pierre représenté à côté.
En face, plus endommagé, un Christ aux bras ouverts avec des flammes sortant des mains. La distribution de l’Esprit Saint aux apôtres représentés autour. La mandorle l’englobe, les plis sont très affirmés et anguleux. Il s’agit de la technique du pli mouillé, datant de la deuxième moitié du 12e siècle.
En dehors, une vue sur le château en ruine apparaît en sortant de la chapelle. Un lavoir de l’autre côté rend ce lieu vraiment paisible. Ce fut aussi le prieuré du poète Ronsard de 1566 jusqu'à sa mort en 1585.
En rendant les clés j’en profite pour faire un tour dans le musée de Musikenfete. C’est impressionnant. Je n’avais jamais vu de tels instruments ! Une " nef musicale", un carillon de cloches de concert de Chine et des instruments vieux de 2400 ans... Si vous avez envie de voyager arrêtez-vous là.
Lavardin, plus beau village de France
Ma diversion musicale terminée, retour aux fresques. Maintenant : Lavardin ! Une forteresse, des maisons à pans de bois, des cavités troglodytiques… Je ne sais plus où donner de la tête, c’est magnifique. Venue découvrir les fresques murales, je reste concentrée et j'entre dans l'église.
Une fois à l'intérieur, la quantité des fresques me frappe. Sur les chœurs, sur les murs, tout l’espace est occupé. Il n’y a pas une once de vide. Mais seulement deux tons de couleurs : le rouge et l’or. Le temps a du altérer les autres.
Plusieurs tableaux m'apparaissent : un ange visitant Pierre dans sa cellule, lui disant ce qu’il aura à faire plus tard. Sur l'autre c'est Pierre, crucifié tête en bas avec les bourreaux en train de le clouer.
Des murs peints 15 ans plus tard montrent à nouveau la technique du pli mouillé. Le baptême du Christ est représenté de deux façons: le baptême par immersion et par infusion.
Sur un autre, les pieds sortent du cadre, c’est assez rigolo. Une signature artistique sans doute.
Le chœur, la partie la plus importante, montre le Christ en gloire. Les tétramorphes sont toujours présents.
Un chemin de croix résumé à quelques stations, des anges et Sainte-Catherine sur une poutre font de la musique...
Enfin, le jugement dernier. Il est peint sur l’entièreté d’un mur. J'y vois Saint-Michel en train de peser les âmes. L’enfer est peuplé de têtes couronnées, de gens d’églises, de dames avec touret... Ils sont tous dans un chaudron léché par les flammes. Les diables sont vêtus de pagnes. Le message est clair : tout le monde peut aller en enfer ! Même les plus fortunés.
A l'inverse, si vous faites partie des élus, vous montez au paradis. Cependant méfiez-vous, un diable se cache dans un coin (en haut à gauche de l'image). Au moindre faux-pas il peut vous récupérer.
L’artiste se sert de l’architecture et s’amuse à peindre des gens qui se baissent sous une arche (bien réelle) comme pour symboliser la dernière porte à franchir.
En sortant j'en profite pour me balader. Je ne reviendrai sans doute pas tout de suite alors hop, je ne rate pas l’occasion de visiter l’un des plus beaux villages de France.
Vendôme, ville d’arts et d’histoire
Dernière étape de ma matinée : Vendôme. J'en fais le tour : les bords du Loir, l’église de la Madeleine construite comme une coque de bateau, l’hôtel de ville ancien lycée de Balzac, le parc Ronsard et son lavoir, la chapelle Saint-Jacques construite pour les pèlerins, la place Saint-Georges, la porte Saint-Georges fortifiée du 14 e et le château.
Jean Chaillou vous en parle mieux que moi :
Focus sur l’abbaye de la Trinité, un monument presque millénaire. D’après la légende, Geoffroy de Vendôme et sa femme, dans leur château (celui sur la colline de Vendôme) voient tomber trois étoiles filantes dans la fontaine qui est ici, en bas du coteau. L’évêque de Chartres interprète ce signe comme une manifestation de la Sainte Trinité. Il faut donc construire une abbaye juste ici. Une version plus rationnelle de l'histoire existe mais...je préfère celle-ci !
Les travaux débutent vers 1032. En 1040, les chevets et le chœur sont faits, le reste de la nef ainsi que le clocher seront terminés début 12 e siècle.
En faisant le tour, j'arrive au niveau d’un cloître. Lorsque les militaires se sont emparés des lieux, la galerie a été détruite pour "faire de l’air pour les chevaux". Juste à côté, la salle capitulaire. La porte est normalement ouverte. Si vous la trouvez fermée n’hésitez pas à demander au musée de vous ouvrir.
Cette salle capitulaire accueillait les moines chaque matin pour lire la règle de Saint-Benoît, prévoir l’occupation de la journée et de la semaine mais aussi régler les problèmes entre les moines : se faire chapitrer vient donc de là ! Dans les premiers plans on remarque qu’il y avait trois travées. Le bâtiment est aujourd’hui rétréci. Un mur a été élevé au 14e siècle et lors de fouilles des fresques sont retrouvées. Il faut attendre 1972 pour les dévoiler.
L’ensemble de la salle devait être peint mais seuls quelques scènes sont mises à jour. Elles se passent toutes après la résurrection du Christ. Je vois la rencontre de Jésus avec les pèlerins d’Emmaüs et le partage du pain. Ensuite je découvre, très bien conservée, la deuxième pêche miraculeuse sur le lac de Tibériade. Les apôtres reconnaissent le Christ après sa résurrection et Pierre quitte la barque pour le rejoindre.
Autre scène : un personnage sur une cathèdre devant le Christ en manteau rouge. On voit les clés du paradis, on imagine sans prétention que c’est Pierre.
Plus loin des pieds sont en train de flotter. Ce pourrait être l’ascension du christ quand il va rejoindre son père. Les apôtres flottent autour de lui. Celui qui a les pieds au sol serait Saint-Thomas (qui a quelques doutes).
N'hésitez pas à entrer dans l'abbaye qui jouxte le cloître, la Sainte Larme y repose...
Areines, une petite église qui a son mot à dire
Plus petite que les autres églises que j’ai pu voir dans la journée, la visite est assez rapide. Bâtiment modeste avec le chœur qui a conservé ses peintures murales. Le christ en majesté assis sur le globe terrestre dans la mandorle. Les corps sont très effilés. Que ce soient les animaux ou le Christ tout est très filiforme. Un peintre différent des autres ? Non, à priori ce serait pour contenir les dessins dans la petite abside.
Les apôtres sont peints en bas et la Jérusalem céleste au-dessus des apôtres. Deux chevaliers au niveau de brasures.
C'est la première fois que je vois représentée la naissance de Jésus. Je retrouve la tête du bœuf et la vierge en train d’accoucher allongée. La tête du Jésus est distinguable mais beaucoup des éléments sont effacés.
Meslay, une église haute en couleurs
Dernière église de la journée : du jamais vu. Certains parlent de blasphème, d'autres d'art moderne. Je vous laisse juger.
Dans les années 90, il a été organisé une exposition de peintures où vont se retrouver l’artiste Jean Claude Ferron, le Maire du village et l’abbé Valuche. Comme l’église n’est pas classée et que le plafond n’est pas esthétique, une idée vient aux trois hommes.
Il est question d’orner le chœur et la chapelle dans le style des peintures anciennes mais avec les techniques modernes et le style de l'artiste. Reprise des thèmes :
- Le Christ en gloire,
- Les symboles évangéliques,
- Différents personnages: Saint-Michel, Saint-Pierre, Saint-Paul, Marie
Si vous avez l'œil, au loin est représenté Meslay puis Vendôme.
Les scènes de l’enfer lui ont posé beaucoup de problèmes parce qu’il était très croyant. Il devait avoir des difficultés à représenter l’enfer.
Jean Chaillou
Le succès est au rendez-vous. L’ensemble de la nef est alors peinte :
- Le baptême du Christ,
- La Cène,
- Jésus qui recrute Paul comme premier apôtre,
- L’histoire de Moïse,
- Le buisson ardent,
- Le sacrifice d’Abraham.
Ces lieux chargés d'histoire sauront attiser votre curiosité: avec ces particularités architecturales et représentations multiples. Profitez de ces ouvrages remarquables... en restant à la fraîche.
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