Alors que les LR se cherchent un chef, la rentrée parlementaire s'annonce pleine de rebondissement pour le parti de droite. Contraints de soutenir le gouvernement cet été, Les Républicains cherchent, en cette rentrée politique, la meilleure approche face à la majorité, qui multiplie les appels du pied.
Comme il doit être compliqué de conserver une identité propre quand ses idées sont siphonnées par d'autres. En l'occurrence, pour faire face à la désertion des militants, tantôt chez Macron, tantôt chez Zemmour, Les Républicains se cherchent un sens, une mission, et une tactique. Un sens, en désignant en décembre un nouveau chef de file. Une mission et une tactique, en trouvant une approche commune face à la majorité présidentielle au Parlement.
Car, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée, Les Républicains ont le vent dans le dos. Au Sénat car ils sont dans la majorité qui vote les lois, à l'Assemblée parce qu'ils ont été la béquille de sauvetage du gouvernement cet été, lorsqu'il s'est agi notamment de faire passer l'arsenal de mesures macronistes sur le sujet du pouvoir d'achat. Une béquille dont le parti présidentiel avait bien besoin, ne bénéficiant plus d'une majorité absolue au palais Bourbon depuis les dernières législatives.
Avec Macron ou contre Macron ?
Pourtant, une bonne part des amendements de la droite avaient été rejetés. À l'époque, les cadres LR disaient voter dans l'intérêt des Français, répondre à une situation d'urgence. En gros : on ne va pas chipoter, mieux vaut voter des mesures incomplètes que rien du tout. Faiseur de roi, poussé par le roi.
Cette tactique a pu en surprendre plus d'un, après que le groupe LR à l'Assemblée a élu à sa tête le député d'Eure-et-Loir Olivier Marleix. Connu comme l'un des députés de droite les plus intransigeants face à Emmanuel Macron.
Cette "attitude d'opposition ferme" est partagée par "un certain nombre d'entre nous", confesse Nicolas Forissier, député de l'Indre et patron des Républicains au conseil régional du Centre-Val de Loire. À l'inverse, lui-même se dit (et ce n'est pas nouveau) comme un "constructif", et assure que les LR dans le même cas sont "plus nombreux qu'on ne le croit". L'élu affirme que des débats internes et autres réunions de rentrée sont en court pour trancher : avec Macron, ou contre Macron ?
Pour certains députés, "il faut rester dans l'opposition parce qu'ils ont l'impression que c'est le mandat qui leur a été confié". C'est ce que disait le sénateur Bruno Retailleau le 22 juin sur LCI : chercher une coalition, "ce serait trahir la volonté de nos électeurs".
Accord majeur
Le député de l'Indre considère de son côté que l'attitude de son parti ces derniers mois "n'a pas été assez lisible" :
On a eu gain de cause sur certains sujets à l'Assemblée, comme le fioul, les heures supplémentaires défiscalisées... Mais personne ne sait que ce sont nos combats.
Nicolas Forissier, député LR de l'Indre
Cette recherche de clarté passerait donc, selon Les Républicains, par une certaine radicalité : soit une opposition radicale, soit une alliance. Rien que ça. Nicolas Forissier assume militer au sein de son parti pour "un pacte de gouvernement, où on dit ce qu'on souhaite et on voit comment on peut se mettre d'accord avec la majorité".
"La France s'est droitisée"
Car, avec ses 62 députés, le groupe LR apporterait bien assez de voix à la majorité pour qu'elle fasse passer ses projets de loi, sans passer par une alliance avec la Nupes, ne serait-ce qu'avec les socialistes. Durcissement des conditions pour toucher l'assurance chômage, réforme des régimes de retraites, du financement de la Sécurité sociale, augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, projet de loi sur l'immigration... Une bonne partie des thématiques des grands textes annoncés par le gouvernement pour le prochain semestre parlementaire sont clairement estampillés "valeurs de droite".
Alors appel du pied insistant des macronistes, ou véritable conviction présidentielle ? "La France s'est droitisée, les Français ont des exigences sur la sécurité, sur la famille, sur l'immigration", estime ainsi Serge Babary, sénateur LR d'Indre-et-Loire. Ces attentes supposées de la population sont, pour lui, l'occasion pour son parti de "ne pas laisser filer notre importance politique". Voire plus : "Un parti peut disparaître, ça existe partout dans les démocraties, même quand il a gouverné aussi longtemps que nous. Le parti socialiste s'est posé la question, nous aussi", affirme l'élu.
Nicolas Forissier non plus ne voit pas dans ces annonces de la majorité une quelconque tactique. "Tout au plus, on va dire que ça tombe bien, allez", admet-il. Il estime ainsi que, "quand j'écoute Emmanuel Macron parler du nucléaire, des dépenses publiques, des retraites, je pense que notre projet n'est pas incompatible avec ses projets".
Il faut "retrouver un rôle de gouvernement"
Alors, après 10 ans dans l'opposition, Les Républicains doivent, selon lui, "retrouver un rôle de gouvernement". Avec comme étape test, le financement de la Sécurité sociale, sur lequel "on n'a pas encore eu de débat de fond". Manque donc le concret, ce que les députés de droite auront à se mettre sous la dent lorsqu'il faudra envoyer sur orbite -ils l'espèrent- une politique qu'ils fantasment depuis une décennie. Malgré cela, "comment ne voterions-nous pas des projets que nous soutenons depuis longtemps ?" :
Sur l'assurance chômage, on est même pour muscler le dispositif du gouvernement. Sur l’immigration, qui est un sujet sur lequel on porte des positions, on a fait beaucoup d’amendements, refusés lors du précédent quinquennat. Si ils commencent à être acceptés, je ne vois pas pourquoi on ne le suivrait pas. Et on ne va pas voter contre le renforcement des moyens du ministère de l’Intérieur. On le dit depuis les années !
Nicolas Forissier, député LR de l'Indre
Mais comment s'assurer qu'un pacte de gouvernement ne s'accompagne pas d'un brouillage trop fort des lignes ? Que Les Républicains ne sortiront pas encore plus invisibilisés qu'ils n'ont pu l'être, notamment pendant la campagne de l'élection présidentielle, avant la déroute que l'on connaît ? Au Sénat, les LR font déjà partie de la majorité avec le groupe centriste, dont… cinq sénateurs MoDem, parti intégré à la majorité macroniste à l'Assemblée.
Identité perdue
Pour Nicolas Forissier, l'élection du nouveau chef de file du parti, en décembre, pourrait aider à reforger cette identité perdue. "On a un problème de leadership, on n'a plus de Chirac ou de Sarkozy", concède le député de l'Indre. Un éventuel nouveau président charismatique pourrait emmener le parti vers un nouveau destin, "une refondation", qualifie de son côté Serge Babary.
Une refondation qui va passer "un travail commun plus régulier" entre LR du Sénat et de l'Assemblée, estime le sénateur d'Indre-et-Loire. "Il faut qu'on soit en phase, qu'on se coordonne", ce que la droite "ne faisait pas assez avant". Serge Babary considère, en tout cas, que le Sénat "a retrouvé son rôle de pôle de stabilité" :
Le Sénat, c'est comme les assurances : on se rend compte de son intérêt que quand on a un problème.
Serge Babary, sénateur LR d'Indre-et-Loire
Reste que les candidats à la présidence ne semblent pas se définir comme les plus Macron-compatibles qui soient. Que ce soit le maire d'Orléans Serge Grouard, le sénateur de Vendée Bruno Retailleau, ou le député du Var Eric Ciotti, surprenant deuxième de la primaire LR avant la présidentielle. "Quand il s'agit d'aller chercher le noyau dur des militants, ce n'est pas évident d'avoir un discours constructif" avec la majorité, balance Nicolas Forissier. "Eric Ciotti ne l'aura surement pas."
Les députés feront leur rentrée le 3 octobre, deux jours avant les sénateurs.