La mairie d’Orléans vient d’annoncer un projet inédit en France. Un protocole pour former de jeunes médecins français à Orléans par le biais d’un enseignement croate. Une proposition qui suscite des réactions très mitigées.
L’annonce en a surpris plus d’un cette semaine. Et pour cause, tous les acteurs concernés par la question n’étaient pas au courant du projet. Ni le Conseil de l’Ordre du Loiret, ni la faculté de médecine de Tours. Le maire d’Orléans a ainsi jeté un pavé dans la mare en annonçant en conférence de presse, ce jeudi 27 janvier, son plan pour lutter contre la lourde désertification médicale dont souffre le département du Loiret.
Un projet totalement inédit en France
Un partenariat avec l’Université de Zagreb qui formerait des étudiants français à la médecine à Orléans. Au total, une cinquantaine d’aspirants médecins français pourraient suivre des cours dispensés en anglais par la faculté croate installée sur un site à Orléans, dont l’adresse demeure encore inconnue, tout en se rendant un ou deux mois par an à Zagreb.
Les réactions n’ont pas tardé. A commencé par celle de l’opposition municipale. Stéphanie Rist (LaRem), qui connaît bien son sujet pour être elle-même médecin de profession, assure n’avoir "aucun a priori dogmatique ou idéologique" sur un projet dont elle admet ne pas connaître tous les détails de faisabilité juridique et administrative. Il n’empêche, la députée du Loiret s’interroge sur le moment choisi par le maire d’Orléans pour faire cette annonce. "Le moment est assez sensible avec les élections qui approchent et ce serait une rupture de faire de la formation privée en médecine (…) cela revient à créer une école privée un peu comme il existe des écoles de commerce sauf que c’est avec une faculté de médecine européenne".
Un manque de concertation
Le point de vue est tout aussi mitigé du côté du Conseil de l’Ordre qui n’était pas au courant du projet municipal. "C’est dommage que cette proposition n’ait pas été réfléchie et discutée avec les différents partenaires" estime Christophe Tafani, le président du Conseil de l’Ordre du Loiret. Selon lui, c’est surtout l’aspect pratique de la solution proposée qui pose question. "Cela risque d’être compliqué pour nos enfants de suivre des cours de médecine en anglais alors que déjà en français la discipline demande une grande attention".(…) Mais le Conseil de l’Ordre l’admet, si le projet aboutit, les diplômes seront forcément reconnus et les médecins inscrits en France. Il existe d’ailleurs déjà de nombreux jeunes Français qui partent suivre leurs études de médecine en Croatie ou encore en Roumanie. Chaque année, les exclus du numerus clausus sont ainsi plusieurs centaines à s’exiler dans d’autres pays européens avant de revenir exercer dans l’hexagone.
Donner un caractère universitaire au Centre Hospitalier Régional d’Orléans
Côté universitaire, l’annonce du partenariat avec la faculté de médecine de Zagreb a fait l’effet d’une bombe. Dans un communiqué diffusé ce vendredi 28 janvier, les universités de Tours et d’Orléans fustigent "un projet qui va à l’encontre des valeurs universitaires que nous prônons" et "une formation au rabais". Le doyen de la faculté de médecine de Tours, qui confie ne pas avoir été associé non plus au projet orléanais, s’inquiète du contenu et du coût de la formation croate. "Dans l’enseignement proposé par Zagreb, il y a des choses ahurissantes comme les cours d’immunologie qui sont optionnels ou encore des frais d’inscription de 12000 euros. J’espère que la mairie d’Orléans aidera les étudiants car il y a un risque de ségrégation sociale" nous dit Patrice Diot. Le doyen de la faculté de médecine de Tours pense qu’une autre solution est possible. Il travaille actuellement à favoriser l’enseignement de la médecine à Orléans en universitarisant le Centre Hospitalier Régional d’Orléans (CHRO). Des médecins hospitaliers orléanais pourraient ainsi prochainement obtenir le titre de professeur universitaire et ainsi dispenser des cours, ce qui permettrait d’augmenter, par effet de ricochet, la capacité étudiante. "Dans les négociations que je mène, je voudrais qu’on obtienne en cinq ans, dix postes de professeurs supplémentaires dont la moitié pour Orléans, sachant qu’actuellement il nous en manque 72 pour être dans la moyenne des facultés françaises !". En attendant, la désertification médicale ne s’arrange pas dans le Loiret où le nombre de médecins généralistes est l’un des plus bas de France. Contactée par nos soins, la mairie d’Orléans n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.