Procès Scitivaux : "J'ai subi entre 130 et 150 agressions", raconte une victime alléguée

Ce mercredi 22 mai, au deuxième jour du procès aux assises du Loiret, à Orléans, de l'ancien prêtre Olivier de Scitivaux, accusé d'agressions sexuelles et de viols sur mineur, les parties civiles passent à la barre. Et racontent une relation d'emprise, des faits répétés, et un non-dit général.

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Quatre hommes sont sur le banc des parties civiles, et accusent Olivier de Scitivaux d'agressions sexuelles sur mineurs, et de viols sur mineurs. L'ancien prêtre comparaît aux assises du Loiret, à Orléans, ce mercredi 22 mai, au lendemain de l'ouverture du procès.

Des quatre hommes, trois sont frères. La famille arrive, au début des années 1990, à Meung-sur-Loire, dans le Loiret. Olivier de Scitivaux y est prêtre. Jeune, dynamique, "sympathique", il devient un ami des parents. Rapidement, il est considéré comme "un frère, un ami, un parrain", raconte à la barre Quentin, l'aîné de la fratrie.

Il décrit pourtant "une relation d'emprise", qui l'aurait exposé pendant des années à des actes pédocriminels. Il raconte une première agression, "des caresses qui dévient sur le sexe". "Je découvre la sexualité à 9 ans, par un prêtre."

"Chaque fois que je le voyais, je savais que j'allais y passer"

À l’époque, Olivier de Scitivaux passe "une ou deux fois par semaine" chez les parents, vient prendre l'apéro, dîner, et régulièrement passer la nuit. "Nous n'avions pas de chambre d'ami, il dormait dans ma chambre." Selon Quentin, le religieux aurait instauré "un rituel", chaque fois qu'il loge chez eux. "Nous allions nous coucher, il restait avec mes parents, puis il montait, ça commençait par des caresses." Selon lui, s'ensuivent des masturbations, des fellations. Une fois, il aurait "subi ses assauts une bonne partie de la nuit, je me souviens d'une douleur intense".

Je me souviens de son odeur, je me souviens de son haleine, car il mettait sa langue dans ma bouche. [...] Ça ne me quittera jamais.

Quentin, partie civile

Il se souvient aussi de "son regard après, un regard satisfait".

Quentin raconte que les agressions se seraient répétées, pendant des années. Chez lui à Meung-sur-Loire, au chalet familial d'Olivier de Scitivaux en Haute-Savoie, et dans la nouvelle maison des parents de Quentin, près de Blois, où la famille déménage pour son entrée au collège. "Avec l'éloignement, il venait moins souvent." Reste que, selon lui, "chaque fois que je le voyais, je savais que j'allais y passer".

Les agressions se seraient aussi déroulées dans un camp de vacances, géré par le religieux à Perros-Guirec, en Bretagne. Quentin logeait dans une maison, une chambre avec verrou. "Quand il le fermait, je savais." À la barre, le témoignage est difficile pour le quadragénaire. Il s'interrompt souvent pour sécher ses larmes, reprendre son souffle. Mais garde une voix posée, même lorsqu'il raconte le pire. Il estime avoir subi "entre 130 et 150 agressions".

Les trois frères n'en ont jamais parlé avant 2018

Pendant 30 ans, Quentin construit "une carapace", repousse ses traumatismes. Il n'en parle à personne. Ni à l'époque, ni plus tard. "Est-ce qu'on va me croire si je parle seul ?" Car, pour lui, il était "impensable" que ses frères soient aussi victimes. "Je pensais être seul. J'étais victime, et je n'ai rien vu. J'étais persuadé d'être la seule victime." Même chose pour ses deux frères.

Lorsque l'affaire éclate dans la presse en 2018, il n'appelle pas les gendarmes. "Je savais qu'ils allaient m'appeler. S’ils faisaient leur enquête, ils remonteraient à moi." Et effectivement, il reçoit un jour un coup de fil de la gendarmerie. À ce moment-là, "j'étais enfin prêt". Il déballe tout. Comme ses frères, avec qui il en parle alors pour la première fois.

Il comprend alors "la fuite" de son frère Pierre, "pour s'éloigner de Scitivaux". Après des années d'absence de communication, il ne reparle vraiment à son autre frère qu'il y a un an, pour les besoins de l'affaire. Les deux prennent conscience du traumatisme commun, comme origine de leur isolement l'un de l'autre.

Pour leurs parents, c'est "l'effondrement". "C'était le fan-club de Scitivaux, ce qu'il disait était parole d'évangile." Ce mardi, une aumônière a raconté à la barre avoir dénoncé au diocèse, à l'aube des années 2000, les gestes ambigus d'Olivier de Scitivaux. Et s'être alors sentie ostracisée. "Ma mère ne l'aimait pas beaucoup, il lui avait dit quelque chose sur elle", se souvient Quentin.

Après tout ce chemin, et malgré "un blackout" sur quelques années et de potentielles agressions, Quentin a pu témoigner longuement au tribunal. "Je me suis souvenu de faits, après un long travail avec un psychiatre." Il se dit plein d'une "colère", contre Olivier de Scitivaux. Mais aussi "contre l'Eglise, qui n'a pas su nous protéger, alors qu'ils savaient". Il attend "une condamnation lourde". Et "qu'il assume pleinement". Il assure avoir été stupéfait lorsque, lors de la confrontation entre lui et Scitivaux en 2019, le prêtre lui a demandé si "une amitié était toujours possible". Ses demandes de pardon ? "C'est une notion chrétienne, ça n'évoque rien pour moi."

Car, après des décennies à vivre dans la religion catholique, la foi de Quentin a été "brisée" par l'affaire. "Comment un prêtre, un ami, peut faire ça à un enfant ?" Témoin effaré de "l'amnésie" d'anciens responsables du diocèse d'Orléans, passés à la barre ce mardi, affirmant tous ne pas se souvenir de ce qu'il se passait vraiment, Quentin a décidé d'être apostasié à l'issue du procès.

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