Les habitants de six communes de la région ne voteront pas au premier tour des élections municipales le 15 mars prochain. En l'absence de candidat, le scrutin est repoussé au second tour, voire reporté jusqu'à ce que quelqu'un se décide.
Elles sont six. Six communes de la région Centre-Val de Loire dans lesquelles le maire sortant a décidé de déposer l'écharpe tricolore et où personne ne s'est encore présenté pour le remplacer. Ou plutôt cinq, depuis qu'un candidat s'est décidé à Saint-Hilaire-la-Gravelle, assuré d'être élu au second tour des élections municipales le 22 mars prochain.
Une fonction chronophage
Pour les autres c'est l'impasse. Car à Prunay-le-Gillon (Eure-et-Loir), Lion-en-Beauce (Loiret), Chaumoux-Marcilly (Cher), Autrèche et Souvigny-de-Touraine (Indre-et-Loire), il se pourrait bien que l'élection passe à la trappe, faute de candidat motivé.Christian Morize, maire de Lion-en Beauce depuis 2008 et agriculteur, reconnaît volontier ne plus avoir le temps de se consacrer pleinement à sa commune. Dans ce village de 140 habitants - dont 84 citoyens inscrits sur les listes électorales - la population se constitue en partie de jeunes familles qui travaillent à l'extérieur et qui s'impliquent peu dans la vie citoyenne.
Déjà en 2014, je m'étais réengagé au deuxième tour parce qu'il n'y avait personne pour reprendre la place, se souvient l'élu. Mais je pense que ça pourrait être mieux fait par quelqu'un qui aurait plus de temps que moi.
Entre responsabilité et disponibilité
Si certaines localités peinent à trouver leur édile, c'est que la fonction municipale effraie. Beaucoup de responsabilités, un devoir de disponibilité de chaque instant et pas d'indemnités financières. "Il faut être capable de mettre sa vie de famille et professionnelle entre patranthèse pour six ans", souligne Laurent Borel, maire sortant de Souvigny-de-Touraine.Car si la plupart des communes concernées ne manquent pas nécessairement de volontaires au poste d'adjoint, c'est bien la place de tête de liste qui rebute les habitants. En 2014, lorsque Christian Morize s'était lancé en catastrophe au deuxième tour, il avait réussi immédiatement à constituer une liste.
Si une tête de liste et deux ou trois adjoints se lançaient, c'est sûr qu'il trouveraient rapidement du monde pour les rejoindre, assure l'édile. Et en ce qui me concerne, je serai toujours disponible pour donner un coup de main, même quand je ne serai plus élu.
Un sentiment d'abandon de l'État
Ce manque de vocation est également lié à un désaveu de l'État pour les petites localités, selon Laurent Borel. "On fait le constat de l'échec de la politique territoriale au niveau national, déplore l'élu salvinacien. Tout est centré sur les métropoles, et les dotations accordées aux petites localités ne sont pas suffisantes." Alors il faut s'adapter avec des budgets qui réduisent bien souvent le champ d'action des municipalités à l'entretien basique des infrastructures.Au stade actuel de la campagne, les candidats potentiels ont jusqu'au 17 mars (18h) pour se déclarer. En l'absence de prétendants, l'élection est annulée et l'article L2121 du code général des collectivités territoriales décrit la procédure à suivre. La préfecture nomme une délégation spéciale de trois personnes qui géreront, pendant trois mois, les "actes de pure administration conservatoire et urgente".
Éviter le rattachement à une commune voisine
Une fois ce délai observé, de nouvelles élections sont organisées et la procédure se répète encore une fois si la situation n'évolue pas. En cas d'échec au terme de ce protocole, la localité est rattachée à une commune voisine.C'est cette extrêmité que les maires sortants des six communes sans candidat redoutent et veulent à tout prix éviter. Quitte à se représenter, reconnaît à demi-mots Laurent Borel, qui espère fortement ne pas avoir à se lancer dans un troisième mandat. Une option que son homologue lionnais exclut pour sa part formellement.
Mon premier adjoint actuel, Damien Moreau, envisage de prendre les rênes de la mairie, explique Christian Morize. Il m'a demandé de repartir avec lui mais je ne sais pas encore ce que je vais faire.
106 communes à travers la France
Du côté de Saint-Hilaire-la-Gravelle, Rémi Penais a pris la décision, sur le fil, de reprendre le flambeau de Dominique Patignier, la maire sortante. "J'ai laissé la possibilité à d'autres personnes de se présenter et je me suis décidé le 27 février, explique celui qui est 1er adjoint depuis trois mandats. Je voulais à tout prix éviter que la commune soit associée de force à une autre."Une situation pesante - on le sent bien - pour les maires sortants, tant il prennent à cœur la fonction qu'ils exercent avec passion. "On a un peu l'impression d'abandonner les habitants", soupire Laurent Borel. En France, ce sont 106 communes qui sont touchées par ce problème, une nette progression par rapport à 2014.
Nos équipes ont été rencontrer les habitants et le maire sortant de Prunay-le-Gillon. Un reportage de Xavier Naizet, Louis Claveau et Simon Schneider :