Militarisation de l'espace : "Un satellite, en lui-même, c'est une arme"

La France a dévoilé, ce jeudi 25 juillet, une nouvelle stratégie de défense spatiale. Pour Stéphane Mazouffre, directeur de recherche au laboratoire Icare du CNRS, l'espace est depuis longtemps une zone militaire. 

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700 millions d'euros de rab d'ici 2025, sur un budget déjà établi à 3.6 milliards d'euros : la France montre les muscles. La ministre des armées, Florence Parly, a dévoilé ce jeudi 25 juillet la nouvelle stratégie de défense spatiale de la France. Champ d'exploration, l'espace est devenu un champ de menaces, exploité par d'autres puissances comme les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou encore l'Inde.
 

Le Traité de l'Espace, seul garde-fou


Les seules limites ont été posées par le Traité de l'Espace de 1967, conclu en pleine Guerre Froide par les Russes, Anglais et Américains. Il interdit la colonisation des planètes et autres corps célestes, et la mise sur orbite de tout "objet porteur d'armes nucléaires ou de tout autre type d'armes de destruction massive."  L'article 1, lui, précise : "L'exploration et l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique [...] doivent se faire pour le bien et dans l'intérêt de tous les pays." Oui, mais... 

"L'espace est déjà militarisé, prévient Stéphane Mazouffre, directeur de recherche au laboratoire Icare du CNRS, à Orléans-La Source. Tous les pays ont des satellites espions, des satellites de télécommunication dédié au militaire, qui utilise aussi les systèmes GPS... Un satellite en lui-même, c'est une arme. Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que s'il peut se déplacer, il suffit de le rapprocher d'un satellite ennemi pour perturber l'orbite de ce dernier et le rendre inopérant. Le simple fait de pouvoir amener un satellite près d'un autre peut être considéré comme une possibilité d'attaque."
 

Nos indiscrets voisins d'orbite


C'est d'ailleurs une affaire d'intimité satellitaire qui a déclenché la réponse française. En 2017, Louch-Olymp, satellite russe "aux grandes oreilles" selon les mots de la ministre Parly, s'approche un peu trop du satellite franco-italien Athena-Fidus. Problème : celui-ci gère des communications militaires sécurisées. "Tenter d’écouter ses voisins, ce n’est pas seulement inamical. Cela s’appelle un acte d’espionnage", accuse la ministre des armées.  

"On s'est aperçus, avec cette intrusion, qu'on était vulnérables, résume Stéphane Mazouffre. Et c'est d'autant plus vrai que l'Europe n'a pas développé de système de destruction de satellite depuis le sol." En mars 2019, c'est l'Inde qui est devenu le quatrième pays à détruire, par missile, un de ses satellites en orbite basse.  "Les pays qui l'ont fait, ça ne veut pas dire qu'ils le referont, tient à nuancer le chercheur. Ils connaissent très bien les risques. En détruisant un satellite, vous polluez grandement des orbites. Si un de vos satellites opère sur une orbite proche, le risque de l'endommager est très grand. Ici, on rentre dans les politiques de dissuasion : vous montrez à l'autre que vous pouvez le faire aussi, comme avec le nucléaire."
 

Patrouilleurs de l'espace et lasers à satellites


Si l'on se fie aux annonces de la ministre, l'arsenal envisagé pour équiper les satellites français est effectivement très dissuasif : lasers de puissance, mitrailleuses, caméras de surveillance... A partir de 2023, la France prévoît aussi investir dans des nano-satellites patrouilleurs. Un projet qui pourrait concerner directement le laboratoire d'Orléans-La Source, qui travaille sur la miniaturisation des systèmes de propulsion des satellites. 
 
Au-delà du militaire, cette conquête plus agressive de l'espace serait-elle aussi profitable à la science ? "Non, ce n'est pas très intéressant scientifiquement, rit Stéphane Mazouffre. Ces projets-là, j'y vois plus un aspect technologique et d'ingénierie que scientifique."
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