Procès du double meurtre de Châlette-sur-Loing : que s'est-il passé dans la voiture de l'infirmière tuée ?

Le véhicule de Karine Foucher, retrouvée poignardée à mort le long d'une route de campagne près de Montargis en 2019, est au centre de toutes les attentions, au deuxième jour de procès aux assises du Loiret ce 31 mai. ADN, traces de sang, géolocalisation... tout est étudié pour comprendre qui a participé au meurtre.

Rester 3h30, debout, à la barre d'une cour d'assises, doit être un exercice épuisant. Mais le gendarme qui s'exprimait ce matin du vendredi 31 mai a relevé le défi, restant droit comme un i durant tout son résumé. Il raconte les débuts de l'enquête, la découverte du corps de Karine Foucher, infirmière libérale, au bord d'une route à Pannes, près de Montargis. Puis la constatation du meurtre de Jacques Samson, son patient, à son domicile de Châlette-sur-Loing.

La troisième scène de crime est une scène mobile, à savoir la voiture de Karine Foucher, retrouvée à moins d'un kilomètre du petit pavillon du vieil homme. Lui-même très proche de la maison de Fazia Megchiche, accusée des deux meurtres, et où logeait son frère Messaoud, le deuxième accusé.

En ce deuxième jour de procès, cette voiture a attiré une attention à la hauteur des indices qu'elle contient. Le frère et la sœur sont accusés d'avoir tué Jacques Samson à l'aube du lundi 21 octobre 2019, chez lui, pour des motifs crapuleux. L'infirmière, elle, se serait trouvée là au mauvais endroit, au mauvais moment.

Le macabre convoi funèbre de Karine Foucher

La découverte du smartphone de Karine Foucher, qui se connectait au Bluetooth de sa voiture, a permis de retracer très précisément son itinéraire via données GPS. De son départ de chez elle, vers 5h30, à l'arrêt définitif de la VolksWagen, à 7h07.

L'infirmière semble arriver chez Jaques Samson (qu'elle visite trois fois par jour) à 5h59, après avoir visité une première patiente. Le véhicule y reste jusqu'à 6h12, où il repart. C'est dans cet intervalle que Karine Foucher aurait surpris des intrus chez son patient, et que ces derniers s'en seraient pris à elle.

La voiture part ensuite vers un distributeur de billets, où 800 euros sont retirés en trois fois sur le compte de l'infirmière, grâce au code de carte qui lui aurait été extorqué. Un témoin, qui retirait de l'argent au même moment et au même distributeur, raconte avoir remarqué un homme, la trentaine, qui "tournait sur lui-même" en attendant de pouvoir, lui-même, venir tirer des billets. Le même témoin reconnaît, sans grande conviction, le visage de Messaoud Megchiche parmi plusieurs visages que lui présentent les enquêteurs.

Un peu plus tard, la voiture est aperçue par des caméras de vidéosurveillance quelques centaines de mètres plus au nord, puis s'engage rue des Luats, là où le corps de Karine Foucher est retrouvé par une automobiliste. Pendant tout ce temps, la victime se trouve dans la voiture, avant d'être laissée au bord de la route.

La voiture repart ensuite vers le domicile de Jacques Samson, puis se gare devant la maison de Faiza Megchiche, et y stationne une vingtaine de minutes. Dernier départ à 7h02, direction une rue à quelques centaines de mètres de là. La voiture est garée dans le champ de vision d'une caméra de surveillance. Les images montrent le conducteur s'agiter quelques minutes, tentant d'essuyer le volant et le tableau de bord. L'homme sort à 7h11, coiffé d'une casquette et un chiffon à la main. Karine Foucher est retrouvée morte à peine 5 minutes plus tard.

Beaucoup de sang dans la voiture

Dans le véhicule, de grandes traces de sang balafrent en particulier le pas de la portière arrière gauche et le siège, montrant une importante perte de sang. Le sang, révéleront les analyses, de Karine Foucher. Celle-ci souffre d'une quinzaine de plaies à l'arme blanche, au visage, au cou et au thorax. La plaie majeure sectionne la trachée et la veine jugulaire. Et entraîne la mort "en quelques minutes", explique à la cour la professeure Pauline Saint-Martin, légiste au CHU de Tours. Pas besoin d'une force importante pour pratiquer une telle plaie, ajoute la légiste.

Pendant tout l'exposé des blessures, Fazia Megchiche se bat avec la fatigue. Elle ferme les yeux quelques secondes, sa tête semble tomber en avant, puis elle se ressaisit. Ce mécanisme se répétant plusieurs fois. Son frère Messaoud, lui, ne se bat même plus, garde les yeux fermés et la tête posée contre son bras, affalé dans le box des accusés.

Les experts s'accordent : cette plaie est parfaitement compatible avec les écoulements de sang observés dans la voiture. L'implication de Messaoud Megchiche en tant que conducteur semble faire la quasi-unanimité au sein du tribunal. D'autant que son ADN est retrouvé entre l'assise et le dossier du siège conducteur, et qu'il a lui-même reconnu être l'homme en question. Mais la question de l'auteur des coups mortels crispe les avocats des parties civiles et des accusés.

Qui a tué Karine Foucher ?

Pendant de longues minutes, les débats s'orientent : dans quelle position se trouvait Karine Foucher à l'arrière de la voiture ? Assise, couchée ? Sur un, deux ou trois sièges ? Une certitude en tout cas : les projections de sang ne dépassent pas 60 centimètres au-dessus de l'assise. Au-delà, c'est de la conjecture, de l'aveu même de l'expert chargé de l'étude des traces de sang.

Autant de questions qui en soulèvent une autre : quelqu'un d'autre pouvait-il se trouver à l'arrière, avec la victime ? Les conseils des parties civiles s'évertuent, en tout cas, à montrer que cette hypothèse est possible. Pendant l'instruction, Messaoud Megchiche assure que sa sœur a porté des coups de couteau à la victime alors qu'il conduisait. L'expert estime que "rien ne s'oppose" à ce qu'une partie des coups aient été portés depuis l'intérieur. Mais rien ne s'oppose, non plus, à ce que d'autres coups aient été portés depuis l'extérieur, voire avant que la victime ne soit dans la voiture.

Derniers recours possibles : les empreintes ADN. Et plusieurs profils génétiques sont retrouvés dans la voiture. Celui de Messaoud Megchiche, uniquement sur le siège conducteur. Celui de Jacques Samson, par transfert depuis un gant porté visiblement par le conducteur. Mais aussi, bien sûr, celui de Karine Foucher. L'ADN de Fazia Megchiche est découvert, lui, sur la poignée extérieure de la porte arrière droite, à l'opposé des traces de sang. Pour tirer le corps, s'installer sur le siège de droite, ou toute autre raison ? "Les hypothèses sont multiples", lance un avocat un peu désabusé. Des traces ADN de l'accusée ont été également identifiées sur le jean et la veste de Karine Foucher.

Mais les débats ont pris du retard, et l'audience a été suspendue à 18h53 ce vendredi. Les accusés n'ont pas pu réagir aux expertises. Ils pourront le faire la semaine prochaine. À ce stade du procès, les questions s'accumulent beaucoup plus vite que les réponses.

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