Le député Richard Ramos dénonce l'influence des lobbies au sein de l'Assemblée nationale

Le député MoDem du Loiret a pointé du doigt récemment l'influence des lobbies auprès des députés français. Richard Ramos souhaite renforcer l'encadrement du lobbying en France. Les députés de la région réagissent.

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"On ne doit pas influencer par un cadeau, quel qu'en soit le montant, un député dans ses choix". Ces mots, prononcés sur un ton grave, sont ceux du député MoDem de la 6eme circonscription du Loiret, Richard Ramos. Dans une vidéo de nos confrères de Brut publiée le 11 juin dernier, l'élu, sourcils froncés, affirme avoir reçu dans les couloirs du Parlement des "sacs noirs" dans lesquels se trouvaient des présents, en l'occurence une bouteille de vin. Leur expéditeur selon Richard Ramos ? Les lobbies également appelé groupe de pression. L'objectif de ces attentions ? S'attirer la sympathie des députés et "influencer les votes"


Outré par cette pratique qu'il juge insidieuse et malhonnête, le député du Loiret souhaite renforcer en France l'encadrement du lobbying, c'est-à-dire l'ensemble des actions et méthodes menées par un lobby pour défendre ses intérêts et influencer les acteurs qui ont une force de décision sur leur activités (pouvoirs publics, décideurs politiques...).

Pour étayer sa protestation, Richard Ramos poursuit en expliquant que "des groupes comme Monsanto ont dépensé des millions au Parlement européen, des millions ! Pour essayer d’influencer les votes". Pour lui, le lobbying est un réel danger pour la démocratie, car il cherche à influencer sur le libre-arbitre des élus. "Qu'on invite plusieurs députés ensemble à discuter sur une thématique avec des lobbyistes dans un cadre qui ressemble à un repas d'affaires, ça ne me pose pas de problèmes. Mais si demain, on m'invite dans un restaurant avec ma famille, mes trois filles, là, pour le coup, on met la démocratie en danger".
 

Ce que dit la loi

En France, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dispose que "tout représentant d'intérêts communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, par l'intermédiaire d'un téléservice, les informations suivantes" :

  • Son identité
  • Le champ de ses activités de représentation d'intérêts
  • Les actions relevant du champ de la représentation d'intérêts menées auprès des personnes concernées, en précisant le montant des dépenses liées à ces actions durant l'année précédente
  • Le nombre de personnes qu'il emploie dans l'accomplissement de sa mission de représentation d'intérêts et, le cas échéant, son chiffre d'affaires de l'année précédente
  • Les organisations professionnelles ou syndicales ou les associations en lien avec les intérêts représentés auxquelles il appartient.

Cependant, comme le précise Brut, les représentants d'intérêts n'ont pas l'obligation de préciser quel parlementaire il rencontre.
 

Ce qu'en disent les autres députés de la région

 

  • Sophie Auconie, député UDI d'Indre-et-Loire

Sophie Auconie est formelle, "je ne reçois pas de cadeaux". "Et si c'était le cas, je ne les accepterais pas", explique-t-elle. La députée condamne donc le lobbying. Cependant, elle insiste sur l'importance des lobbies dans le travail des députés. "Les politiciens ont besoin des lobbies pour travailler. Par exemple, si je travaille sur la culture bio, je vais avoir besoin de rencontrer les lobbyistes de la culture bio. Mais également ceux de la culture conventionnelle. Il m'est nécessaire d'avoir l'analyse des experts de chaque partie pour pouvoir tirer mon analyse sur le dossier. Il faut entretenir des relations avec eux mais toujours avec beaucoup d'éthique.
 

  • Guillaume Kasbarian, député LREM de l’Eure et Loir

Guillaume Kasbarian, qui travaille au sein de la même commission d'affaires économique que Richard Ramos affirmer avoir beaucoup de respect pour Monsieur Ramos et qu’il a raison de dénoncer ces pratiques qui pourraient être déviantes. Cependant, en un an à l'Assemblée nationale, je n'ai jamais observé ce type de pratique. Ni auprès de moi, ni auprès de mes collègues". Et pour prouver son intégrité, le député de 34 ans clame que son "agenda est en ligne et que tous ses rendez-vous peuvent sont rendus publiques". Je suis partisan de la transparence absolue."

Sur l'importance des groupes d'intérêts dans l'étude d'un dossier, le discours est le même que celui de Sophie Auconie : "Personne n'est omniscient. Un député ne peut pas être un expert sur tous les sujets. Le rôle des lobbyistes d'éclairer les députés sur un sujet est donc indispensable. Pour autant, je ne vais pas suivre automatiquement l'expertise d'un seul lobby après m'être entretenu avec lui. Je ne souhaite pas être le porte-voix d'un lobby, j'ai mon libre-arbitre."
 

  • Nadia Essayan, député MoDem du Cher

La députée MoDem rejoint - logiquement - son collègue de parti. "C'est une vidéo choc, et même si je n'ai pour ma part jamais reçus de cadeaux, je suis totalement d'accord avec Richard Ramos. Il est important d'être sensibilisé sur ce problème. C'est à nous [les députés] d'avoir suffisamment de recul et de résister à ces pratiques", explique-t-elle. Et ajoute "si j'en recevais, c'est sûr que je les déclarerais auprès du déontologue de l'Assemblée nationale".

Au-delà de son expérience personnelle, Nadia Essayan mentionne la loi sur la moralisation de la vie publique, votée en septembre 2017, qui énonce l'obligation pour les élus de déclarer tout cadeau de plus de 150 euros. Elle souligne également que "depuis le début du mandat actuel, les lobbies n'entre plus au Palais Bourbon". Mais si un député reçoit des cadeaux par courrier ? "Si ça arrive, c'est au député de déclarer ce présent auprès du déontologue de l'Assemblée nationale."

Nadia Essayan partage le même point de vue que ses deux confrères sur le rôle des lobbies: "néanmoins, je suis pour le dialogue, mais à certaines conditions : le respect de la démocratie et l'indépendance des élus à l'égard des lobbies."
 

  • Jean-Pierre Door, député Les Républicains du Loiret


"Le lobbyisme n'existe plus au sein de l'Assemblée nationale depuis plusieurs années. Bien sûr, avant cela existait, on le sait, mais depuis deux ans, depuis l'affaire Cahuzac notamment, ça a disparu. Chaque personne qui souhaite rencontrer un député dans l'enceinte du Palais Bourbon doit être inscrite sur une liste et est ensuite contrôlée à l'accueil. C'est une obligation. A partir de là, je ne vois pas comment un député pourrait recevoir un cadeau." Par courrier, peut-être ? "On peut toujours envoyer par la Poste ou déposer à l'accueil mais je doute fortement que cela puisse arriver dans les mains d'un député."

Connu, pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, Jean-Pierre Door, un brin taquin, ajoute également : "je n'ai rien reçu, ni sacs noirs, ni bouteille. Mais vous lui direz qu'il m'offre une bouteille".
 

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