Coronavirus : la peur des Gens du voyage encore plus isolés

Sur l'aire d'Orléans, aucune caravane n’est autorisée à entrer ni à sortir. Par peur d’être contaminés, les Gens du voyage refusent à qui que ce soit d’approcher. Privée de revenus, la communauté appelle à la réouverture du centre social pour avoir accès aux services administratifs

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10h. Orléans la Source

À mon arrivée sur le terrain des Gens du voyage d’Orléans, un homme d’une quarantaine d’années vient à ma rencontre et me prévient "vous ne pouvez pas vous approcher des caravanes, personne ne vous parlera".

Les familles installées ici vivent repliées sur elles mêmes. Le technicien logistique en charge de l’entretien pour la Métropole n’a plus accès aux sanitaires et aux points d’eau.

Ils ont peur qu’on leur ramène le virus.

me confie Mamadi Sangaré, les mains gantées et le visage recouvert d’un masque.

Ici comme ailleurs, l’épidémie de Covid-19 n’a pas été prise très au sérieux au début et les allers et venues étaient encore fréquentes la première semaine de confinement. Mais depuis, les familles ont eu vent de cas de Coronavirus survenus ailleurs au sein de la communauté et l’entrée sur l’aire d’accueil, en plus d’être fermée par un portail, est farouchement gardée par un van, un camion d’artisan et des poutrelles de béton qui rendent infranchissable l’accès de côté.
 

La précarité s’installe

Une trentaine de familles vit à l’année à la Source. Pour certaines, la sédentarisation remonte à plusieurs décennies. Les "chefs" exercent des métiers de proximité, ils sont artisans, ramoneurs, jardiniers, entrepreneurs du bâtiment...

Joseph, la cinquantaine, est vêtu d’un ensemble bleu Roy très seyant. Détendu, les mains de poche, il accepte de me parler. En temps normal, il vend des vêtements sur les marchés de la métropole orléanaise. Un commerce prohibé depuis le 17 mars.Il aimerait bien monter un dossier pour une éventuelle indemnisation mais le centre social du terrain est fermé. Comment remplir les formalités quand on ne sait pas bien lire et écrire, un handicap encore très répandu au sein à la communauté des Gens du voyage.

"Je suis auto entrepreneur, je vais sans doute avoir droit au RSA mais ce sera insuffisant. Comment faire pour vivre ? Ce serait bien que la location des emplacements soit gratuite le temps du confinement. J’ai des parents à Dax, ils y ont droit..."

Dans l’urgence, la Métropole orléanaise, gestionnaire de cinq aires d’accueil, a instauré la gratuité de l’eau et 50% de réduction sur la facture d’électricité. Un geste qui ramène le coût de l’emplacement à 80 euros par semaine selon Joseph. "C’est encore trop lorsque l’on a plus de revenus".

L’illectronisme prive les enfants d’école

Un peu à l’écart du terrain d’accueil, les stores du petit centre social sont abaissés. C’est ici que les enfants suivent habituellement leurs cours.

"Non, il n’y en a plus" me dit l’air désolé un jeune homme en âge d’aller au collège qui, à défaut, fait des tours de vélo autour des caravanes.
Dénuées d’équipement informatique et de connexion, les familles ne peuvent pas bénéficier du télé-enseignement.

"La question renvoie plus globalement aux effets de la fracture numérique" commente Stéphane Lévêque de la Fnasat*.

L’illectronisme est un frein considérable dans l’accès aux droits et aux savoirs pour de nombreux français, dont beaucoup de Gens du voyage.

Contactée sur cette question, l’académie d’Orléans-Tours n’avait pas encore répondu à l’heure où nous publions cet article.

** Fnasat: fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage.
 
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