Maurice Chatelet est centenaire. Professeur de sports à Orléans à partir de 1947, il a toujours gardé de forts engagements dans le milieu associatif. France 3 Centre-Val de Loire lui a demandé quel était son secret de longévité.
"Ça ne me paraît pas extraordinaire d'avoir 100 ans". Le regard encadré par des lunettes rectangulaires, chemise blanche boutonnée jusqu'en haut et gilet en laine sur les épaules, Maurice Chatelet s'installe près d'un grand cadre. À l’intérieur, une photo : "C'est ma famille réunie dans le Berry". Une "tribu", rassemblée pour fêter son centenaire.
"Cinq enfants, quinze petits enfants, quinze arrière-petits-enfants, et c'est pas fini !" Détaille-t-il avec le sourire, et encore quelques cheveux blancs sur le crâne. "Les enfants sont au premier rang avec moi, puis les arrière-petits-enfants sont tout là-haut."
Berrichon débarqué à Orléans en 1947
"Je suis né à Saint-Amand-Montrond, et Orléanais depuis 1947 !" C'est au Lycée Pothier d'Orléans qu'il commence sa carrière de professeur de sport. Rien à voir avec ses ambitions : "Je voulais être ingénieur hydraulicien, ceux qui construisaient les barrages à l'époque."
Mais voilà, lorsqu'il s'apprête à se lancer dans ses études supérieures, à Grenoble, baccalauréat en poche, la donne change : "à partir de novembre 42, toute la France a été occupée, il y avait des Allemands partout, ce qui n'était pas le cas avant".
"À cette époque-là, j'ai pas mangé suffisamment, puisque j'ai perdu quelques kilos, une dizaine" affirme-t-il en évoquant la période de rationnement qui a touché l'hexagone pendant l'occupation. "Je suis donc revenu dans le Berry pour me refaire une santé. J'avais des relations dans le monde paysan, donc on mangeait bien ".
Rêve de jeunesse balayé par la guerre
C'est en retournant voir son principal de collège, avec sa mère, que la voie vers l'enseignement lui est montrée. "Il me dit, tu as toujours été bon en éducation physique, tu as fait de la gymnastique, du basket, passe donc le professorat", Maurice, lui, n'y avait jamais pensé.
Pendant qu'il prépare son examen il est appelé pour les "chantiers de jeunesse", mis en place par les Allemands. Il se cache alors pour y échapper, et refuse de participer à la construction du "mur de l'Atlantique".
D'une vocation à une autre
En 1944 il reprend des études à Paris et termine trois ans plus tard, pour prendre son premier poste à Orléans. Il y restera 17 ans. "On n'avait pas d'information pour suivre des carrières. Je suis issu d'un milieu d'artisans et de petits paysans. Dans ma famille, il n'y avait personne dans l'administration."
Un destin contrarié, mais finalement, Michel s'estime chanceux. Après presque 20 ans d'enseignement, il participe à l'élaboration des programmes de sport pour l'académie Orléans-Tours.
J'ai vu la ville d'Orléans renaître, la moitié était détruite.
Maurice Chatelet
Le berrichon est d'abord étonné en arrivant, de voir des "rétroviseurs aux fenêtres des premiers étages". L'ancêtre du visiophone, qui permettait aux propriétaires de voir qui sonnait "et d'ouvrir, ou pas".
Une mémoire de fer
Autant de détails qui surprennent par leur précision. "J'ai raconté un peu mon parcours à l'écrit pour mes enfants, certains passages de ma vie, ça a fait des repères pour m'aider à entraîner ma mémoire" explique-t-il bonnement. Une grande famille, c'est aussi de nombreuses dates de naissance à retenir.
Vivre vieux, c'est d'abord dans les gênes : "Et puis j'ai eu une vie saine, avec la chance de manger quasiment tous les jours chez moi. Ce n’est pas donné à tout le monde, surtout dans la vie actuelle. On peut choisir plus facilement sa nourriture que lorsque l'on mange dans une collectivité". Il veut bien avouer cependant "j'ai sans doute mangé et bu de trop à certaines périodes de ma vie." Une chose est sûre, Maurice garde une conviction : manger sainement est le point d'ancrage d'une longue vie.
C'est tout simple ma vie, rien d'extraordinaire. J'ai jamais rêvé d'une vie incroyable moi.
Maurice Chatelet
Les secrets, seraient peut-être aussi finalement l'activité, et les habitudes. Maurice a longtemps jardiné, et même lorsqu'il vend le pavillon construit avec sa femme décédée il y a 17 ans, il reste dans le quartier où il a toutes ses habitudes. La dévotion aux autres, également, à travers son investissement dans des associations. En 1982, il reçoit la médaille d’or de la jeunesse, des sports et de l’engagement associatif.
Jeunesse éternelle ?
À 100 ans, il continue de conduire lorsqu'il est à Orléans. Pour tous les autres trajets plus lointains, c'est l'une de ses filles qui l'accompagne.
Lui prêter une éternelle jeunesse le prête à rire "ah non, j'ai des problèmes pour m'habiller, pour enfiler un vêtement" Le poids des années fait son travail. Et pourtant "je ne me sens pas jeune, mais je ne me sens pas vieux non plus. Y a que quand j'ai mal que je me sens vieux".
Comment voit-on l'avenir quand on a l'âge de Maurice ? "Je me souhaite simplement de partir avec le moins de douleur. Quand l'heure sera venue". Demain, dans un an "on verra bien" conclut-il en riant.