Depuis leur réouverture le 22 juin dernier, les petits cinémas peinent à attirer la clientèle. La faute, selon eux, au risque épidémique toujours présent mais aussi à un changement des habitudes et à une programmation estivale plutôt décevante.
Pas de cohue dans les salles de cinémas pour l'été 2020. Comme partout en France, les grands écrans de la région Centre-Val de Loire tournent au ralenti depuis le 22 juin dernier.
A l'image des autres lieux publics clos, les cinémas ont dû se conformer à des règles sanitaires strictes dès leur réouverture : port du masque obligatoire à l'accueil et dans les couloirs, gel hydroalcoolique à disposition et au moins une place d'écart entre chaque groupe de spectateurs (qui, une fois assis, peuvent retirer leur masque).
"Nous avons également organisé un parcours pour éviter que les gens se croisent", affirme-t-on au cinéma Le Palace à Romorantin, dans le Loir-et-Cher. "On constate que les gens jouent bien le jeu et sont respectueux des consignes", renchérit-on du côté de la salle berrichonne d'Aubigny-sur-Nère.
Mais malgré cette atmosphère rassurante, le public n'est pas au rendez-vous ces derniers mois.
Le nombre d'entrées en chute libre
2019 était une année exceptionnelle pour le monde du cinéma : selon le CNC, les salles françaises ont enregistré 213,3 millions d'entrées en un an, soit 6 % de plus qu'en 2018. Pour l'année 2020, le choc s'annonce donc brutal et commence à se faire sérieusement ressentir."Nous réalisons le tiers de nos entrées par rapport à l'an dernier à la même période", déplore Monique Augereau, directrice de la programmation du réseau Ciné-Off, qui travaille avec plusieurs salles de cinéma fixes en Indre-et-Loire. L'association réalise également des missions en itinérance : elle organise régulièrement des événements dans les salles polyvalentes des communes rurales du département et des ateliers pédagogiques pour les scolaires. Mais cet été, un grand nombre d'animations ont dû être annulées ou reportées.
A Romorantin, la situation n'est pas meilleure : le gérant du Palace, Francis Fourneau, doit faire face à une baisse de la fréquentation de 75 % par rapport à l'été 2019.
Dans le très touristique Berry, c'est tout le contraire. La salle de cinéma municipale d'Aubigny-sur-Nère, l'Atomic Cinéma, accueille presque plus de vacanciers que de spectateurs locaux. Mais comme ailleurs, le nombre d'entrées reste incroyablement bas. "Nous préférons attendre encore quelques mois avant de dresser le bilan des pertes", explique Julien Guinebault, responsable du service culturel.Depuis le déconfinement, nous avons retrouvé nos habitués, mais il nous manque un public d'occasionnels.
Les cinémas cherchent à s'adapter
L'Atomic Cinéma tente pourtant de s'adapter aux nouvelles habitudes de la clientèle. Depuis le 22 juin, 20 séances par semaine sont proposées, contre 13 avant le confinement. "On veut que le public ait la possibilité de se répartir", poursuit Julien Guinebault. "Au début, ça a marché, on avait du monde. Mais maintenant, les salles sont vides." Pas question en revanche pour la municipalité de réduire le nombre de séances pour l'instant : elle tient à exercer son rôle de service public.De son côté, Francis Fourneau du Palace réfléchit à de nouvelles options pour limiter les pertes. "Nous envisageons de fermer le cinéma une fois par semaine et de mettre les salariés en chômage partiel. Mais c'est une décision que je ne me résouds pas à prendre : le cinéma a un rôle central dans une ville, il permet de créer du lien social."Le gérant en est sûr : si la clientèle ne franchit pas les portes de son cinéma, ce n'est pas seulement par peur du Covid-19.
Un avis que partage Monique Augereau. "En plus, les gens peuvent visionner facilement des films de chez eux aujourd'hui, notamment sur les plateformes."Les habitudes ont changé. Après deux mois de confinement, on n'a pas forcément envie de s'enfermer dans une salle obscure. On préfère aller faire un barbecue au soleil avec ses amis.
Des films estivaux qui n'attirent pas
Intialement prévue le 25 mars et plusieurs fois reportée, la sortie du film Mulan a finalement été annulée : le remake du dessin animé de Disney sera privé de grand écran et sortira exclusivement sur la plateforme Disney+ en septembre 2020. Un coup dur pour les petits cinémas, qui s'attendaient à générer des recettes importantes grâce au blockbuster. "En cette période compliquée, c'est un coup de poignard dans le dos de la part de Disney", grince Francis Fourneau.Le patron du cinéma de Romorantin regrette d'ailleurs le contenu de la programmation estivale. "Je ne vais pas dire que les films à l'affiche ne sont pas bons, loin de là ! Mais il manque une grosse production américaine que tout le monde a envie de voir." Des propos que Julien Guinebault ne peut qu'approuver.
Il n'y a pas de film "locomotive" cet été, c'est pourquoi on a du mal à attirer le public dans nos salles.
De l'espoir pour la rentrée
Pour la directrice de la programmation de Ciné-Off, pas besoin d'attendre un grand film américain pour relancer la machine. "Je mise tout sur la comédie française Effacer l'historique. C'est un film familial et je pense que ce sera un bon indicateur pour prendre le pouls à la rentrée." Optimiste, Monique Augereau prépare d'ailleurs de nouveaux projets pour l'automne 2020 : ateliers d'éducation à l'image, projections, animations autour de cycles de films... Dans le Cher, le cinéma d'Aubigny-sur-Nère a placé beaucoup d'espoir sur la venue de l'explorateur Nicolas Vanier, le 26 août prochain, à l'occasion de l'avant-première de son nouveau film Poly. "L'idée est de montrer que le cinéma n'est pas fermé et qu'il s'y passe beaucoup de choses", indique Julien Guinebault.Francis Fourneau, quant à lui, compte beaucoup sur le film Tenet de Christopher Nolan pour compenser les pertes des derniers mois. "Nous organisons l'avant-première lundi 24 août, on verra bien ce que ça donne." Ce cinéphile convaincu refuse de se laisser abattre et espère bien un retour à la normale à l'automne. "Je crois toujours en le cinéma. Et je sais que tant qu'il y aura des films, il y aura des gens pour venir les voir."