"On les entend rire en salle d'attente" : au CHR d'Orléans, des clowns apaisent les enfants victimes de violences

Depuis 2014, l'association Le Rire Médecin intervient dans l'Unité d'accueil des Jeunes Victimes, au CHR d'Orléans. Un moment d'enfance rendu aux petits qui attendent d'être entendus. 

"Leur mode d'entrée dans la salle d'attente, c'est qu'ils ont toujours perdu quelque chose. Ils arrivent en "indirect", puis ils vont se caler complètement sur l'état émotionnel de l'enfant." souligne la Dr Barbara Tisseron, pédiatre au CHR d'Orléans. Depuis 2014, elle accueille dans son service un peu spécial des convives un peu spéciaux.

A l'Unité d'accueil des Jeunes Victimes (UAJV), on prend en charge les enfants qui ont subi des maltraitances, psychiques, physiques ou sexuelles. Ils viennent pour être entendus par les services de police, puis examinés par les pédiatres et psychologues.

La pédiatre a créé ce service. Elle y a aussi amené les clowns. "Quand on a voulu qu'ils arrivent dans cette unité, ce n'était pas acquis pour tout le monde. Des clowns dans une unité de maltraitance, ce n'est pas forcément simple, c'est incongru. Il y a 25 ans, c'était la même crainte pour les unités d'onco-hématologie. Mais on voulait recentrer les choses sur l'enfance, un enfant maltraité a le droit de rire, de jouer" appuie doucement Barbara Tisseron. 
 

"Ils ne peuvent pas entrer en scène avec une dispute"


C'est l'heure, les clowns entrent dans la salle d'attente. "Cn travaille toujours en binôme. On joue un peu entre clowns en observant l'état émotionnel. C'est un endroit où les émotions sont particulières. C'est un tout petit lieu. On fait très attention à l'amplitude de nos mouvements, à être à hauteur de l'enfant, à notre volume sonore..." raconte Myriam "Mariloutre" Attia, comédienne professionnelle et clown référente du service pour l'association Le Rire Médecin.

Pour travailler avec les petits patients, elle a dû aussi adapter le spectacle. "Dans les unités d'hospitalisation, les clowns peuvent être très bruyants, faire des gestes brusques. Ici, par exemple, ils ne peuvent pas entrer en scène avec une dispute, parce qu'on peut recevoir des enfants témoins de violences conjugales" complète le Dr Tisseron. 
  Ici, on le répète, les comédiens sont des professsionels. Sentir une atmosphère, un public, ça fait partie du métier. "Les tout-petits, certains sont très fragiles sur le toucher. Une marionnette qui tombe sur son pied, ça peut être déjà une intrusion. Les adolescents, ils peuvent être plus tendus par ce qui les attend. L'objectif, ce n'est pas forcément le rire. C'est surtout de détendre" expose Myriam Attia. Un moment hors de la souffrance pour l'enfant, pour celui qui l'accompagne, mais aussi pour les soignants. "Ces enfants restent 3heures avec nous, on sait qu'on va démarrer cette période assez longue... Quand on les entend rire dans la salle d'attente, on ne peut être que séduit et convaincu" savoure la Dr Tisseron.
 

Les petits rituels


Depuis quelques mois, on voit un peu plus souvent les clowns dans les couloirs de l'UAJV. Une fois par semaine, pour être précis. C'est l'association La Bonne Etoile, co-présidée par Laeticia Hallyday et Hélène Darroze, qui finance leurs interventions.
 
A cette fréquence, l'équipe a pu aider à créer des rituels. "Pour les tout-petits, 2 ou 3 ans, souvent quand ils sont avec les clowns, ils n'ont plus envie d'aller à l'audition. Les clowns ont eu l'idée de cacher un nez de clown dans la salle. Ils amènent l'enfant jusque là, et ils peuvent lui dire : tu vas aller discuter avec le gendarme, et moi je t'attendrai. Les enfants, ça leur apporte un soulagement" raconte la pédiatre. 

A la sortie, tous n'ont pas les mêmes envies."Souvent, les petits ont besoin d'un autre jeu. Certains, des choses très douces avec des bulles, des animaux... D'autres ont besoin de se défouler, de faire un foot dans le couloir. Et parfois, ils veulent retrouver leur papa ou leur maman, c'est pas le moment", relativise la clown. 


"Qu'ils soient là tous les jours"


Seul moment encore délicat : les examens médicaux. Pour les examens classiques, un comédien accompagne parfois un enfant très demandeur. Comme ce petit garçon de deux ans qui, "fasciné par la trompette", accepte finalement de se laisser ausculter. Mais pour les examens gynécologiques, parfois nécessaires, l'intime ferme les portes. "Il y a une infirmière qui est le fil rouge pour l'enfant, tout au long de sa venue, et elle est là aussi, elle est réconfortante. ça m'est arrivé une fois d'y aller, pour une toute petite fille. Bien sûr, on ne voit rien. Mais c'est très rare, ce n'est pas évident... " confie Mariloutre. 

L'histoire de cette enfant, comme celle des autres, Myriam Attia ne la connaîtra pas. "On s'est rendu compte que ça nous affectait beaucoup trop et, heureusement pour nous, on n'en a pas besoin pour travailler." L'âge, le motif pour lequel il vient, et le petit moment de coup de foudre qu'elle vivra avec lui, c'est tout ce que Mariloutre saura de l'enfant qu'elle a aidé. "On aimerait qu'ils soient là tous les jours" rêve la Dr Tisseron. 
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