Au moment où les projets de parcs photovoltaïques se multiplient dans la région, le syndicat des Jeunes agriculteurs s'inquiète de "l'artificialisation des terres agricoles". Un sujet sensible alors que le gouvernement s'est engagé à augmenter la part des énergies renouvelables en France.
L’énergie photovoltaïque, oui, mais pas à n’importe quel prix. C’est, en substance, le message qu’ont adressé lundi les Jeunes agriculteurs du Centre au gouvernement. Dans un communiqué de presse, le syndicat agricole dénonce "l’artificialisation des terres agricoles", un "désastre pour l’agriculture".
Retrouvez notre communiqué de presse ➡️ Préservons le foncier agricole, disons NON aux projets photovoltaïques au sol ! pic.twitter.com/SBIRToq8GM
— JA Centre-Val de Loire (@JACentreVdL) 10 septembre 2018
"Il y a de plus en plus de projets photovoltaïques et donc de plus en plus de terres agricoles qui sont grignotées", constate, amer, Cédric Raguin, secrétaire général des Jeunes agriculteurs du Centre. Force est de constater que dans la région, les projets sont nombreux. Outre à Amilly (Loiret), Marmagne (Cher) ou Descartes (Indre-et-Loire), sites qui ont déjà vu le jour, les chantiers fleurissent un peu partout : Préfontaines ou Mézières-lez-Cléry dans le Loiret, Chaillac ou Paulmy en Indre-et-Loire, Contres ou Montoire dans le Loir-et-Cher, Briare ou Chatelet dans le Cher… En huit ans, la part d’énergie photovoltaïque produite en région Centre Val-de-Loire a été multpliée par… 250, passant de 1 GWh en 2008 à 250 GWh en 2016 selon des chiffres publiés par l’Observatoire régional de l’énergie et de gaz à effet de serre en région Centre (Oreges).
Parmi cette myriade de projets, cependant, seul un nombre infime prévoit l’implantation de panneaux sur des zones agricoles. Les producteurs d’énergie leur préfèrent des terres impropres à la culture : anciennes décharges, friches industrielles, anciennes carrières, terrains pollués, anciens terrains militaires… Mais immanquablement, les terres cultivées ou dédiées au pâturage sont également ciblées. C’est notamment le cas à Saint-Germain-du-Puy, près de Bourges, où un exploitant qui part à la retraite s’est engagé à louer ses terres à l’Allemand Kronos Solar, spécialisé dans l’installation de "fermes solaires". Une enquête publique vient d’ouvrir en ce sens – une réunion d’information est prévue mardi 12 septembre, à 18 heures, à la mairie en présence de l’industriel.
De "multiples petites emprises" sur les zones agricoles
Le projet est gigantesque : il prévoit l’implantation de près de 60 000 panneaux solaires sur une surface d’environ 20 hectares. Des terres aujourd'hui cultivées mais dont la vocation agricole était déjà en sursis, la commune lorgnait également la parcelle pour y étendre sa zone d’activité. "Il faut aussi qu’il y ait une prise de conscience de la part des élus, déclare Cédric Raguin. Il faut qu’il y ait un regard plus attentif au sujet de la consommation du foncier. On ne peut pas demander aux agriculteurs d’être plus vertueux et en même temps leur enlever leur outil de travail. Les terres agricoles deviennent précieuses".
"Il y a assez de toitures pour y installer des panneaux !"
Un constat partagé par Guillaume Gonet, président des Jeunes agriculteurs du Centre. "Plus ça va, plus on voit de collectivités demander à la Commission départementale de préservation des espaces naturels l’autorisation d’installer des panneaux solaires sur des zones artisanales", explique-t-il. Or il arrive souvent, poursuit-il, que des fermes exploitent en bail précaire ces zones artisanales non-utilisées. C’est notamment le cas à Ouzouer-le-marché (Loir-et-Cher), sur un site pressenti pour un projet, et à Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher), où un parc photovoltaïque doit voir le jour en 2019. "Ce sont de petites emprises qui augmentent constamment la pression sur les zones agricoles, affirme-t-il. Il y a assez de toitures pour y installer des panneaux !"
Mais aux yeux des industriels, les parcs photovoltaïques au sol sont bien plus avantageux : ils permettent d’augmenter rapidement les volumes de production d’électricité et donc de réduire les coûts d’installation. Les producteurs d’énergie se défendent en outre d’ôter toute vocation agricole aux terres : les sols sont utilisés temporairement – vingt ans, selon la loi –, et il est possible, selon eux, de mettre en place des cultures maraîchères entre les rangées de panneaux, de laisser paître des moutons ou d’installer des ruches. Kronos solar, d’ailleurs, prévoit d’utiliser des moutons pour entretenir le – potentiel – futur site photovoltaïque de Saint-Germain-du-Puy. Un argument que balaie du revers de la main Guillaume Gonet : "Je doute, vu les surfaces concernées, que ça soit créateur de revenus pour le monde agricole".