"C'est la goutte qui fait déborder le vase" : face au reconfinement, la filière horticole du Loiret au bord du gouffre

Fauchée par le premier confinement aux premières heures du printemps, le marché de l'horticulture déjà en berne a subi de plein fouet le reconfinement de l'automne, notamment à Orléans.

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Pourpres, violets, roses, blancs et jaunes... des milliers de chrysanthèmes chatoient sous la serre de Jean-Marie Fortin, près d'Orléans. Éclatants, ils seront pourtant jetés, comme au printemps, et surtout comme le symbole d'un deuxième confinement qui mène l'horticulture au bord du vide, malgré la réouverture des fleuristes samedi.
 

220 000 euros de pertes

"On a été impacté brutalement" par le deuxième confinement, juste avant la Toussaint, attaque l'horticulteur de Saint-Jean-le-Blanc, également président de la chambre d'agriculture du Loiret. Alors, après plusieurs jours de flottement, le patron de La Belle Grange (9 salariés) s'est résigné: il loue désormais des bennes pour jeter. "On paie pour recycler", explique-t-il. "C'est la double peine."

"Cela n'a rien à voir avec le confinement du printemps", reconnait toutefois le dirigeant. "Nous avions jeté 180 m3 de plantes et fleurs. Cet automne, on va perdre 40.000 euros. En soi, ce n'est pas très grave, mais cumulé avec le printemps, c'est la goutte qui fait déborder le vase." Au total, son entreprise aura perdu plus de 220.000 euros de chiffres d'affaires à cause des mesures sanitaires. Un gouffre pour cette PME qui réalise habituellement 1,2 million d'euros.

"J'ai pris le PGE (prêt garanti par l'Etat, ndlr) donc au niveau trésorerie tout va bien. Mais si on nous demande de le rembourser dans un an, on ne pourra pas", prévient-il. Et autant oublier les investissements pour les années à venir... 
 
 

"A la fin, le client c'est la poubelle !"

Chez les gros du secteur, la morosité est aussi de rigueur. Bigot Fleurs à Allonnes, près du Mans, emploie 200 salariés et réalise 25 millions de chiffre d'affaires par an. Le leader des fleurs coupées a été fauché en pleine saison des tulipes. "Et là, contrairement au premier confinement, tous nos débouchés étaient fermés", déplore Nicolas Bigot. "On s'est retrouvé à devoir jeter 200.000 à 300.000 tulipes par jour."

"Le décret qui ferme les rayons des supermarchés, c'était un coup de matraque, car c'était le seul débouché qui nous restait", peste-t-il. "On ne parle pas de manque à gagner: tout est perdu. Les bulbes sont payés, le chauffage aussi, mais à la fin, le client c'est la poubelle", s'emporte-t-il.

Dans le Maine-et-Loire voisin, Froger Fleurs peine aussi à s'en sortir. "Jeter, jeter, jeter... pendant quinze jours. On était le seul produit périssable, sans aucun point de vente ou débouché", déplore Guillaume Froger. Basé aux Ponts-de-Cé, près d'Angers, lui et ses quarante salariés ne réaliseront que 4 millions de chiffres d'affaires en 2020, soit 800.000 euros de moins qu'en 2019.
 

Des aides vitales, mais insuffisantes

La réouverture des fleuristes est-elle à même d'offrir un peu d'espoir? Si les professionnels estiment que cela va aider, ils ne se bercent pas d'illusions sur les priorités des consommateurs. "Les gens se préoccupent de leurs achats de Noël. Les jardins, les terrasses, les balcons, ça vient en second lieu", résume Jean-Marie Fortin.

Quant à l'aide de 25 millions d'euros promise par l'Etat, elle a enfin été débloquée le 19 novembre par le ministère de l'Agriculture. "C'est vital mais ça ne concerne que le premier confinement. On espère des aides pour le deuxième. Cela peut nous aider à passer le cap", explique Guillaume Froger.
 

Nicolas Bigot, lui, est circonspect. Selon lui, l'Etat n'est tout simplement pas au rendez-vous. "C'est un scandale cette enveloppe", s'énerve-t-il. "Cela ne couvrira que 20% de nos pertes. (...) On a pris un PGE de 2 millions en avril, alors on comprend bien que les 25 millions pour toute la filière, ça nous fait une belle jambe."

Dans sa serre près d'Orléans, Jean-Marie Fortin accueille favorablement l'aide, tout en restant méfiant: "C'est une bonne chose, mais on n'a encore rien touché. Et je n'ai encore aucune certitude sur combien." A côté des chrysanthèmes qui attendent la benne, des pensées poussent. Elles auront, elles, l'opportunité d'être vendues en décembre ou en janvier. Dans le hangar d'à côté, les rosiers sont préparés pour une vente en février-mars.

"On ne peut pas non plus ne rien produire, il faut amortir les serres. On  remet en production pour le printemps, mais si on reconfine, les entreprises horticoles
fermeront
", confie M. Fortin, avant de prévenir: la filière, qui compte 3.600 producteurs et 22.000 emplois, "ne supportera pas un troisième confinement".
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