Selon un sondage de l'Ifop pour Ouest-France, "indifférence" et "inquiétude" sont les termes qui dominent dans l'esprit des Français vis-à-vis de l'Europe, notamment en Centre-Val de Loire. Beaucoup pointent un manque d'information et la responsabilité des médias.
Le 9 juin prochain, vous aurez rendez-vous devant les urnes pour élire les députés européens. Pourtant, selon un sondage Ifop commandé par Ouest-France, l'Europe n'intéresse pas tout le monde. Interrogés sur le mot qui définit le mieux leur état d'esprit, entre "Colère", "Inquiétude", "Indifférence", "Optimisme" et "Confiance", les 4800 sondés de l'enquête ont été 46% à répondre par l'inquiétude et 16% par l'indifférence.
"Non je ne m'y intéresse pas plus que ça, seulement de loin", nous confie une passante à Olivet, près d'Orléans. "Mais j'irai voter quand même !" "Le bureau de vote où je suis inscrit est loin de chez moi", constate un jeune homme, pour qui la "contrainte géographique" va peser dans le choix de voter, ou non. "Les élections européennes, dans ma hiérarchie d'importance de vote, ce n'est pas ce qui arrive en premier." D'autres évoquent la peur du "retour de l'extrême-droite" pour se motiver à aller voter.
"L'Europe, c'est loin"
De fait, la région Centre-Val de Loire est celle où la part de sondé ayant répondu par l'indifférence est la plus élevée. Il s'agit aussi de la région où les sondés se disent les moins "fiers" d'être Européens.
"C'est très intéressant", relève Pierre Allorant, politologue et invité du plateau de France 3, qui note deux tendances contradictoires. D'un côté, "l'Europe c'est loin, ce sont des décisions qui semblent pas très naturelles et assez éloignées des citoyens", mais de l'autre "on perçoit quand même un intérêt, différencié selon les générations" à aller voter.
Alors pourquoi tant d'indifférence ? "D'abord, il n'y a pas d'ancrage territorial. Personne ne peut se dire 'mon député s'appelle Untel ou Untel', on ne les connaît pas", note l'expert. "Ce qui aggrave le cas dans notre région", poursuit Pierre Allorant, c'est le manque "de députés sortants ou éligibles".
Dans cette région massivement rurale, éloignée des frontières européennes et inquiète pour l'avenir, l'enthousiasme européen serait donc douché par les inquiétudes du quotidien, comme la santé ou l'emploi.
On a du mal à incarner ce scrutin. Or on sait que ce qui marche le mieux pour le vote, c'est l'élection présidentielle, élection majeure, soit l'élection du maire de sa commune, parce que là c'est incarné.
Pierre Allorant, politologue
Il y a pourtant bien deux eurodéputés sortant dans la région, à savoir Claude Gruffat et François Thiollet, tout deux issus d'EELV, mais il semble effectivement régner une certaine méconnaissance des candidats, et même du fonctionnement des institutions européennes.
Pourquoi connaît-on si mal l'Europe ?
La France a d'ailleurs été épinglée à ce sujet par un rapport de mars 2022 de la commission de la culture et de l'éducation du Parlement européen. Cette dernière se disait "préoccupée par l'attention limitée accordée aux aspects européen et mondial de la citoyenneté dans les programmes scolaires nationaux".
En cause : l'éducation dans les établissements scolaires, mais aussi le comportement des acteurs politiques, qui voient les élections européennes comme une échéance "de second ordre" selon la politologue Virginie Van Ingelgom, citée par Franceinfo.
Le traitement médiatique de l'UE serait aussi à revoir. En 2020, l'étude* réalisée par ViaVoice pour l'association du Mouvement européen montrait déjà que 55 % des Français s'estimaient mal informés concernant l'UE. Ils étaient en revanche près de 72% à déclarer vouloir être davantage informés sur ce sujet.
Pourtant, les sujets européens qui mobilisent ne manquent pas, comme l'ont montré les révoltes agricoles du début de l'année dans plusieurs pays du continent, dont la France.
Enfin, dans un contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, note Pierre Allorant, "c'est une élection absolument décisive pour savoir si on veut une Europe puissante, qui peut se défendre seule dans la perspective d'un décrochage des États-Unis dans le cas d'une réélection de Trump".
