Face à la hausse des prix de l'énergie, à l'image des particuliers et des entreprises, les collectivités demandent aussi l'aide de l'Etat, de peur que la flambée tarifaire « affecte rapidement et durablement les services publics locaux ».
L’alerte a été lancée dès le mois de janvier par plusieurs associations d’élus. Que ce soient les Maires de France ou les Petites villes de France, les deux instances ont interpellé le gouvernement sur la flambée du prix de l’énergie. "Vous avez vous-même récemment reconnu que cette hausse n’était soutenable ni pour les ménages ni pour les entreprises. Elle ne l’est pas aussi pour les collectivités", écrit Christophe Bouillon, le président de l’APVF, à Bruno Le Maire, ministre de l’économie. Ces augmentations "vont affecter rapidement et durablement les services publics locaux", prévient l’AMF dans un courrier adressé à Jean Castex. Selon la consultation réalisée par la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR), ces hausses "s’échelonnent entre 30 à 300 %".
À Issoudun (Indre), le poste "énergies" correspond à 700 000 euros du budget. + 30 % en perspective cette année, soit 200 000 euros. À Montargis (Loiret), la tendance est la même : + 38 % pour le gaz par rapport à l’an dernier, + 27 % pour l’électricité. À Tours (Indre-et-Loire), la ville table sur une augmentation de plusieurs millions sur l’année 2022 alors que l’électricité et le gaz coûtent 5 millions d’euros par an.
Faire des économies à tout prix
Les municipalités n’ont pas le choix. Le mot d’ordre, c’est "faire des économies". La mairie montargoise n’a plus de chauffage depuis une semaine. "D’habitude on ne coupait pas", assure Benoît Digeon, premier édile de la ville. Les services tourangeaux vont mettre en place un plan pour réguler et optimiser l'utilisation des locaux. "Par exemple, les vacances scolaires sont étalées sur quinze jours. On pourrait dire que tout le monde est en congés au même moment. On fermerait entièrement les locaux", propose Emmanuel Denis, le maire de Tours. "J’essaye de faire des économies sur l’éclairage public. Il y a certains secteurs où il n’y a pas énormément de gens qui se baladent la nuit, où l'on va baisser de 50 % la luminosité", indique André Laignel, maire d’Issoudun et vice-président de l’AMF.
Mais ces économies d’énergies ne seront jamais suffisantes pour compenser les factures élevées. Il faut alors se plonger dans les exercices comptables. À quelques semaines de voter le budget supplémentaire, la municipalité issoldunoise cherche à faire 30 % d’économies. Mais où trouver cet argent ? Dans les impôts ? "Les marges d’augmentations des impôts sont modestes. Nous n’avons plus qu’une seule taxe, sur le foncier bâti. Certains maires y seront contraints mais ça ne couvrira qu’une partie de l’inflation", estime André Laignel. Où trouver cet argent ? Dans l’investissement ? C’est ce que compte faire le maire d’Issoudun. Mais cela veut dire que moins de projets seront lancés.
À Montargis, la situation est différente. La municipalité a mis les moyens pour changer l'éclairage public. Des LED ont été installées pour un coût total de 1,5 millions d'euros. Mais cela permet de faire 250 000 euros d'économies. Depuis septembre 2021, la chaufferie est alimentée par la biomasse, la valorisation des déchets de l'incinérateur d'Amilly, ainsi que 10 % de gaz. "Il faut que l’on soit innovant, agile, dans une recherche d’économies permanentes", résume Benoît Digeon, maire LR de Montargis.
Quid des énergies renouvelables ?
Elle ne répond pas à l’urgence. Investir dans les énergies renouvelables, c’est un retour sur 7, 10 ans
estime le socialiste André Laignel.
Pour avoir une réponse immédiate, les associations d’élus ont fait plusieurs propositions à l’État. L’APVF demande une dotation énergie. "Elle permettrait de limiter l’impact sur les budgets locaux mais aussi d’aider à financer des politiques de rénovation énergétique des bâtiments". Quant à l’AMF et la FNCRR, elles plaident pour un blocage des prix. "C’est la formule la plus rapide et la plus simple", estime André Laignel. Les associations demandent également l'accès aux tarifs réglementés de vente pour les collectivités. Il faudrait aussi réguler les marchés. "Le court est très fluctuant. Les offres qui sont faites sont valables 5 heures par les opérateurs d’énergies. C’est un truc complètement délirant", raconte Emmanuel Denis. "Il nous faut de la stabilité. Si on n’a pas de visibilité, c’est extrêmement contraignant".
Pour l'instant, le gouvernement a annoncé une baisse de la fiscalité et l'augmentation du plafond de l'ARENH, l'Accès réglementé à l’électricité nucléaire historique. Mais cela reste insuffisant selon les associations. Car l'inflation est généralisée : les denrées alimentaires, le prix des matériaux, etc. Les collectivités devront également répercuter la hausse du point d'indice des fonctionnaires.