Depuis 2016, un habitant de Pressigny-les-Pins, dans le Loiret, vit un enfer. Il se dit victime d'une usurpation d'identité, incapable de faire reconnaître son statut de victime par l'administration et la justice. Licencié, il croule sous 32 000 euros d'amende, pour des infractions qu'il n'a pas commises.
Comment prouver que l'on est victime d'une usurpation d'identité ? Comment prouver que ce n'est pas vous qui avez signé un document, quand votre signature apparaît pourtant dessus ? Tant de questions à la limite de l'absurde, mais qui ont tourné au calvaire pour Vasile Godoroja, habitant de Pressigny-les-Pins, dans le Loiret.
Depuis 2016, il reçoit des amendes pour des infractions qu'il dit ne pas avoir commises. Cette année-là, Vasile Godoroja change d'employeur et quitte la région parisienne pour s'installer dans le Loiret. Natif de Grèce, il avait utilisé son permis grec à son arrivée en France, avant de le faire convertir en permis français. Pour se faire embaucher en tant que chauffeur, il raconte avoir "fait une copie". Cette dernière servirait à des gens qui, des années plus tard, "continuent de dénoncer mon permis grec" à chaque infraction, argue-t-il.
Imitation de signature
En sept ans, le Loirétain dit avoir reçu plus de 32 000 euros d'infractions. Toutes commises en région parisienne, où il n'habite plus, avec des voitures qu'il ne possède pas. "En étant routier, j'ai la preuve que j'étais à bord de mon camion et pas dans les voitures contrôlées", explique-t-il.
Sa seconde preuve : un avis de réception qu'il aurait reçu à Villepinte, et semble avoir signé. Après tout, c'est bien sa signature. Lui explique qu'il s'agit là d'une imitation, et montre les différences concrètes avec sa vraie signature, présente sur sa carte d'identité.
En 2020, le couperet tombe : le permis de Vasile Godoroja tombe à zéro point.
Aujourd'hui, je ne peux plus aller faire mes courses, je ne peux plus emmener mes enfants au conservatoire de Montargis. Sans voiture, ce n'est pas possible, je ne peux rien faire.
Vasile Godoroja
Il ne peut plus, non plus, travailler en tant que routier. En août 2022, il est licencié. Son épouse, Xenia Godoroja, est désormais la seule source de revenus du foyer. "C'est très difficile depuis un an, je suis seule à travailler et je suis intérimaire, raconte-t-elle. On se demande toujours comment on va payer notre crédit."
Trois avocats en sept ans
En sept ans, Vasile Godoroja a eu trois avocats différents, et a déposé plusieurs plaintes, sans succès. À ce stade, son statut de victime d'usurpation d'identité n'est toujours pas reconnu au niveau pénal, ce qui nécessiterait un passage devant un juge. "On a beau contester les contraventions, les avis de saisie, tant qu'on n'a pas de jugement, ça ne sert à rien", explique son actuelle avocate, Maître Nelsie Kutta Engome, qui officie au barreau d'Orléans.
Ce n'est qu'après cette étape que l'avocate pourra espérer "un vrai dialogue" avec les institutions en charge, rendu impossible actuellement par la dématérialisation. "On n'a pas d'administration en face !" Il s'agira alors de demander un nouveau numéro de dossier à Vasile Godoroja. Car, s’il demande un nouveau permis aujourd'hui, il sera à nouveau attaché au numéro de son ancien permis, et pourra continuer à être jugé responsable des infractions commises par les usurpateurs. "Mon client se trouve dans une situation inextricable aujourd'hui", reconnaît Nelsie Kutta Engome.
Le maire de Pressigny, Alain Deprun, explique de son côté avoir sollicité le sous-préfet du Loiret et le procureur de Montargis "dans l'espoir d'accélérer les procédures judiciaires [pour] sortir cet administré désespéré d'une situation qui devrait et pourrait être réglée depuis fort longtemps". Des tentatives qui se sont avérées, jusque-là, "infructueuses".
Propos recueillis par Théophile Mbaka et Yves Le Bloa.