Rencontre dans le Loiret avec un cidriculteur minutieux et passionné qui a retrouvé d’anciennes variétés locales de fruit. De la pomme à la bouteille, nous suivrons toutes les étapes de fabrication du cidre avec des fruits sélectionnés et choyés par Julien Thurel.
Avant d’être un cidriculteur passionné à Loury, dans le Loiret, Julien Thurel était ornithologue et forestier. Il avait pour sujet d’étude l'aigle botté, le plus petit aigle d'Europe. Une passion pour les oiseaux qui ne l’a d’ailleurs jamais quittée, à découvrir dans votre magazine en avant-première juste ici.
Mais alors, pourquoi le cidre ? Sa deuxième vie prend racine en 2009. Alors qu’il trouve de vieux pommiers dans les campagnes non loin de sa maison forestière, les saveurs originales et fascinantes de ces fruits l’interrogent quant à la notion de terroir.
Découvrant rapidement cette richesse locale et très largement oubliée, il lui apparaît évident de greffer les variétés appréciées, afin de les conserver.
"Dès lors, un monde nouveau, fort différent de ce qui était connu en Bretagne ou en Normandie, s'ouvrait à moi. Je compris vite que l'univers cidricole me donnerait une totale liberté de création tout en flirtant avec les plaisirs du vin. Prospection d'un terroir, conservation de variétés anciennes fabuleuses et liberté de production ont donc stimulé mon envie", raconte-t-il.
Un terroir oublié qui aurait été à son apogée au 19ᵉ siècle
Les pommiers à cidre et les poiriers à poiré étaient très présents jusqu'à l'entre-deux-guerres dans les campagnes du Loiret. Chaque petite ferme possédait soit un verger, soit des alignements d’arbres à cidre (pommiers, poiriers, cormiers, néfliers…) pour leur production personnelle, mais aussi pour la vente de fruits.
Comme dans beaucoup d’autres départements, les paysans pratiquaient une agriculture diversifiée. Au mieux, le cidre n'était qu'une économie secondaire, mais surtout une habitude culturelle de consommation dans la plupart des cas.
Suite à la Seconde Guerre mondiale, des modifications très importantes ont vu le jour en matière de culture de la terre. Les engins agricoles se sont transformés et les politiques agricoles ont fixé des objectifs "régionaux" de production.
Ainsi, le département s’est petit à petit spécialisé dans la grande culture.
À ma connaissance, nous sommes quatre professionnels à produire du cidre dans le département. Trois dans l’est du département et moi du côté ouest. Je suis le seul à ne vivre que par la vente de ma production. Les collègues sont soit céréaliers à côté, soit font de la prestation de pressage et pasteurisation en plus.
Julien Thurel, cidriculteur dans le Loiret
Objectif premier : respecter les sols et la biodiversité
Aujourd’hui, sur 19 hectares, Julien a 4 000 arbres, dont huit variétés de pommes, sept de poires, une dizaine de cormes et deux de coings. Le cidriculteur loirétain affiche une volonté de respecter les sols et la biodiversité. Les vergers ont ainsi été installés sans labour du sol. Leur faible densité de plantation permet également de conserver de vraies prairies diversifiées, entretenues par fauchages tardifs à compter de la mi-août.
Certifié en agriculture biologique, il n’utilise aucune molécule de synthèse dans ses vergers. Enfin, un travail d’apport en matière organique à la surface des sols est réalisé afin d’enrichir l’humus, et d'améliorer leur fonctionnement et leur réserve en eau.
La récolte s'effectue au sol, à la main, par variété et en plusieurs passages dans le but de ne pas laisser les fruits s’abîmer. Les fruits sont ensuite classés par variété en caisse bois, puis râpés et pressés. Les jus sont débourbés en cuve inox thermo régulés puis soutirés soit de nouveau en cuve, soit en tonneau en fonction de la cuvée.
Nous transformons des jus naturellement sucrés en alcool, je considère donc que je pratique des vinifications.
Julien Thurel, cidriculteur dans le Loiret
Les fermentations alcooliques sont menées en levures indigènes uniquement et aucun souffre n’est apporté jusqu’à la mise en bouteilles incluse. Ensuite, la quasi-totalité des cuvées vieillit un à deux ans en bouteilles avant d’être remuée puis dégorgée, sans apport de liqueur, afin de rester sur les sucres naturels du fruit.
Il faut compter deux ans minimum pour une cuvée dégorgée, et un an pour une cuvée non dégorgée. La production comporte autour de dix cuvées selon les disponibilités pour une production annuelle d’environ 40 000 bouteilles.
Un métier qui oblige à se réinventer
"Le métier de cidriculteur nous oblige à nous réinventer en permanence. Chaque millésime est une épreuve, tant physique qu’intellectuelle. Croire à la réussite, c'est oublier de progresser."
Et Julien Thurel a ses petits conseils pour bien déguster le cidre et le poiré : "La dégustation est très proche à celle des vins. Le verre se regarde : la couleur de la robe, sa brillance, la finesse de la bulle. Vient ensuite l’expression du nez soutenu par la vivacité de la bulle. En bouche, on ressent d’abord ce que l’on nomme "l’attaque", en déterminant si cette dernière est douce, ciselée… Vient ensuite l’équilibre des fruits (acidulé, doux, amer) puis tout un panel de sensations propres à chaque palais qui décrira les saveurs, leur persistance en bouche et leur complexité."
La très grande diversité des cidres et poirés permettent de très nombreux accords. Par exemple, le cidre extra-brut s’accordera à merveille avec des coquillages ou des poissons. Le cidre brut de pommes aigrelettes sera quant à lui parfait en compagnie de volailles et viandes blanches rôties, de légumes crémeux ou encore de crustacés.
Les fromages ne sont pas en reste, puisque vous pourrez déguster un demi-sec sur la douce-amertume avec un bon camembert ou brillat-savarin, mais également découvrir la magie d’un vieux comté lorsqu’il est servi avec le poiré.
Les cidres et poirés comptent en moyenne deux fois moins d'alcool que les vins.
► Rendez-vous dimanche à 12:55 dans votre magazine de découverte "Des Fourmis dans les jambes" sur France 3 Centre-Val de Loire avec une émission qui nous emmènera à la rencontre d'un cidre