Risque-t-on un "krach de l'hôtellerie-restauration" en Centre-Val de Loire ?

L'accès au fonds de solidarité pour les entreprises devient plus limité dès ce 1er juin dans toute la France. Un peu moins de deux semaines après la réouverture de leurs terrasses, les restaurateurs espèrent garder la tête hors de l'eau, mais craignent les conséquences de leur surendettement.

Le "quoi qu'il en coûte" perd un peu de sa superbe ce mardi 1er juin. Le ministère de l'Economie avait prévenu : les réouvertures progressives depuis le 19 mai vont s'accompagner de rabais, eux-aussi progressifs, des aides de l'Etat aux entreprises fermées pendant le confinement.

Jusqu'à présent, le fonds de solidarité pouvait bénéficier aux entreprises fermées administrativement ou ayant perdu 50% de leur chiffre d'affaires, et leur octroyait une aide mensuelle s'élevant au maximum à 10 000 euros ou à 20% de leur chiffre d'affaires, inférieur à 200 000 euros.

Désormais, la somme versée sera plafonnée à 40% de la perte de chiffre d'affaires, toujours dans une limite de 10 000 euros. L'aide devrait passer à 30% en juillet, puis à 20% en août. Une sorte d'entre-deux économique pour accompagner des entreprises reprenant leur activité, mais toujours contraintes par les jauges sanitaires, le couvre-feu, ainsi que la diminution du nombre de touristes étrangers.

La réouverture : succès en ville, échec ailleurs

Mais pour le moment, pas d'inquiétude du côté des restaurateurs, relativement satisfaits de leur réouverture... pour ceux qui ont pu rouvrir. "Ca se passe très bien", confirme Jerry Gras, délégué de la branche restauration au sein de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie du Loiret (UMIH 45). Chez "Paul & Juliette", son restaurant du centre-ville d'Orléans, "on refuse du monde tous les jours". 

Dans le Loir-et-Cher, le constat est en partie similaire. "Ca travaille bien sur les grandes places des villes, comme à Blois, où les restaurants ont pu étendre leurs terrasses sur l'espace public", indique Sabine Ferrand, restauratrice ét gérante du "Rhinocéros" à Saint-Laurent-Nouans, et présidente régionale de l'UMIH. 

Mais la terrasse, seule partie du restaurant à pouvoir rouvrir, c'est une culture surtout citadine. "En ruralité, la semaine, ça ne fonctionne pas du tout", complète Sabine Ferrand. Elle estime ainsi que 25% des restaurateurs étaient réellement en capacité de rouvrir une terrasse au 19 mai, mais qu'il est impossible de confirmer ce chiffres dans les faits. Elle-même a décidé de ne pas rouvrir son établissement : 

Rouvrir, ça me coûte 1 500 euros d’électricité et 4 500 euros pour le chef par mois. Avec 20 couverts et des menus à 14 euros, ça ne fait pas le tour. On a subi un arrêt de 6 mois. On ne peut pas se permettre de faire tout et n’importe quoi.

Sabine Ferrand, directrice régionale UMIH

Vers une avalanche de faillites ?

Pour autant, le passage du couvre-feu de 21h à 23h et la réouveture des salles avec une jauge à 50%, prévus le 9 juin, sont source d'optimisme de la part des restaurateurs. "Je suis assez confiant, on voit déjà des touristes français venir", se réjouit Jerry Gras, qui espère une saison estivale réussie. Alors la baisse de l'accès au fonds de solidarité n'inquiète pas Sabine Ferrand, qui estime qu'"on ne peut pas vivre indéfiniment aux crochets de l'Etat, il est normal que les aides deviennent proportionnelles à la perte de chiffres d'affaires", maintenant que l'activité a pu reprendre.

Pour elle, la crainte n'est pas tant sur cet été que sur l'après-saison, soit de septembre jusqu'à la fin de l'hiver prochain, "une époque traditionnellement plus difficile pour les restaurateurs du Centre-Val de Loire". Et qui devrait coïncider avec l'arrivée annoncée d'un "mur de la dette", synonyme d'une potentielle avalanche de faillites dans tout le pays.

Ainsi, l'année 2020 a vu le nombre de faillites... diminuer de 39% dans le pays. En cause : les aides de l'Etat, et notamment le prêt garanti par l'Etat (PGE), permettant aux entreprises d'emprunter jusqu'à trois mois de chiffre d'affaires. Depuis le début de la crise sanitaire, 138 milliards d'euros ont été octroyés à 670 000 entreprises dans tout le pays, certaines déjà en difficulté avant le premier confinement. 

"Une épée de Damoclès"

Ces milliards de prêts, les entreprises devront les rembourser... en six ans après leur accord. Pas plus, dixit la Commission européenne. Pour Sabine Ferrand, ce surendettement est "une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nombreux établissements" :

Beaucoup de petites entreprises avaient déjà des prêts. Certains étaient déjà dans une situation où, si ils avaient un appareil qui tombaient en panne, ils ne pouvaient pas le remplacer, et ils ont pris un PGE par-dessus. Des restaurants ne pourront pas travailler quatre fois plus pour rembourser 60 000 euros en quatre ans, plus les intérêts.

Sabine Ferrand, directrice régionale UMIH

Et plus la durée de remboursement est longue, plus les intérêts sont élevés (1 à 1,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2022 ou 2023, 2 à 2,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2024 à 2026). "On a boosté des entreprises sans se préoccuper de si elles pourraient rembourser après ou non", s'inquiète Sabine Ferrand. Autrement dit : "C'est purement un krach de la bourse de l'hôtellerie-restauration." Un krach auquel il faudrait ajouter les chefs proches de la retraite, qui ne pourront pas revendre leurs murs ou leur fonds de commerce, "résultats de toute une vie de labeur" et souvent "la compensation d'une retraite assez faible".

Ces inquiétudes, la présidente régionale de l'UMIH les as transmises au Premier ministre Jean Castex et au ministre délégué aux PME Alain Griset, lors de leur visite aux commerçants de Blois à l'occasion de la réouverture le 19 mai. Elle propose notamment l'allongement du règlement des prêts garantis par l'Etat, et souhaite "une réellle discussion sur le sujet" dans les prochaines semaines. A ce stade, une seule chose est sûre : l'addition sera difficile à régler.

 

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