Pas vraiment surpris par l’abandon du maire d’Orléans de ses fonctions de président de la fédération LR, les principaux élus du Loiret reconnaissent que leur parti traverse une mauvaise passe. Beaucoup pensent qu’il va devoir se reconstruire localement et nationalement.
"C’est un choc pour les militants mais je ne suis pas estomaquée ! Compte tenu de ce qui s’est passé ces derniers mois, on ne peut pas vraiment parler de surprise." Porte-parole de la fédération Les Républicains du Loiret et collaboratrice de longue date de Serge Grouard à la mairie d’Orléans, Chrystel de Filippi est de celles qui le connaissent le mieux et qui ont été parmi les premiers informés, il y a quelques jours, lorsque la décision a été prise.
Un "Macron-compatible" bien seul sur sa ligne
Même en dehors de sa garde rapprochée, l’annonce n’a pas étonné grand monde. "Je ne suis pas surpris non plus", explique l’ancien député-maire de Montargis Jean-Pierre Door. "Sa tentative de postuler à la présidence de LR a été un échec et ça a dû le toucher. Son souhait d’un rassemblement ou d’un pacte de gouvernement avec Emmanuel Macron n’est pas partagé dans le parti. Ni par Eric Ciotti, ni par Bruno Retailleau, ni par Xavier Bertrand. Il est seul sur cette ligne."
Seul sur sa ligne, Serge Grouard n’est toutefois pas le seul à se poser des questions sur l’avenir du mouvement. Maire LR de Meung-sur-Loire, Pauline Martin n’envisage pas à ce stade de rendre sa carte. Mais lors des prochaines élections sénatoriales prévues en 2023, elle ne mettra pas l’étiquette LR sur la liste qu’elle présentera avec le sortant Hugues Saury.
LR ne représente plus grand-chose. J’ai besoin de m’appuyer sur un parti qui tient la route. Il faut avoir le courage de se poser la question de la reconstruction. Devons-nous changer ce parti de l’intérieur ou partir pour faire autre chose ? A cette heure, je ne sais pas et il vaut mieux attendre.
Pauline Martin, maire LR de Meung-sur-Loire
Conseiller municipal de la majorité au côté de Serge Grouard à Orléans, Pascal Tebibel, lui, a décidé de ne pas attendre. Tout en restant adhérent de LR, il milite déjà au sein du mouvement "Nous France", lancé récemment par le président de la région Hauts de France Xavier Bertrand. "Serge Grouard et Xavier Bertrand se sont parlés mais on ne peut rien affirmer pour l’instant. 'Nous France' a déjà une centaine d’adhérents dans le département et nous espérons nous renforcer au côté de LR."
Même si tout le monde ne se reconnaît pas dans la direction du parti en ce moment, on ne veut pas qu’il tombe en déshérence et on souhaite un partenaire qui bouge. Pour la présidence de LR à l’échelle locale, il ne faut pas laisser la chaise vide. On a besoin d’incarnation et de leadership.
Pacal Tebibel, conseiller municipal à Orléans
Sur ce plan, elle ne devrait pas le rester trop longtemps. D’ici deux semaines, la direction du parti devrait désigner un nouveau président par intérim en attendant les élections fédérales prévues pour le 3e trimestre 2023.
Une question d'étiquette
Près de 800 militants s’exprimeront alors, ce qui signifie que la fédération reste encore assez puissante même si elle a perdu beaucoup d’adhérents depuis l’époque du RPR de Jacques Chirac ou de l’UMP de Nicolas Sarkozy.
Il fut un temps où le mouvement gaulliste détenait dans le Loiret la quasi totalité des sièges de parlementaires et les principales grandes villes. Aujourd’hui, il n’a plus aucun député et ne détient plus que deux sièges de sénateurs et des villes moyennes comme Montargis ou Meung-sur-Loire.
À l’échelle nationale, c’est une métropole supplémentaire qui échappe au parti présidé par Eric Ciotti. Pour trouver un maire LR dans une grande ville, il faut aujourd’hui aller à Nîmes, Aix-en-Provence, Limoges ou Caen. Mais la liste est de plus en plus courte. Le dernier départ en date était celui du maire de Metz François Grosdidier. Il a quitté Les Républicains après l'élection d'Eric Ciotti en tant que président du parti en décembre 2022. Châteauroux, forte de 43 000 habitants est désormais la plus grosse ville LR de région Centre-Val de Loire.
"Beaucoup de maires qui viennent de notre famille politique font aujourd’hui le choix de ne plus être encartés. Mais ce qui compte c’est d’être encore présents dans les conseils municipaux et pour l’instant c’est toujours le cas", explique Emmanuel Tasky, secrétaire départemental des Républicains du Loiret.
Si elle est le symptôme d’un parti en souffrance, la démission de Serge Grouard ne devrait pas toutefois changer les équilibres politiques locaux. Maire d’Orléans et président de la métropole, Serge Grouard abandonne une étiquette politique mais va continuer à gérer les exécutifs locaux avec la même ligne politique. Comptant dans l’équipe municipale des militants UDI ou non encartés, il pourra sans problème être catégorisé dans l’appellation fourre-tout "divers-droite".