Documentaire. "Chacun est libre de croire ou de ne pas croire", laïcité et liberté, des principes enseignés à l'école

Dans ce documentaire de Jean Crépu, professeurs et enfants échangent autour du principe de la laïcité à l'école. Un temps de parole pour écouter et s'exprimer, pour échanger et s'interroger. En ces temps tourmentés, quels sens ont ces mots "Liberté, égalité, laïcité" pour ceux qui seront les adultes de demain ?

La laïcité, on en parle, mais savons-nous véritablement la définir. Un point de départ pour partir ensemble sur les mêmes bases. Sur le site du ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, il est écrit :

"La laïcité est un principe de liberté, liberté de croire ou de ne pas croire. Elle est au fondement de notre société et de notre école qui doit préserver les élèves de tout prosélytisme idéologique, économique et religieux."

Le principe de la laïcité est au fondement du système éducatif français depuis la fin du XIXe siècle. Les différents enseignements contribuent à la transmission de la laïcité, en particulier l'enseignement moral et civique, l'histoire-géographie ou encore la littérature.

Education nationale

Elle est même inscrite dans l'article premier de la Constitution de 1958 : "la France est une République indivisible, démocratique, laïque et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances."

Dans son documentaire, Jean Crépu, soulève plusieurs questions à propos de la laïcité à l'école.

• Quels sens ont aujourd'hui les mots : "Liberté, égalité, fraternité" ?
• Comment le principe de laïcité est-il perçu ?
• Comment ses valeurs sont-elles transmises et surtout comment peuvent-elles être partagées par tous ?

Les professeurs, sur le terrain, sont tenus d'enseigner ce principe de liberté à des élèves du primaire ou des adolescents issus de milieux et de religions différentes. Dans l'école primaire d'Échirolles dans la banlieue de Grenoble, Isabelle ouvre la discussion autour de la laïcité avec ses élèves de CM2.

Les enfants sont pleins d'entrain pour dialoguer autour de l'article : "chacun est libre de croire ou de ne pas croire."

Je suis croyant à rien. Mais dans la classe, il y en a qui croient et chacun est libre de croire ou pas. Moi ça ne me gêne pas.

Un élève de cm2

Les enfants se regroupent par deux pour se concentrer sur une question tirée au sort. Les avis sont divergents, chacun reste sur sa position, mais les échanges sont constructifs.

Alors qu'Isabelle ne s'y attendait pas. Un enfant prend la parole pour parler de Samuel Paty. La suite de la conversation passe de doigt en doigt levé. La notion de liberté est abordée, mais chacun l'interprète à sa façon. Un point de vue différent sur la liberté d'expression et une voix unanime qui s'élève en chœur quand il s'agit de rejeter la violence.

Des enfants qui ont besoin de mettre des mots sur ce qu'ils perçoivent, sur une actualité partagée sur tous les écrans et dans les conversations de grands.

On voit bien ce matin que les élèves ont envie de s'exprimer là-dessus et que l'école a besoin de laisser un espace de parole. Et c'est en çà, que la laïcité, elle le garantit. C’est-à-dire qu'il ne s'agit pas de ne pas en parler, au contraire.

Isabelle, professeure des écoles

Les caméras quittent l'école primaire d'Échirolles pour filmer des adolescents au collège G. Anthonioz de Gaulle à Cluses en Haute-Savoie. Un tournage de film bien accueilli au sein de l'établissement classé en REP (Réseau d'éducation prioritaire) qui compte 975 élèves. Il se situe dans un territoire avec des difficultés sociales. "La mixité est ici une réalité et la diversité n'est pas seulement un mot. Plus de vingt origines sont représentées."

Dans le même collège, Sami, professeur d'histoire et de géographie, consacre une heure de sensibilisation à la journée de la laïcité avec ses élèves de 5ème qui maîtrisent déjà bien le sujet. Comme en école primaire, les collégiens participent activement.

Après ce temps d'échange, Sami reprend la parole pour résumer le principe de la laïcité et le faire comprendre aux élèves. "Non pas comme un principe qui va les empêcher de pratiquer leur religion, mais plus comme un principe qui va les amener à les protéger dans leurs convictions et dans leurs croyances. Le principe républicain de laïcité n'est pas soumis à interprétation, il y a des règles, il y a des lois qui disent clairement ce que c'est." Ne pas influencer quelqu'un qui croît ou ne croît est un pilier de ce principe.

La laïcité, c'est une ligne de conduite. C'est un principe.

Sami, professeur d'histoire et de géographie

Dans un autre cours d'histoire géographie, Anthony, fait lui aussi un rappel des règles de laïcité avec ses élèves. Le professeur souligne la tolérance et le respect de ses jeunes habitués à la différence et à la mixité puisque des dizaines de nationalités se côtoient quotidiennement.

Les élèves reviennent sur les points d'actualité, sur ce qu'ils ont entendu ou vu à la télévision, mais aussi sur les réseaux sociaux. Ils n'ont pas les mêmes opinions et les limites de la liberté d'expression et de l'autocensure font débat comme à l'école primaire. Les adolescents sont néanmoins plus vifs dans leurs paroles, des propos d'une grande violence qui ont été cités dans le film, mais pas filmés. Des propos qui ne resteront pas sans réponse, un incident qui se clôturera le plus souvent dans une discussion.

On ne peut pas laisser des propos aussi choquants sans réponse, ce n'est pas possible.

Anthony

Dans les autres cas, s'ensuivront des échelons de sanctions.

Oui, il y a des choses à corriger effectivement. Quand ça va un peu vers la violence verbale ou quand ça va dans de l'intimidation. Il faut corriger.

Charlène, professeure des écoles

Jean Crépu souligne que créer une culture commune, c'est aussi le rôle de l'école, que les influences venant de l'extérieur sont de plus en plus prégnantes et rendent la mission des enseignants difficiles, mais que c'est bien la mixité, cet ADN du collège vécu par tous comme une richesse, qui reste ici un moteur de cohésion.

Une mixité qui s'explique par l'histoire de la ville de Cluses. Dans les années 70, 80, le développement industriel de la région a provoqué d'importantes vagues d'immigration pour répondre aux besoins de main-d’œuvre.

Béatrice va plus loin que la théorie, en bonne professeure de mathématiques, elle voulait comme elle l'aurait fait pour une équation, expérimenter, enseigner et incarner les valeurs de la République à travers des expériences. Elle trouve que les choses ont changé et que "La société ne fait pas de cadeau", à ces enfants issus de l'immigration.

À Cluses, il y a eu beaucoup de mouvements de population, beaucoup d'enfants au collège de différentes origines et il fallait absolument que l'on vive ensemble avec des cultures, des idées, des religions différentes.

Béatrice, professeure de mathématiques à la retraite

Le collège continue aujourd’hui d'accueillir des enfants de migrants économiques et politiques. Certains de ses élèves n'ont jamais été scolarisés. Ils se dirigent vers des apprentissages pour aller travailler quand d'autres souhaitent continuer leurs études pour décrocher un bac professionnel ou général.

Moi, je me dis : Ils sont chez nous, ça leur a plu. Ils continuent leurs études. C'est vraiment une satisfaction exceptionnelle.

Sabrina, professeure de Français - Langues étrangères

À l'école primaire des Ewues, dans un quartier populaire de Cluses, Jean Crépu retrouve Sami dans sa mission de sensibilisation autour de la laïcité et Charlène, l'une des institutrices de l'école.

Charlène prône le dialogue et l'échange pour que les élèves se sentent écoutés et qu'ils puissent se permettre de dire, sans être coupés dans leurs discussions ou dans leurs interrogations.

Sami explique les devoirs de l'élève, mais aussi les devoirs de l'enseignant en matière de laïcité. "La maîtresse ou le maître n'a pas le droit de vous mettre par groupe, par religion."

Le mot de la fin revient à Jean Crépu : " Les valeurs de la République censées nous réunir sont aujourd'hui fragilisées. La laïcité qui garantit une liberté essentielle, la liberté de conscience, est parfois remise en cause au nom de la religion. Des enseignants travaillent quotidiennement à former l'esprit critique chez les élèves dans le respect de chacun, mais aussi de la loi et du droit. À travers la laïcité, c'est ce projet émancipateur qui doit être défendu."

"Liberté, égalité, laïcité", un documentaire de Jean Crépu, produit par Jean-Marc Giri, une coproduction France Télévisions et Veilleur de nuit, à voir ce jeudi 19 octobre sur France 3 Centre-Val de Loire à 23 h 00 et à retrouver en replay sur france.tv.