En parcourant 250 kilomètres sur la Loire en canoë d’Orléans à Angers, 32 femmes dépassent collectivement le cancer. Après un parcours de santé commun contre le cancer du sein, leur défi à coup de pagaie dans le fleuve sauvage nous offre une leçon de vie.
C’est un véritable raid, 100 % féminin, qui a débuté à Orléans jeudi 8 aout et aprés avoir emprunté les méandres du fleuve royal pendant 4 jours et 3 nuits totalement coupées du monde, elles sont bien arrivé à Ponts de Cé (Angers) : c'est l'opération United Ladies Loire.
Une aventure sportive en pleine nature pour les participantes en fin de traitement du cancer du sein. Leur volonté commune : laisser derrière elles des mois de combat médical contre la maladie. Le défi hors norme qui les transporte jusqu’à Angers est un exploit extrêmement valorisant. Une sortie de traitement par le sport en guise de rite de passage vers une vie qui n’est pas uniquement centrée la maladie et ses stigmates.
Un chirurgien et sa femme à l'initiative, Frédéric et Véronique Truchet
Descente de Loire sans ordonnance
À l’initiative de ce raid-aventure des femmes touchées par un cancer du sein, il y a un chirurgien de Saumur, Frédéric Truchet accompagné de sa femme Véronique. Ils ont incité les patientes à s’investir dans ces 250 km à la pagaie sur la Loire.
« L’impossible est une porte qu’on ne peut pas s’empêcher d’ouvrir , derrière il y a quelqu’un d’autre », une citation chère à Frédéric Truchet, le chirurgien qui a impulsé l’idée de ce raid-aventure en bateau sur la Loire par des femmes concernées par le cancer du sein.
Une philosophie de la vie qui accompagne ce médecin dans son parcours. Le professionnel de santé qui est chargé d’annoncer à une centaine de femmes par an leur maladie a précédemment travaillé en maternité. Un accompagnement de ses semblables dans différents moments de vie qui lui a donné du recul sur le pouvoir de la médecine.
En invitant, 32 femmes à relier Orléans à Angers à la seule force de leurs bras, Frédéric Truchet, sait qu’il leur propose une mission apparemment hors de portée :
« Lorsqu’on propose à quelqu’un qui est dans la difficulté, la douleur, la souffrance, un défi qui lui semble impossible, si on le porte pour qu’il le réalise, il y a quelque chose pour lui à découvrir derrière de plus profond, en fait, il va se découvrir lui-même. Lorsqu’on est malade, qu’on est enfermé dans la maladie, de se redécouvrir, de se remettre en vie, c’est comme ça qu’on peut concevoir la guérison »
Si aujourd’hui, la médecine prône l’exercice physique doux après les traitements du cancer du sein, les United Ladies sont amenées à leur limite et c’est sans ordonnance :
« L’exercice physique est un prétexte, l’exploit c’est surtout de déborder de vie, de joie, de satisfaction, d’envie de l’équipage du bateau, de copines. Il s’agit pour elles de se dépasser vraiment qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse chaud, froid, qu’il y ait peu d’eau, que les cadences semblent infernales. C’est un véritable défi qui les remet au monde. »
Au fil des coups de pagaie, la tension de l’effort à réaliser laisse la place à une fierté d’être toujours là, fidèle au poste avec les autres, prêtes à en découdre avec le fleuve et les intempéries « on part de l’exercice physique qui est bien pour les pousser à renaitre. Ok, elles peuvent être malades ou avoir été malade, mais ce ne sont pas que des malades. Ce sont aussi des personnes vivantes ! L’important, c’est vraiment de vivre à fond , à 100 % de ses capacités vitales. Pas en dessous, largement au-dessus ».
« Elles sont dans leur vie maintenant, au présent et pas dans la peur de ce qui risque d’arriver demain, ce qui d’ailleurs est valable pour nous tous. Elles ne sont pas non plus dans le regret de la vie d’avant qui serait mieux avec une meilleure santé, plus jeunes,etc…La, elles sont là, elles sont présentes à leur vie, à ce moment et ça, c’est un vrai trésor de l’humanité »
Avec en commun le parcours du traitement du cancer du sein, ces United Ladies se battent ensemble pour faire avancer le bateau au fil de la Loire. C’est collectivement qu’elles font face à la maladie.
« Si on se limitait à l’aspect uniquement thérapeutique de sport et santé, je pense qu’on louperait l’essentiel du passage qui se fait entre le départ et l’arrivée pour ces femmes au plus profond de leur être. Elles se sont découvertes à elle-même en y arrivant collectivement. Ça dépasse de loin leurs simples capacités musculaires. C’est quelque chose qu’elles font ensemble, qui les porte au propre comme au figuré. Ensemble, elles vont beaucoup plus loin que ce qu’elles pouvaient imaginer »
Frédéric Truchet accompagne l’aventure sur la Loire, prend soin de toutes à chaque pause avec affection. Son rôle de soignant est dans le réconfort qu’il apporte.
« Être médecin, c’est soigner, ce n’est pas vouloir que les gens guérissent. Soigner, c’est les porter pour qu’elles décident d’y aller, de faire elles ce qu’il y a à faire, ce n’est pas faire pour eux, ce n’est pas décider du traitement, de ce qu’elles doivent faire. Les soigner, c’est leur dire, ça, vous pouvez le faire, ça serait bien pour la maladie et ça serait bien pour VOUS, pour vivre pleinement votre vie, même si ça va être dur, derrière, il y a une vie à vivre qui peut être bien plus intense que ce que c’était avant le cancer ».
Une victoire au bout de la pagaie
Portrait d'une United Ladies tourangelle, combattante et victorieuse,Pascale Foussard
Video : les United Ladies Loire, c'est aussi une chanson, composée et interprétée par Claire Bréhin :
Une organisation 2019 adaptée au niveau de la Loire :
A l'origine le raid United Ladies Loire 2019 devait avoir lieu avec des Dragons Boats, des bateaux de 200 kilos avec un fort tirant d'eau difficile à manoeuvrer dans les méandres de sable et d'eau d'une Loire qui connait actuellement un débit extrêmement faible.L'organisateur de l'événement, Sylvain Munier, gérant de Dragon Boat Attitude a été contraint au dernier moment de changer les embarcations "On a pris des gros canoës indiens à 9 places pour pouvoir descendre la Loire en toute sécurité. Les canoës pèsent 100 kilos, c'est deux fois moins que les Dragons Boats. Un allégement du poid du bateau qui va faciliter les nombreux portages incontournable avec le niveau d'eau actuel de la Loire. Ils ne faut pas oublier que ce sont des équipages de 9 femmes en fin de traitement de cancer qui vont devoir soulever ces embarcations. Les canoës indiens seront plus facile à porter pour les filles et ce sont aussi des bateaux qui passent mieux grace à un plus faible tirant d'eau".
La logistique des United Lady’s 2019
Pour que ce raid soit possible, une dizaine de personnes précèdent et suivent les 32 rameuses chaque jour. Au-delà de la technique sportive, repas et repos participent à la réussite de cette aventure sur la Loire.Durant l’année précédante le raid, la responsable de la logistique, Lucie Munier s’est chargée de repérer les lieux du bivouac. Préfecture, Natura 2000 et communes sont consultés pour obtenir une autorisation d’occupation temporaire du domaine public.
Tandis que les canoës parcourent le fleuve sauvage, sur la route 4 véhicules utilitaires acheminent le bivouac.
En 3h, un petit village de toile est installé dans les magnifiques paysages du fleuve royal. Vingt tentes de 2 places avec « vue sur Loire » offrent un peu de confort après une journée d’effort. Sur place, les participantes retrouvent leurs affaires personnelles. Sacs et valises précèdent les embarcations pour offrir une touche intime et personnelle à ce temps de récupération.
Cuisines et toilettes sèches sont installées chaque soir et chaque matin tout est démonté sans laisser de traces.
Une opération renouvelée chaque jour qui rend possible l’exploit de ces femmes meurtries par le cancer du sein et avide d’aventures.