Alors que les prix de l'électricité s'envolent, la Première ministre a promis 1,5 milliard d'euros à destination des collectivités, pour engager des travaux aboutissant à des économies d'énergie. En Centre-Val de Loire, la somme est jugée largement insuffisante.
Les factures gonflent, et ne semblent pas avoir fini de gonfler. L'inflation des prix de gros de l'électricité pour 2023 inquiète non seulement les ménages, mais aussi les collectivités. Car, à 1 000 euros le MWh, n'importe quel gymnase ou collège devient un gouffre financier quand il faut allumer les radiateurs.
Jusqu'à présent, une bonne partie des collectivités est parvenue à encaisser le choc, notamment grâce à "de la prévision". À Loches, en Indre-et-Loire, le maire vante "une certaine maitrise grâce aux économies faites chaque année, grâce à une politique qu'on mène depuis longtemps". Selon Marc Angenault (LR), la ville a pu compenser l'inflation grâce à "la modification des réverbères, le changement des chaudières, l'extinction des lumières sur 40% des rues".
Des hausses de 100%
Pareil à Issoudun, dans l'Indre, où "on n'a pas attendu la crise pour prendre des mesures d'économie d'énergie", assure l'édile André Laignel (PS). Luminosité des lampadaires baissée, remplacement des ampoules par des Led... Là-aussi, les économies faites en amont servent, aujourd'hui, à compenser la hausse des prix.
Compenser du moins en partie. Car André Laignel se dit bien incapable d'estimer l'impact de l'utilisation de Led sur sa commune. Et de manière générale, il estime impossible de garder le budget à l'équilibre. "Sur une partie des équipements comme les piscines et les gymnases, on a un réseau de chaleur au bois, donc ça a augmenté de 30%, explique le maire. Mais sur le reste des équipements, on a pu prendre 100% de hausse, comme dans les écoles, au centre culturel, à la maison des seniors."
En tant que commune centrale d'un centre urbain plus important, il affirme d'ailleurs subir plus fortement l'impact de l'inflation que ses voisins. "On a une ville très équipée, nous portons et chauffons les équipements de tout un territoire", note André Laignel.
"Entendus mais pas écoutés"
À l'instar du maire de Bourges Yann Galut, qui alertait en juillet sur le "mur financier" qu'allait rencontrer sa ville à cause de la hausse des prix de l'énergie, André Laignel sollicite depuis plusieurs moins l'aide du gouvernement. Avec sa casquette de vice-président de l'association des maires de France (AMF), il doit notamment rencontrer trois ministres cette semaine, pour plaider la cause des collectivités :
On est entendus, mais je ne suis pas sûr qu'on soit écoutés. C'était le cas sur le précédent quinquennat, et on semble se diriger vers ça aussi pour le nouveau.
André Laignel, maire d'Issoudun et vice-président de l'AMF
Pourtant, la Première ministre Elisabeth Borne a promis la création d'un fonds vert à destination des collectivités, pour les aider à engager leur transition énergétique et, à terme, faire baisser leurs dépenses. Un fonds à 1,5 milliard d'euros. "Ça sera suffisant s'ils réservent 1 milliard au Centre-Val de Loire", ironise le président socialiste de la région François Bonneau.
Fonds insuffisant(s)
Lui-même a dû faire voter à l'assemblée régionale une rallonge de 2 millions d'euros au début de l'été pour compenser les prix de l'énergie. Et ce alors que la région a engagé un "contrat de performance énergétique de nos lycées, qui permet d'économiser 35% d'énergie nécessaire dans chaque établissement rénové". Pour le président du Centre-Val de Loire, il faut "s'engager plus fortement dans la réduction de notre consommation, et de notre production de gaz à effet de serre". Ce qui nécessite selon lui, à l'échelle de toutes les collectivités françaises, bien plus que 1,5 milliard d'euros. "On veut le faire sur la mobilité, sur les performances énergétiques, en aidant les familles à isoler leurs logements, liste-t-il. Ça a un coût."
Pour les maires aussi, les promesses du gouvernement sont insuffisantes. "C'est déjà positif, mais c'est largement trop peu, il faudrait 10 milliards", tonne André Laignel. Le maire de Loches, Marc Angenault, estime que les besoins des communes sont "trop énormes" pour être couverts par ce futur fonds vert. "À la communauté de communes, beaucoup de mairies nous sollicitent pour les aider à faire de l'isolation", raconte-t-il. Pour lui, ce sont ces petites communes en manque de moyens qu'il faudra aider "en priorité et au cas par cas".
Passer l'hiver
D'autant que, déjà mises en difficulté par les hausses du premier semestre 2022, les mairies seront probablement à nouveau secouées par l'inflation qui se poursuit, au moins jusqu'au début 2023 selon le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. "On est dans l'incertitude, on est incapable de savoir combien sera nécessaire", redoute André Laignel à Issoudun. Après la première rallonge de l'été, François Bonneau anticipe également de devoir "faire le même vote en novembre", pour survivre à 2023.
Déjà, les astuces se partagent. À Loches, Marc Angenault promet de "suivre les recommandations du gouvernement, en réduisant la température dans nos locaux à 19 degrés", voire à 16 degrés dans les infrastructures sportives. Il prévoit aussi d'éteindre les réverbères de rues supplémentaires dans le centre-ville. Tous rassurent : les établissements scolaires auront du chauffage. "Mais ce qu'on mettra pour chauffer les écoles, on ne pourra pas le mettre ailleurs", prévient André Laignel. Le vice-président de l'AMF espère désormais que la voix des collectivités portera assez pour que l'État mette la main à la poche, et les aide à passer l'hiver.