Procès Scitivaux : "Je reconnais l'ensemble des faits qui ont été dénoncés contre moi", l'ancien prêtre passe aux aveux

Après des reconnaissances partielles des faits pendant l'instruction, l'ancien prêtre Olivier de Scitivaux est passé aux aveux, ce vendredi 24 mai devant les assises du Loiret, à Orléans. Il est accusé de viols et d'agressions sexuelles sur mineurs.

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Durant l'instruction, les faits reprochés ont été "reconnus partiellement pour certains, pas du tout pour d’autres" par Olivier de Scitivaux. Ce vendredi 24 mai, l'ancien prêtre est passé aux aveux, devant la cour d'assises du Loiret, à Orléans. Il y est jugé depuis mardi pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, quatre hommes (dont trois frères) ayant porté plainte pour des faits s'étant déroulés de 1990 à 2002.

L'un des plaignants avait assuré chercher, avant tout, la vérité pour pouvoir se reconstruire. "C'est un tiroir fermé, et lui seul à la clé", avait-il expliqué, désignant l'accusé. En fin de journée, mercredi, le religieux a affirmé : "Je vais ouvrir le tiroir."

Et c'est ce qu'il semble avoir fait, dès le début de sa prise de parole, à 13h20 ce vendredi. Le silence s'abat sur la salle d'audience lorsque l'ancien clerc s'approche de la barre. Pour la première fois depuis le début du procès, il a tombé sa veste verte.

"Je reconnais l’ensemble des faits qui ont été dénoncés contre moi." Le plaignant s'effondre en pleurs. L'accusé poursuit : "Je reconnais, puisqu’il faut utiliser les mots, des attouchements, des caresses, des fellations, des pénétrations digitales et péniennes. Je reconnais aussi avoir eu des attitudes déplacées à l’égard d’autres jeunes. Je reconnais tout, sans réserves." Il reconnaît "une attirance pour les garçons prépubères".

"C'est de la prédation"

Il reconnaît la périodicité, du début des années 90 au début des années 2000. Tout commence par l'un des trois frères. Invité à dîner chez les parents, dont il devient l'ami proche, le prêtre dit ne pas vouloir prendre la route après avoir bu du vin. Il dort dans la chambre de Quentin, l'aîné. "C’était des câlins, sans caresses sur le corps. Ça s’est reproduit, plusieurs fois. Et ça a complètement dérapé."

Au fur et à mesure, les faits deviennent de plus en plus graves. "Des caresses sur le sexe, des fellations." Le garçon, âgé d'une dizaine d'années, "se laisse faire". "C'est de la prédation. Je me voile les yeux, je ne veux rien voir, je ne pense qu'à moi." Les faits se poursuivent au nouveau domicile de la famille, près de Blois, mais aussi au camp breton du Quinquis, et dans le chalet des Scitivaux en Haute-Savoie, où les trois frères et leurs parents sont invités en vacances tous les ans. Ils se produisent aussi sur les deux autres frères, et sur le quatrième plaignant, un ami des frères.

Pourquoi cet engrenage, demande le président de la cour à Olivier de Scitivaux. "Je ne sais pas, il n'y a pas de raison particulière, j'étais un prédateur, c'est tout." Sur le deuxième frère, les premiers faits ont lieu alors qu'il a "environ 9 ans, peut-être moins", assure l'accusé. "Je lui ai introduit des doigts dans l'anus, puis une bougie. Et j'ai dû tenter de le sodomiser."

Avec le quatrième plaignant, né en 1984, ami des frères, il parle d'une "certaine complicité" dès 1992. "Il venait me voir à Saint-Paterne." L'accusé en reste là quelque temps, avant d'utiliser le même mode opératoire qu'avec les trois frères. Jusqu'à une pénétration anale, comme l'avait raconté la victime.

Des faits antérieurs aux années 90

Il reconnaît aussi des faits d'agressions sexuelles évoqués par deux enfants, dès 1982, dans un camp de vacances en Bretagne où il est animateur. Des faits prescrits, mais dont le signalement a permis l'ouverture de l'enquête judiciaire en 2018. Selon l'accusé, c'est la première fois qu'il agresse sexuellement un enfant.

"J'attendais qu'ils s'endorment pour m'asseoir à côté d'eux, pour passer mon bras sous leur pyjama, je les caressais. Je sortais mon sexe, je leur présentais. Je leur ai demandé de me caresser aussi, de me masturber." Concernant une pénétration anale, que la victime assure avoir subie, il dit ne pas s'en souvenir. "Mais s'il le dit, c'est que c'est vrai."

Il revient au centre de vacances l'année suivante, en 1983. Une année où règne "une ambiance malsaine", a raconté un animateur, 17 ans à l'époque, qui avait alors fait un signalement auprès du diocèse d'Orléans. 40 ans avant le procès. Sans réponse.

"Des enfants devaient passer la nuit à l'infirmerie, mais ils allaient à l'étage de la direction." Où logeait Olivier de Scitivaux, ainsi que le père Cordier, le directeur de la colonie. Même prêtre qui a poussé l'accusé à devenir prêtre, et qui avait "des gestes déplacés avec les enfants de chœur". L'évêque actuel d'Orléans, Jacques Blaquart, a confirmé à la barre qu'un signalement a été fait par une femme auprès du diocèse, en 2016, pour agression sexuelle par le même père Cordier.

L'accusé assure avoir cherché, en 1983, à s'éloigner du terrain. "Je me crée des charges administratives, pour m'éloigner des enfants." Il reconnaît une attitude "tactile" avec les enfants de manière générale, notamment en public, mais nie "toute nature sexuelle" pour ces comportements. L'aumônerie où il intervient ? "Ce n'est pas un terrain de chasse." Il dit avoir admis ses désirs pédocriminels lors d'une confession. "Mais un prêtre n'est pas formé pour prendre ça en charge."

Selon l'accusé, il n'y a pas d'autres victimes

Quand les quatre plaignants, pendant les années 2000, coupent le contact avec lui, l'accusé dit "ne pas se poser de questions" : "J'étais aveuglé par mon égoïsme." Lorsqu'il est averti par ses supérieurs, entre 1997 et 2002, que des familles se plaignent, il dit poursuivre malgré tout ses agissements. Il n'envisage pas le risque d'une dénonciation auprès de la justice. "Aujourd'hui, je ne regrette pas qu'ils le fassent." Seul un avertissement de sa grand-mère lui déclenche une étincelle. "Si elle me dit ça... je ne pouvais pas continuer. Je suis sûr qu'elle avait compris quelque chose", ajoute-t-il, réprimant un début de sanglot. Il assure avoir complètement arrêté d'agresser des enfants après cette date, en 2002.

Aujourd'hui, après avoir entendu les témoignages des plaignants, racontant leurs vies brisées, il affirme avoir "du mal à [s]e regarder dans une glace".

J’étais un salopard. J’ai préféré donner la priorité à des choses qui, égoïstement, me faisaient plaisir. Mais j’ai brisé, j’ai cassé.

Olivier de Scitivaux, accusé de viols et agressions sexuels sur mineurs de moins de 15 ans

"J'ai trahi. J'ai trahi [les plaignants], les familles, mes paroissiens, le diocèse, Jésus Christ." Selon lui, ce n'est qu'avec la procédure qu'il a commencé à "ouvrir les yeux", réalisant le traumatisme des plaignants dus aux faits reprochés : "Comment est-ce que j'ai fait pour ne pas me rendre compte avant ?"

Il assure avoir construit "une carapace", pour ne pas voir ses propres agissements. Les six ans de procédure l'ont exposé à un suivi psychothérapeutique. "Mais il faut attendre d'avoir entendu ce que les victimes ont déclaré pour que je sorte de cette carapace, pour que j'aie besoin d'exprimer devant vous ce que j'ai fait vivre." Est-ce qu'il y a eu d'autres victimes, demande le président. "Non." La salle murmure à cette réponse, ne semble pas y croire, après quatre jours de témoignages.

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