Sandra et Jean-Pierre sont gilets jaunes et ne joignent pas les deux bouts, mais nous ne les voyons à aucun moment dans une manifestation ou sur un rond–point. Nous partageons leur quotidien pour montrer comment ils vivent, et entendre ce qu’ils ont à dire.
Elle arrive sur son vélo, le gilet jaune glissé sous un tendeur, sur le porte bagage. Sandra habite un logement social au cœur d’Orléans, dans un immeuble réservé autrefois aux militaires.
Avec ses sacs de course achetés à prix cassés sur une application pour produits frais à dates courtes, elle grimpe les 3 étages à pied pour arriver dans l’appartement qu’elle partage avec ses 3 enfants étudiants dont deux ne rentrent que les week-ends.
Sandra est aide-soignante à domicile depuis 20 ans, un métier qu’elle a choisi par vocation. Mais depuis qu’elle a débuté, son salaire n’a pas augmenté, il est toujours de 1450 euros par mois, avec la pension du père des enfants et les diverses aides, elle atteint les 2000 euros mensuels. Pas assez pour faire vivre 3 jeunes adultes étudiants.En 20 ans, mon salaire n’a pas bougé
Le gilet jaune, elle le porte depuis le 17 novembre à cause de l’augmentation de la taxe sur les carburants.
Au 15 du mois, il ne reste plus rien
Sandra est catholique et toutes les semaines, elle se rend au Café Chrétien à Orléans pour partager le repas distribué chaque midi à ceux qui n’ont pas de quoi manger. Parfois, elle amène de la nourriture car « c’est du donnant-donnant ».
Gilet jaune et catholique
On peut être chrétien et être pour l’égalité, d’ailleurs on essaie de monter un groupe catholique chez les gilets jaunes. Et moi j’envisage de customiser mon gilet jaune. Avec une croix.
À l’autre bout du département, Jean-Pierre passe de moins de moins de temps chez lui. Et ça lui va bien. À 64 ans, cet ancien paysagiste de métier a fait un infarctus il y a 10 ans et ensuite, il a été victime d’un accident du travail en tombant d’un talus en région parisienne.
Diminué et souffrant d’insuffisance respiratoire, il a obtenu une pension pour adulte handicapé de 635 euros par mois.
On n’est rien du tout, c’est comme si on était mort.
Alors Jean-Pierre est entré dans le mouvement des gilets jaunes au premier jour, comme on entre en religion… Lui, le fils d’un militant communiste, les syndicats, il n'y croit plus.
Obligé de faire des petits boulots
Depuis le 17 novembre, sa vie a changé. Il ne rate pas une réunion de son groupe de gilets jaunes, sa « seconde famille ». Et puis les réunions, « on les fait dehors, par tous les temps, pour montrer qu’on est toujours dehors ».
De fait, Jean-Pierre arrondit ses fins de mois en faisant de l’entretien de jardins ou de la peinture chez des particuliers en chèque emploi service.Vous trouvez çà normal qu’à mon âge et dans l’état où je suis, je sois toujours obligé de travailler ? Qui peut vivre avec 600 euros par mois ?
Alors Jean-Pierre rêve d’une révolution : « ce qui me ferait enlever mon gilet jaune, c’est qu’on donne 300 euros de plus à ceux qui ont le moins. Car moi, je ne les mettrais pas sur un compte en banque, je les dépenserais et çà ferait marcher le petit commerce »Mais pas trop pour ne pas perdre mes droits…
Paroles de Gilets jaunes, une enquête à voir dans l'émission "Enquêtes de région" consacrée à la crise des territoires, le mercredi 13 mars sur France 3 Centre-Val de Loire.
Portraits de Sandra et Jean-Pierre
Sandra est aide-soignante et mère célibataire de 3 enfants étudiants. Elle habite à Saran.
Revenus : 2300 euros mensuels avec les aides sociales
Jean-Pierre est retraité et handicapé et vit avec sa sœur à Gien.
Revenus : 603 euros mensuels