Les pharmaciens pouvaient vendre des masques à tout le monde depuis fin mars : "peut-être, mais il y avait pénurie"

Les pharmaciens ont récemment découvert que depuis le 23 mars, il n'y avait pas d'interdiction de vendre aux particuliers des masques issus de l'importation. La disposition du décret selon eux, n'a pas été clarifiée dès le départ par le Gouvernement 

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 Les pharmaciens avaient bien la possibilité de vendre des masques chirurgicaux et ce, dès le 23 mars suite à un décret du Gouvernement, mais il fallait lire entre les lignes pour le comprendre et décripter l'aspect juridique. Une lecture pas forcément accessible à tous. 

Un flou dans le texte 

Face à la pénurie, dans un décret datant du 3 mars, le Gouvernement annonce la réquisition des masques chirurgicaux et FFP2 pour le personnel soignant. 
"Afin de préserver les ressources en masques de protection dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, le Premier ministre a réquisitionné par décret du 3 mars l’ensemble des stocks et productions de masques sur le territoire national. "
Ces masques ne sont donc plus disponibles à la vente pour les particuliers en pharmacie. Les pharmaciens s'en tiennent à cette directive. 
Mais dans un décret du 23 mars 2020, le paragraphe III de l’article 12 concerne la vente de masques et prévoit la possibilité d’une exception au principe général de réquisition. Cette disposition concerne la vente de masques d'importation,  non produits sur le territoire national, et dont l'entrée sur le territoire est postérieure à la date du 23 mars 2020.

« Des stocks de masques importés peuvent toutefois donner lieu à réquisition totale ou partielle, par arrêté du ministre chargé de la santé, au-delà d’un seuil de cinq millions d’unités par trimestre par personne morale. Le silence gardé par ce ministre plus de soixante-douze heures après réception d’une demande d’importation adressée par cette personne ou l’importateur fait obstacle à la réquisition. » 

En d'autres termes, rien ne prohibe la commercialisation par les pharmacies des masques chirurgicaux aux particuliers, dès lors que ces masques proviennent d’importations entrées sur le territoire national après le 23 mars 2020, qu'ils n’ont pas fait l’objet d’une réquisition expresse du ministre de la Santé ou du Préfet, et disposent du marquage CE.

"Il fallait savoir interpréter le décret du 23 mars"

Pour Eric Doudet, président de l'Ordre des pharmaciens en Centre-Val de Loire,  il y avait déjà pénurie de masques pour le personnel soignant :
"Lorsque le décret du 23 mars est sorti, il fallait interpréter le texte, mais notre priorité était d'abord de distribuer des masques aux infirmières et aux médecins qui en avaient le plus besoin avec la pénurie. Qui plus est, ça nous aurait posé un problème éthique et moral si nous avions vendu des masques aux particuliers. La période était déjà difficile à gérer et beaucoup d'entre nous ne voulait pas prendre le risque d'importer des produits non conformes ou se faire arnaquer."


Les pharmaciens demandent une clarification auprès du ministère de la Santé


Le décret du 23 mars n'est pas clair et la profession demande plus de précision. Dans une lettre ouverte au ministre de la Santé datant du 30 avril, les principales instances dirigeantes du secteur de la pharmacie et l'ensemble des ordres médicaux appellent à la clarification. 
 

Dans un document, le ministère de la Santé apporte alors une précision qui change la donne : "Ne sont pas concernés [par l'interdiction de vente au grand public du 23 mars] les stocks de masques importés depuis cette date". En clair, contrairement à ce que pensaient les pharmaciens, depuis fin mars, ils étaient libres d'importer des masques pour les vendre, dans la limite de 5 millions par trimestre et par entreprise. Une précision confirmée le 5 mai par le Conseil d'Etat. 


L'autorisation de vente de masques dans les grandes surfaces met le feu aux poudres chez les pharmaciens 

L'annonce de distribution de masques par les grandes surfaces dès le 4 mai déclenche la colère des pharmaciens, alors qu'ils pensaient ne pas être autorisés à le faire.

" 225 millions de masques achetés par Carrefour, 170 millions par Leclerc... On a tous clairement eu le sentiment de s'être fait avoir. Alors que depuis le 3 mars, on rationne les professionnels de santé et on refuse aux particuliers de leur vendre des masques, la grande distribution, elle, annonce des chiffres hallucinants. C'est écoeurant", s'indigne Eric Dourdet.

Depuis quelques jours, tout semble rentrer dans l'ordre. Les pharmaciens ont l'autorisation de vendre des masques aux particuliers. Ils doivent aussi en fournir aux autres personnels soignants comme les dentistes, les kinésithérapeutes ou autres depuis lundi 11 mai. Mais après ce cafouillage autour des masques (pénurie, réquisition, masques défectueux,...), les pharmaciens ont le sentiment d'un manque de reconnaissance :
"Nous regrettons qu'il n'y ait pas eu de concertation du Gouvernement avec l'ensemble de la profession. Depuis deux mois, nous sommes au contact du Covid-19. Des équipes ont été touchées. On s'épuise aussi avec cette pression", termine Eric Doudet. 
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