Procès du double meurtre d'une infirmière et de son patient : "tonalités psychopathiques" ou "personnalité lisse", les deux suspects au microscope

Fazia Megchiche et son frère Messaoud sont accusés du double meurtre de Châlette-sur-Loing, et comparaissent devant les assises du Loiret. Au premier jour du procès ce jeudi 30 mai, leurs personnalités ont été passées au crible.

Qui, de Fazia ou Messaoud Megchiche, a tué Jacques Samson, et son infirmière Karine Foucher ? Est-ce seulement l'un des deux ? Ou les deux ? Ou aucun des deux ? Ce jeudi 30 mai, s'ouvre leur procès, devant la cour d'assises du Loiret, à Orléans.

Ils sont les deux seuls suspects du double meurtre de Châlette-sur-Loing, le 21 octobre 2019. Ce jour-là, Karine Foucher est retrouvée morte le long d'une route, près de Montargis, poignardée au cou à de multiples reprises, les poignets attachés. Un peu plus tard, son patient Jacques Samson, octogénaire, est découvert mort à son domicile. Ses mains ont été coupées, et ne seront retrouvées qu'en 2023, sur les indications de Messaoud Megchiche.

Messaoud Megchiche somnole dans le box des accusés

Au moment des faits, ce dernier était hébergé chez sa sœur Fazia, voisine de Jacques Samson. Le procureur de l'époque, Nicolas Bessone, soupçonnait le meurtre crapuleux. Mais, à l'issue de l'instruction, le mobile du meurtre de Jacques Samson reste diffus. Karine Foucher, elle, semble avoir surpris des intrus chez elle, et s'être trouvée au mauvais endroit au mauvais moment.

Depuis le début de l'instruction, le frère et la sœur s'accusent l'un l'autre. Jusqu'à des aveux plus récents de Messaoud, qui assure avoir vu Fazia tuer Jacques Samson, l'étouffant en s'asseyant sur sa tête. Une bonne partie de ce jeudi, Messaoud Megchiche, 38 ans, est resté relativement léthargique dans un coin du box des accusés. À de nombreuses occasions, il apparaît somnolent, les yeux bien fermés, ne semblant pas s'intéresser du tout à ce qui se dit lors des débats.

Et pour cause, le principal objet du jour était l'analyse psychologique et la personnalité des suspects. Un sujet que le frère a, dès la première question posée, totalement balayé. "Je ne répondrai à aucune question qui ne concerne pas le 21 octobre", répond-il au président de la cour, Sébastien Evesque. Un mur. Jean-Cédric Gaux, procureur de Montargis et avocat général, s'y casse les dents, l'avocat de Fazia aussi. Même sa propre avocate échoue. "Allez, c'est important", essaie-t-elle de le pousser. Rien à faire. "Ça ne concerne pas l'affaire."

"Il s'en fout un peu de ce que pensent les autres"

Il ne donnera donc pas sa propre perception de sa personnalité, qu'elle soit évoquée dans des termes flatteurs ou pas. Cités par l'enquêtrice de personnalités, ses proches le décrivent comme "un père aimant", "un papa poule" même, dira la mère de ses enfants, dont il est séparé. Il serait "casanier, timide, impulsif, nerveux, mais gentil, protecteur et généreux".

Un homme gentil qui, depuis le début des années 2000, a accumulé les condamnations. Souvent pour les mêmes motifs : conduite sans permis, outrages, ou encore consommation de stupéfiants. Il a également été condamné pour des violences et des insultes racistes contre des agents pénitentiaires.

Sa famille lui reconnaît un tort majeur : sa consommation de drogues.

Je l'ai vu malade après ne pas avoir consommé pendant 3-4 jours.

Un proche de Messaoud Megchiche

Lui nie toute dépendance, et assure ne consommer que dans un cadre festif. Lors de sa seule intervention sans lien direct avec le jour des meurtres, il confie consommer "de la cocaïne et de l'héroïne de temps en temps". Il ajoute que, en prison, "c'est pas un problème pour s'en procurer, c'est même plus facile".

Pour le reste, comme l'explique l'expert psychiatre Roland Coutanceau, "il s'en fout un peu de ce que pensent les autres". Il décrit Messaoud Megchiche comme "peu anxieux, au contact facile, fier, d'un niveau intellectuel correct, égocentré", capable d'une "impulsivité ponctuelle". Il suspecte chez lui des "tonalités psychopathiques", mais ne semble pas capable de les confirmer sans étude au long cours du sujet.

La "pestiférée" de la famille

Ses proches estiment qu'il est "le chouchou" de ses parents, avant-dernier d'une fratrie de 14 (9 frères et 5 soeurs). Fazia, âgée de 45 ans, est son aînée de 7 ans. Elle se rappelle aujourd'hui lui avoir changé les couches, et n'avoir jamais eu, enfants, de problèmes relationnels avec lui. Elle raconte qu'il lui "a rapporté plein de problèmes à la maison". Avec des dealers de drogue notamment, ce qui a entraîné une grande dispute. Il continuait, malgré tout, "à passer à la maison de temps en temps". Jusqu'à ce qu'elle commence à l'héberger.

Elle, de son côté, se tient droite dans le box, répondant plutôt froidement et méthodiquement aux questions. Elle raconte une enfance plus compliquée. Troisième sœur de la fratrie, Fazia se souvient de "raclées" données principalement par ses frères. "On n’a pas le droit de répondre à nos frères. On obéit. Si on exprime un mécontentement, on s’en prend plein la tronche", ajoute-t-elle.

Elle sanglote très légèrement au moment de raconter le viol qu'elle subit à l'âge de 17 ans. Ce qui la pousse, lorsqu'elle suspecte ses parents algériens de lui planifier un mariage arrangé, à fuir le domicile familial. Elle est alors déjà majeure. "Ils allaient voir que je n’étais plus vierge. Je me serais fait massacrer." Elle fugue quatre fois, et est à chaque fois ramenée au domicile familial, "pour préserver les apparences auprès des gens qu'on connaît". Mais elle récolte toujours des violences de certains de ses frères, et devient une "pestiférée", insultée dans les couloirs de la maison sans que ses parents ne s'en rendent compte.

Deux ans de prostitution

Fazia Megchiche quitte le domicile familial pour s'installer, à moins de 20 ans, avec un homme, avec qui elle a eu sept enfants. Elle le considère avant tout comme un "géniteur", et se sépare de lui lorsqu'il est condamné à de la prison en 2009. Des ennuis financiers surgissent à la suite d'une autre relation, entre 2015 et 2017, avec un homme qui lui "demandait beaucoup d'argent". Elle dit commencer à se prostituer à peu près à cette époque. Depuis la prison (son frère et lui sont en détention depuis leur arrestation), elle n'a plus de contacts familiaux qu'avec sa mère et une de ses sœurs, et reste proche de ses enfants.

Le docteur Coutanceau lui attribue une "intelligence normale" et une personnalité "un peu lisse", qui "ne laisse pas paraître ses traits". Il note cependant "un parcours chaotique, et une personnalité un peu égocentrée". Il conclut que les deux suspects sont pénalement responsables de leurs actes.

Fazia et Messaoud Megchiche comparaissent aux côtés de deux hommes. En l'occurrence, un ami de Fazia, soupçonné de ne pas avoir dénoncé le meurtre, et une connaissance de Messaoud accusé de recel de plusieurs armes, volées au domicile de Jacques Samson.

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