En annonçant lundi soir l’interdiction des marchés, le Premier ministre Edouard Philippe a plongé toute une filière dans la confusion notamment en Centre-Val de Loire. Les dérogations restent possibles mais personne ne sait comment elles vont s’appliquer.
Voilà une phrase qu’on risque de ne plus entendre pendant quelques temps sur les places publiques de France, de Navarre et du Centre-Val de Loire. Dans son intervention au journal de TF1 du lundi 23 mars, Édouard Philippe a d’abord tenu un discours de fermeté en annonçant aux Français la fin des marchés couverts mais l’a immédiatement assoupli en laissant aux maires la possibilité de demander des dérogations, là où ce sera nécessaire.Comment ça il est pas frais mon poisson ?
Dès le lendemain, sur RMC, le ministre de l’agriculture Didier Guillaume embrouillait un peu plus le discours gouvernemental en affirmantNous avons pris la décision de fermer les marchés ouverts. Il sera permis aux préfets, sur avis des maires, de déroger à cette interdiction. #COVID19 #Le20H pic.twitter.com/04FIna1260
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) March 23, 2020
Si vous avez tout compris à la situation, tant mieux pour vous mais les principaux intéressés (commerçants, producteurs, élus) eux, ont du mal y voir clair. À commencer par le président de la fédération des marchés du Loiret Didier Desterne :Je souhaite que les marchés continuent à fonctionner parce que pour beaucoup de petites villes de province le papy et la mamy viennent y acheter leurs poireaux. Nous ne voulons pas les fermer. La position est très claire. (sic) Le préfet avec le maire vont décider ensemble pour voir si les gestes barrières sont respectés et si les marchés peuvent se tenir.
On est en plein flou artistique, comme d’habitude, regrette-t-il. On nous dit le contraire de ce qu’on nous disait la semaine dernière. Dans la région, beaucoup de nos collègues ont déjà arrêté de travailler volontairement. Les stands sont donc espacés. Ces derniers jours, à Châteauneuf-sur-Loire et même à Orléans quai du Roy les normes étaient respectées.
Les clients envoient des mails aux mairies pour que les marchés continuent. Le maire d’Orléans veut aussi que les marchés continuent. Mais il semble que le préfet prépare un arrêté pour refuser les dérogations d’ouverture dans les grandes villes.
Mais qu’est-ce qu’une grande ville ? À partir de combien d’habitants ? Si on nous dit que tout est arrêté on ne va pas aller au réapprovisionnement. Mais à cette heure, on y va et on ne sait pas quelle quantité on doit prendre.
« Obligés de tout jeter ? »
Côté préfecture, chaque préfet devait faire le point dans la journée de mardi sur la situation des marchés de son département (il y en a 80 dans le Loiret) et recenser le nombre de dérogations formulées par les maires. Lesquels avaient également besoin de temps pour consulter leurs équipes municipales et d’informations en provenance des préfectures sur les normes.Dans l’attente, les commerçants se préparent à toutes les hypothèses.
Côté des producteurs, des stratégies se mettent en place pour affronter le pire. Les ventes à la ferme ont plus que doublé dans les zones où sont arrivés des Parisiens dans leurs résidences secondaires.En ce moment, c’est très compliqué. Nous venons d’apprendre que le marché d’Olivet n’aura pas lieu. Celui de Lorris devrait aussi être annulé. À Beaugency le maire nous a confirmé le maintien du marché du mercredi et va demander une dérogation pour la suite. On attend les décisions. On reste rivés au téléphone. On fait nos achats à Rungis en espérant qu’on ne sera pas obligés de tout jeter. On a des collègues à Fontainebleau (Seine-et-Marne) qui ont dû remballer tous les produits qu’ils venaient d’installer. explique Isabelle Duchange, vendeuse de fromages sur les marchés du Loiret.
Un exploitant de Saint-Père-sur-Loire a ainsi récupéré les contacts de ces clients du marché. Il les prévient de la disponibilité de ses produits et il organise une vente directe chez lui. Le réseau bio est aussi en train de mettre en place un système simplifié de vente en ligne.
En ce moment, producteurs et commerçants naviguent à vue, s’adaptent au jour le jour et bricolent des solutions comme ils peuvent. Avec le sentiment que le gouvernement fait exactement la même chose.