Les gérants du bar-tabac "Au Balto", à Montargis, ont eu leur commerce saccagé et pillé lors des émeutes de fin juin. En attendant des travaux, ils tentent de garder le moral et vivent d'indemnités.
Chaque fois qu'il pousse la porte de son bar-tabac, le même bruit strident : celui du frottement des planches de bois installées à la place des vitrines brisées.
Dans la nuit du 29 au 30 juin, le bar-tabac de Jacques Varagnat, à Montargis, a été pillé et saccagé par des émeutiers. Informatique, mobilier, frigo, et bien sûr, vitres... rien n'a été épargné par les casseurs. Montant total des dégâts : 50 000€.
De la marchandise a aussi été volée : 1/4 des produits de tabac, des puffs, des jeux de hasard... Là encore, des dizaines de milliers d'euros partis en fumée.
Du jour au lendemain, toute l'activité s'arrête. 12 ans de travail stoppés net
Jacques Varagnat, gérant du bar-tabac "Au Balto"
"Du jour au lendemain, toute l'activité s'arrête. Douze ans de travail stoppés net. Au début, on pense que ça va durer quelques semaines. Ça fait maintenant des mois. Même pendant les inondations de 2016, on n'avait pas connu ça", souffle le gérant.
"On voulait défendre notre bébé"
Entre deux cafés, Sylvie Lange, la compagne de Jacques et salariée du bar-tabac, revient sur cette "nuit de cauchemar" : "Il est minuit passé. On vient de rentrer chez nous, à 20 km de Montargis, après une journée de travail. Le téléphone sonne. C'est notre société de sécurité. L'alarme anti-intrusion vient de se déclencher, la lampe stroboscopique et le fumigène aussi. Des intrus sont dans notre bar."
La société de sécurité et la police tentent de les dissuader de se rendre sur place. Trop dangereux : "200 émeutiers sont en ville", les prévient-on au téléphone. Peine perdue. Le couple prend sa voiture pour "défendre son bébé".
"Quand on arrive, Montargis est calme. Jusqu'à notre rue [rue du général Leclerc, NDLR]. À côté du bar-tabac, un immeuble est en feu. On voit les paquets de cigarettes qui volent. Des jeunes se servent dans notre commerce. J'en prends un et je l'éjecte. Je commence à me battre, Jacques aussi", se remémore Sylvie.
Reconnaissant les patrons, un jeune présent sur place mettra fin à la rixe. Les émeutiers s'enfuient, comme "une volée de moineaux", décrit Sylvie. Mais toute la nuit, le couple montera la garde, avec leur barman de 19 ans, appelé à la rescousse. "Les émeutiers nous ont dit qu'ils allaient revenir pour "finir" le bar et y mettre le feu. Il fallait qu'on le protège".
Ils nous ont dit qu'ils allaient revenir pour "finir" le bar et y mettre le feu
Sylvie Lange, salariée du bar-tabac "Au Balto"
Après un passage par l'hôpital, choqué, Jacques veut rouvrir le plus vite possible, "mais ça ne se passe pas comme ça".
Jusqu'en septembre, interdiction pour eux de pénétrer dans leur commerce. Il est situé dans le périmètre de sécurité de l'immeuble qui a flambé et démoli depuis. Il y a aussi le temps pour évaluer les dégâts et le coût des vols. Les démarches s'étirent en longueur. Six mois passent.
Après les dédommagements des assurances, des banques, et une aide de 10 000€ de l'État, le couple vit désormais grâce aux indemnités de Sylvie et à quelques économies. Tous les mois, il faut continuer à payer les factures et le loyer.
Mais il voit enfin le bout du tunnel : "Dans quelques jours, je devrais pouvoir valider les devis pour les travaux, sourit Jacques. J'espère ouvrir mi-mars. On n'a pas le choix, il faut redémarrer ! Nos clients nous attendent. Et puis notre vie est ici. On a plein de souvenirs dans ce bar."
"On veut une sanction pécuniaire pour les casseurs. La prison, ça ne sert à rien".
Selon eux, les émeutiers qui ont volé et vandalisé leur commerce n'ont toujours pas été arrêtés. Une enquête est en cours. Les commerçants espèrent qu'ils seront condamnés à une sanction financière et à des travaux d'intérêt général, "mais la prison, ça ne sert à rien".
Sandra Diniz, au contraire, réclame des sanctions exemplaires, avec des peines de prison. D'après la présidente de la fédération loirétaine des buralistes, sept buralistes ont été victimes des émeutiers cette nuit-là. Parmi eux, cinq sont dans l'agglomération montargoise. Jacques et Sylvie auraient été "les plus sévèrement touchés". Jacques est d'ailleurs toujours suivi par un psychologue.