Paroles de pêcheurs de Loire : "On peut pêcher mais on ne peut plus vendre notre poisson"

La région Centre-Val de Loire compte une vingtaine de pêcheurs professionnels. Depuis le début du confinement, ils peuvent encore pêcher mais ne vendent plus leur poisson. Ceux qui transforment et qui peuvent stocker résistent. Ceux qui vendaient leur poisson aux restaurateurs sont à l'arrêt.
 

Romain Gadais est pêcheur professionnel à Bréhémont, en Indre-et-Loire, depuis 2014. Il vend ses terrines et ses rillettes dans sa boutique. Mais la plus grande partie de sa pêche est à la carte dans son restaurant La cabane à Matelot
"Le restaurant est fermé. Alors, on transforme le poisson en terrines et en rillettes qui peuvent se garder longtemps. Mais nous vendons un produit "plaisir" qui se déguste entre amis à l'apéro pas un produit de première nécessité alors les gens ne viennent pas à la boutique l'acheter.

Ce jeune pêcheur dynamique ne manque pas d'idées pour s'en sortir. "Normalement, c'est le chiffre d'affaires du restaurant qui nous permet de tenir toute l'année. Comme il est fermé, on pense à organiser un système de livraison de nos produits à domicile. Mais est-ce que les clients vont suivre ? On verra." 

Des annulations pour le mois de mai

Il assure pouvoir tenir jusqu'à fin avril.

Je transforme et je peux stocker. C'est plus difficile pour ceux qui ne transforment pas. En revanche, si ça dure encore au mois de mai, notre entreprise risque d'être en péril. C'est la saison de La Loire à vélo qui commence vraiment et avec elle une grosse partie de notre chiffre d'affaires.

Et d'ajouter : "Ce qui m'inquiète, c'est qu'on a des annulations dès maintenant pour le mois de mai. Des groupes, notamment, qui devaient venir faire la Loire à vélo". 

Le report de charges : une fausse solution

 

La difficulté de vendre des terrines de poisson de Loire à distance

 

Les trois quart des pêcheurs de Loire à l'arrêt depuis le 16 mars

 

Les pêcheurs demandent une exonération de charges ou un report d'au moins un an

Philippe Boisneau est membre du Comité national de la pêche professionnelle en eau douce (Conapped). 

"Ce que nous demandons, ce n'est pas un report de charges mais une exonération de charges ou un report d'au moins un an."

Il poursuit : "Nous faisons 50 % de notre chiffre d'affaires entre le 15 mars et le 15 mai, avec les poissons migrateurs comme le mulet et l'alose. Une fois que ces poissons seront passés, on ne pourra pas rattraper notre chiffre d'affaires cet été.

Et de conclure : "Il faut que tout le monde sache que ceux qui transforment continuent à pêcher mais ils ne pêchent pas plus qu'avant le confinement. Et tous les autres sont à l'arrêt. Je ne veux plus entendre dire que les pêcheurs professionnels profitent de la situation pour pêcher plus parce que c'est faux. Ce que nous vivons est catastrophique et je ne sais pas si nos entreprises vont pouvoir s'en remettre." 

Même si la crise frappe de plein fouet les pêcheurs de Loire, pas question pour eux de reporter le paiement des charges à plus tard.

Je n'ai pas le temps de remplir ces dossiers très complexes. Le temps que je vais perdre devant un ordinateur, c'est de l'argent que je vais perdre en n'allant pas pêcher. Je préfère payer mes charges maintenant avec la réserve de trésorerie tant que j'en ai.

Dans le Loir-et-Cher, Julien Quesneau, pêcheur professionnel, partage cette idée. "Le report de charges est une fausse solution. On va les accumuler. Je préfère les payer au fur et à mesure. Le risque est trop gros. Je ne veux pas accumuler de dettes.Cela me permet d'avancer plus sereinement. " 

Ce pêcheur vient d'ouvrir un nouveau laboratoire de transformation à la Chaussée Saint-Victor. 

"C'est mal tombé. J'ai mis deux personnes au chômage technique. J'en ai gardé deux pour faire du stock avec des produits qui peuvent se garder longtemps."

Julien Quesneau vend 90 % de ses terrines et ses produits transformés en vente directe dans sa boutique mais aussi dans les lieux touristiques comme le Château de Blois, l'Aquarium de Touraine, mais aussi des magasins de produits régionaux comme la Biscuiterie de Chambord. "Internet, je n'y crois pas trop parce que nos produits ont besoin d'être vendus par une personne qui explique aux clients leur fabrication, son origine."

Il explique : "Les consommatuers ne vont pas instinctivement chercher sur internet à acheter une terrine d'alose. C'est la vente directe qui permet d'avoir de nouveaux clients." 

Alors ce pêcheur pense à de nouvelles recettes pour élargir sa gamme. "C'est la saison de l'alose. On travaille sur une sauce à base d'alose par exemple pour après... Je préfère travailler en me disant que le confinement est bientôt terminé."
Sur la vingtaine de pêcheurs de Loire, seuls six transforment leurs poissons. Les autres vendent aux restaurants ou au cantines scolaires. "Je suis à l'arrêt de puis le 16 mars. C'était le tout début de la saison. On a juste eu le temps de poser les filets et on les a enlevés."

Philippe Boisneau est pêcheur professionnel entre Chaumont-sur-Loire, Amboise et Montlouis, à cheval sur le Loir-et-Cher et l'Indre-et-Loire depuis 26 ans. Il n'avait jamais arrêté si longtemps : 
 
"Ceux qui transforment ne peuvent pas racheter mon poisson. Je vends aux restaurants et aux cantines scolaires, normalement. Tout est fermé. Les grossistes ne nous achètent plus et les grandes surfaces veulent nous acheter des filets à des prix bien inférieurs à leur prix de revient. Donc ce n'est pas la peine. J'ai dû arrêter comme la majorité des autres pêcheurs de Loire." 

 

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