Un décret publié le 26 avril autorise désormais les orthoptistes, professionnels de la rééducation des yeux, à renouveler et adapter les corrections optiques de leurs patients, sous certaines conditions.
Changer de lunettes sans attendre un rendez-vous chez l’ophtalmologue... C’est ce que permet le décret publié dimanche 26 avril 2020 au Journal officiel, autorisant désormais les orthoptistes à renouveler les corrections optiques. Dès la fin du confinement et à la réouverture des cabinets, les patients pourront venir directement avec leur ordonnance de lunettes ou de lentilles pour les renouveler chez les orthoptistes.
"Cela fait plus de dix ans que l’on mène ce combat"
Le SNAO, Syndicat national autonome des orthoptistes, se félicite de cette décision. "Cela fait plus de dix ans que l’on mène ce combat pour nous mettre au même niveau que les ophtalmologistes et les opticiens en matière de renouvellement", déclare Laurent Milstayn, président du SNAO et orthoptiste dans les Yvelines. Car, si les orthoptistes détectent et traitent les troubles de la vision comme le strabisme, l’amblyopie ou d’autres déficiences visuelles importantes, ils n’avaient pas l’autorisation de renouveler une prescription.
"La différence avec nos confrères ophtalmologues et opticiens, c’est que nous suivons nos patients sur plusieurs séances pour rééduquer ou réadapter l’oeil", poursuit le président du SNAO, pour qui "certain défauts de la vision peuvent être expliqués par des lunettes qui ne sont pas adaptées" Avant de poursuivre : "Cette nouvelle compétence peut nous permettre de compléter les rééducations, les rendant plus cohérentes et durables dans le temps"
55 jours d’attente pour une consultation chez l’ophtalmo
Un moyen également de réduire les délais d’attente chez l’ophtalmologue. Selon une étude CSA de 2019 menée pour le principal syndicat des ophtalmologistes (Snof), un nouveau patient doit attendre en moyenne 55 jours pour obtenir un rendez-vous par téléphone ou en ligne. Hors cas urgents, pour un contrôle périodique de la vue, ce délai monte à 68 jours par téléphone et 61 jours via internet. Des durées élevées, mais inférieures aux 80 jours constatés par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) en 2018, qui plaçait les ophtalmos derniers parmi les spécialités médicales.
Pour les patients qui ont juste besoin de changer leurs lunettes et qui ne sont pas là pour avoir un traitement antibiotique ou un suivi de pathologie chronique, ce sera un réel gain de temps.
Laurent Milstayn du SNAO
Dans la région Centre-Val de Loire, 52 orthoptistes travaillent en libéral selon l’URPS (Union régionale des professionnels de santé). La majorité des cabinets se trouvent en Touraine, comme l'indique une cartographie de l'ARS de juin 2018.
ZONAGE DES ORTHOPHONISTES DE LA RÉGION CENTRE VAL DE LOIRE
Certains orthoptistes déjà équipés
"Depuis le temps qu’on l’attendait, c’est une très bonne nouvelle !", se réjouit Amélie Bougrier, orthoptiste à Joué-lès-Tours depuis dix ans, avant de préciser : "Il ne faut pas le voir comme un examen "bas de gamme". Il y aura une prise de tension du patient, et si besoin, des clichés de la rétine." Dans son cabinet, Amélie Bougrier est déjà équipée du matériel nécessaire pour adapter la correction optique. "Jusqu’à maintenant, mes patients ne comprenaient pas pourquoi je ne pouvais pas renouveler leurs lunettes." Le dernier mot revenait à l’ophtalmologue.D’autres cabinets ne comptent pas mettre ce matériel en place. C’est le cas de Françoise Hardy-Berckmans, orthoptiste à Bourges et déléguée régionale du SNAO et présidente de l’URPS orthoptiste en Centre-Val de Loire. "C’est une bonne nouvelle et c’est important que l’on puisse avoir le même droit de renouvellement que les opticiens. Mais il ne faut pas oublier que le coeur de notre métier reste la rééducation." Pour cette praticienne en fin de carrière, la profession d’orthoptiste reste encore "trop méconnue du grand public mais également des médecins". Le décret publié ce 26 avril changera peut-être la donne...
Un renouvellement sous conditions
Le décret du 24 avril précise que l'orthoptiste peut adapter les corrections optiques des personnes munies de leur prescription médicale initiale (la copie peut être obtenue auprès de son opticien) datant :Pour les verres correcteurs :
- de moins d’un an pour les patients âgés de moins de 16 ans ;
- de moins de 5 ans pour les patients âgés de 16 à 42 ans ;
- de moins de 3 ans pour les patients âgés de plus de 42 ans.
- de moins d'un an pour les patients âgés de moins de 16 ans ;
- de moins de 3 ans pour les patients âgés de 16 ans et plus.