"On nous marche dessus comme des serpillères" : avec la réforme des retraites, la majorité au bord de la rupture

Aller vite ou prendre le temps de la concertation ? La majorité présidentielle s'écharpe depuis plusieurs jours sur cette question insondable concernant la réforme des retraites, promise par Emmanuel Macron. Avec la menace de plus en plus planante d'un "passage en force".

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La majorité présidentielle peut-elle exploser sur une promesse de campagne du président ? Concertée avant le Covid, repoussée aux calendes grecques pour cause de pandémie, et remise sur la table par Emmanuel Macron en amont de sa réélection, la tant annoncée réforme des retraites est un dossier sensible. Et plus seulement dans l'opposition.

Désormais, c'est au sein même de la majorité que les fractures semblent se creuser. Pas tant sur le fond, tentent de rassurer certains parlementaires. "Il y a évidemment une unanimité pour réformer les retraites au sein de la majorité", assure François Cormier-Bouligeon, député Renaissance du Cher. Que ce soit pour "pérenniser et assurer leur financement" que pour "mieux prendre en compte la pénibilité et les carrières longues", liste l'élu berrichon.

La fracture sociale de la majorité

Telle est la profession de foi de la majorité. C'est surtout sur la méthode que le bât blesse. Le président préfèrerait la voie de l'amendement, glissé plus ou moins discrètement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), dont l'examen en Commission débute le 10 octobre. Pour aller vite. Les autres groupes parlementaires, eux, disent : non. Quitte à déposer un projet de loi distinct, et à patienter encore quelques mois.

Le MoDem aussi renâcle, bien qu'il s'agisse du fidèle allié du patri présidentiel depuis 2017. Le patron du Mouvement Démocrate, François Bayrou, s'étend depuis déjà plusieurs jours dans les médias, sur les réseaux sociaux et devant ses partisans, pour dénoncer ce qui serait selon lui "un passage en force".

La fracture pourrait être si profonde que le camp présidentiel -- les lieutenants macronistes, la Première ministre Elisabeth Borne, le président, François Bayrou et Edouard Philippe en tête -- se réunissent pour un dîner qui promet d'être agité ce mercredi 28 septembre.

Objectif : définir une méthode commune, qui, à défaut de convaincre tout le monde, ferait le moins de mécontents possibles : 

Il faut qu'on trouve une ligne de crête. Il ne faut pas reporter ad vitam æternam les réformes, on a été élus pour réformer. Mais en même temps, il ne faut pas faire du juppéisme, à dire qu'on est droit dans nos bottes tout en déclenchant des mouvements sociaux pour rien.

François Cormier-Bouligeon, député Renaissance du Cher

Donc parvenir à dialoguer sans perdre de temps. Parce que, selon le député, "nous devons avoir le temps de la concertation", notamment pour "négocier avec la CFDT, en les amenant sur une position compatible avec les nôtres".

"Le président ne comprend pas les Français"

La député Renaissance du Loiret Stéphanie Rist, elle, ne serait "pas choquée que la réforme des retraites passe dans le PLFSS, puisque le texte aborde déjà le budget des retraites".

Rapporteure générale du fameux PLFSS, estime que "sur le fond du texte, il n'y a pas de débat" au sein de la majorité, et rappelle qu'il y a "déjà eu beaucoup d'échanges et de concertation lors du précédent mandat". Avant que la réforme soit repoussée pour cause de crise sanitaire.

Le son de cloche est beaucoup moins positif et chancelant du côté de Richard Ramos. Député MoDem du Loiret, il accuse Renaissance de "faire semblant de trouver des accords là où il n'y en a pas".

Un amendement glissé dans le PLFSS, c'est trois heures de débat. C'est mépriser le Parlement, et ce serait le signe que le président ne comprend pas les Français.

Richard Ramos, député MoDem du Loiret

Comme ses collègues du parti présidentiel, il se dit "convaincu qu'il faut réformer le système de retraites", se hasardant même à considérer que "la majorité des Français aussi". En réalité, selon une étude d'opinion d'Ifop, 55% des Français considèrent qu'Emmanuel Macron a tort de relancer la réforme des retraites dès cet automne, les 45% restants pensant qu'il a raison.

Quoiqu'il en soit, le parlementaire assure que "les Français ont besoin de co-construction du devenir de la France", et promet qu'il ne votera pas une réforme sous forme d'amendement. 

Qui part, qui reste ?

Côté Renaissance, on garde quand même espoir d'une résolution de conflit après le dîner de ce mercredi soir, qui doit convenir d'une ligne commune. "Quand on aura défini la méthode, je souhaite que tout le monde au sein de la majorité" rentre dans le rang, lance Stéphanie Rist. 

Très peu pour Richard Ramos : "Les chefs à plume de la majorité peuvent prendre les décisions qu'ils veulent. Sur un sujet pareil, je ne les suivrai pas." Si le président persiste et signe dans sa volonté d'amendements, "on regardera ce qu'on fait, mais ça me redonnera une liberté totale", tance l'élu loirétain :

Si ils respectent les groupes de la majorité en leur marchant dessus comme des serpillères, un garçon comme moi va retrouver de la voix contre les chefs et les ministres.

Richard Ramos, député MoDem du Loiret

D'autant que, avec une majorité relative à l'Assemblée, les macronistes misent sur un ralliement à leur cause des Républicains, "qui proposent tous les ans des amendements sur le sujet", selon Stéphanie Rist. Mais sans le MoDem, "ça va être sport", souffle Richard Ramos.

De quoi pousser le gouvernement à faire usage de l'article 49.3, qui permet de faire passer un amendement ou une loi si le gouvernement n'est pas renversé à l'Assemblée par une motion de censure. Le patron des députés MoDem, Jean-Paul Mattei, a bien affirmé que son parti n'irait pas "jusqu'à un vote de censure".

Au bout du suspense

Richard Ramos, lui, ne fait pas de promesses. "On regardera ce qu'on fera avec les instances." Parce que, selon lui, "si le président fait ça, c'est qu'il ne comprend plus le peuple français", qui a voté pour ne pas accorder de majorité absolue aux macronistes. "Quelque part c'est une bonne nouvelle, on redonne plus de pouvoir aux députés, après une dérive de l'exécutif depuis le début de la Ve République", concède François Cormier-Bouligeon.

Une dérive qui aurait toujours cours si le "passage en force" était acté ? "On n'arrête pas d'échanger ces derniers jours avec le MoDem, les groupes, les représentants syndicaux, à l'Élysée, à Matignon, à l'Assemblée", défend Stéphanie Rist. Comme une tentative de négociation express pour devancer l'hémicycle, voire carrément le contourner ?

Quoiqu'il en soit, Emmanuel Macron se rendra ce vendredi 30 septembre à Pau, sur le chemin de l'Espagne, dans le fief du patron du MoDem François Bayrou. Reste à savoir lequel des deux hommes devra consoler l'autre lors de cette rencontre.

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