Héroïne de la nation, égérie religieuse : Jeanne d'Arc, une figure des luttes des femmes ?

Beaucoup se sont approprié son combat. Au fil des siècles, la pucelle d'Orléans est devenue l'un des symboles de la cause féministe.

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Il faut s’imaginer, au 15ᵉ siècle, en pleine guerre de Cent Ans, une jeune femme aux cheveux courts, qui s’habille comme un homme, qui monte à cheval et qui mène des centaines de soldats au combat pour sauver son pays et son roi ! La jeune femme bouscule un monde d’hommes. Jeanne d’Arc bouscule les traditions. Elle remet en question le patriarcat. 

C’est une femme libre. Ce n’est pas une femme en jupon. Dans une époque phallocrate, les hommes l’acceptent et la suivent. Elle a quelque chose en plus. Elle a du charisme. Les hommes la respectent comme si elle était atteinte de la divinité.

Virginie Girod, historienne

Cette paysanne de Lorraine prétend entendre des voix qui lui demandent de libérer Orléans des Anglais et de faire sacrer Charles VII à Reims. Elle réussit à délivrer la ville le 8 mai 1429. Depuis, chaque année, à cette date, Orléans la célèbre. Depuis 1429, la cité Johannique fête cette jeune paysanne qui l’a libérée des Anglais. Capturée en 1430, elle est brûlée vive par les Anglais à Rouen en 1431 après un procès inique. "Sa mort est un non-événement. Elle va tomber dans l’oubli le plus total. Sa légende va naître deux siècles plus tard. C’est au 19eme siècle qu’elle devient une star." raconte Olivia Voisin, directrice des musées d’Orléans.

En effet, c’est l’historien Jules Michelet qui la réhabilite. Il l’érige en défenderesse de la nation. La gauche républicaine et laïque s’empare de cette figure brûlée par l’Église, fille du peuple et abandonnée par le roi.

Au 19ème siècle, en plein mouvement romantique, une femme guerrière médiévale, on adore !

Olivia Voisin, directrice des musées d'Orléans

En 1801, Friedrich von Schiller, grand poète et dramaturge allemand, écrit la pièce de théâtre "La Pucelle d'Orléans" ("Die Jungfrau von Orleans"). Schiller fait de Jeanne d’Arc une icône du patriotisme.

C’est une femme qui va changer son image de guerrière. Marie d’Orléans, princesse et fille du roi Louis Philippe - qui avait comme professeur d’histoire, Jules Michelet - "est fascinée par cette jeune fille pieuse partie se battre. Elle va réaliser plusieurs sculptures et provoquer un changement radial de la vision qu’on a à l’époque de Jeanne d’Arc. Elle représente une Jeanne qui ne se bat pas, mais une Jeanne très pieuse" explique Olivia Voisin.

Félix Dupanloup, l’évêque d’Orléans, lance alors un processus de canonisation. Elle devient sainte en 1920. Elle devient alors un symbole de la chrétienté, écoutant les ordres de Dieu.

Une icône féministe 

Dans les milieux intellectuels, on s’interroge de la place et du rôle des femmes dans la société et on commence à revendiquer l’égalité entre les deux sexes. Sainte Jeanne d’Arc y est souvent citée. Elle devient alors le symbole des femmes libres. Mais son histoire fait naître deux clivages au sein des groupes féministes. Les féministes chrétiennes et nationalistes la voient comme la Jeanne d'Arc catholique et patriote. Et de l’autre, la Pucelle d'Orléans, laïque, courageuse et combative, est célébrée par des revendicatrices laïques.

Au début du 20ᵉ siècle, en plein combat pour le droit de vote des femmes en Angleterre, la WSPU (Women’s Social and Political Union) s’empare de Jeanne d’Arc, symbole féminin, mais surtout guerrier luttant contre le gouvernement anglais et pour la liberté. Un symbole féministe qui existe encore outre-manche. Le célèbre groupe anglais de new wave Orchestral Manœuvres In The Dark lui consacre même une chanson sortie en 1981 "Joan of Arc".

Une icône LGBT+

Dans les années 90, la pucelle d’Orléans devient un symbole du mouvement LGBT +. À 18 ans à peine, Jeanne casse les codes du genre avec ses cheveux courts et ses tenues d’homme. Elle est l’une des premières icônes "queer". Une femme "travestie" en homme soldat qui donne tout pour son pays. Un travestissement qui fournit un des prétextes à sa condamnation et à son exécution. En octobre 2020, Clovis Maillet historien médiéviste, publie un livre explorant le genre au Moyen Âge "Les Genres fluides. De Jeanne d'Arc aux saintes trans". Ses conclusions l’amènent à dire qu’il est difficile de qualifier Jeanne d'Arc de trans. Selon lui, elle s’habille comme les hommes pour des raisons guerrières, pour échapper au viol et pour préserver sa virginité. Virginité qu’elle s’est engagée à respecter pour obéir aux voix, gage du caractère sacré de sa mission.

Jeanne reste un éternel objet de projection symbolique et politique et reste la seule figure historique qui suscite autant de passions contraires.

Article initialement publié le 11/05/2024

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