Alors que la campagne de vaccination contre le Covid-19 a débuté le 27 décembre, 6 Français sur 10 affirment ne pas vouloir se faire vacciner."Le bénéfice-risque n'est pas là" selon Marie Werbregue, militante anti-vaccin. "Le vaccin peut sauver des vies", riposte le médecin du CHRO Thierry Prazuck.
Le débat autour du vaccin contre le Covid-19 ne fait que commencer. La campagne de vaccination a débuté le 27 décembre dernier en France : jusqu'à présent, seuls les résidents en établissements collectifs, type Ehpad, et le personnel de ces structures étaient autorisés à recevoir le vaccin. Montré du doigt sur la lenteur du dispositif, le ministre de la Santé Olivier Véran a décidé le 31 décembre dernier de passer à la vitesse supérieure : dès ce lundi, les soignants de plus de 50 ans pourront eux aussi se faire vacciner.
La campagne de vaccination s'ouvrira progressivement au public "avant la début février", ajoute le ministre, et concerneront en premier lieu les aînés les plus âgés qui pourront recevoir le vaccin dans des centres de vaccination dédiés. Pour le gouvernement, ce remède est synonyme d'espoir. Dans ses voeux aux Français, Emmanuel Macron a jugé qu'"il n’était plus temps d’attendre". Mais la France est-elle prête à se faire vacciner ? Un sondage réalisé par Ipsos Global Advisor révèle que seuls 4 Français sur 10 sont prêts à franchir le pas, plaçant le pays parmi les plus sceptiques d'Europe face à la vaccination.
Pour Marie Werbregue, présidente de l'association Info Vaccins France et résidente de l'Indre, ce constat est loin d'être étonnant. Pour la militante anti-vaccin, le dispositif mis en place par l'exécutif "n'inspire pas confiance".
Le "monsieur vaccin" du gouvernement, Alain Fischer, essaie d'être transparent sur le sujet. Mais forcément, quand on est transparent, on est obligé de révéler les failles du dispositif : on n'est donc pas sûr de l’efficacité du vaccin, ni que celui-ci empêchera la transmission du virus. Il y a eu également de nombreux scandales financiers et sanitaires autour de ça. Je crois par ailleurs que les gens gardent en tête les dérives des campagnes contre le virus H1N1 et l'hépatite B.
Thierry Prazuck est le chef du service des maladies infectieuses au CHR Orléans. Pour lui, le message envoyé par le gouvernement est maladroit et peut en partie expliquer les suspicions des Français.
On a dit à la population que c’était un vaccin nouveau, avec des techniques nouvelles, qui a été préparé à la hâte. L'exécutif a été très prudent, peut-être trop. Des gens se disent sans doute : 'le gouvernement et les experts ne se mouillent pas trop car ils veulent se dédouaner en cas de problème.
"C'est pour ça que nous, soignants, devons montrer l'exemple : il faut se faire vacciner pour montrer qu’on n’est pas dans le 'faites ce que je dis et pas ce que je fais'", assure-t-il. Le médecin se fera d'ailleurs vacciner devant son personnel dès mardi.
La peur des effets secondaires
La méfiance autour du vaccin contre le Covid-19 n'est pas simplement dûe à un problème de confiance envers le gouvernement : la méconnaissance des éventuels effets secondaires est également un facteur important. À ce sujet, Thierry Prazuck rappelle que le traitement contre le virus fait l'objet d'un suivi très poussé. "Bien sûr, nous n'avons pas assez de recul pour l'instant pour affirmer de façon formelle qu’il n’y aura pas d’effets secondaires", reconnaît-il. "Mais la pharmacovigilance permet de les détecter progressivement à court, à moyen et à long termes", explique-t-il.
Pour la militante Marie Werbregue, ce n'est pas suffisant. La Berrichonne a créé son association il y a cinq ans et demi, après que des traits autistiques se soient déclarés chez son enfant : elle reste persuadée que les vaccins, notamment celui contre la rubéole, la rougeole et les oreillons, n'y sont pas pour rien. Pourtant des études scientifiques effectuées dans le monde entier par l'Organisation mondiale de la Santé ont formellement démenti cette hypothèse.
"En ce qui concerne le vaccin contre le Covid-19, ce ne sera pas différent selon moi", explique-t-elle. "Il y aura d'une part des problèmes d'efficacité mais aussi de sécurité : je crains que cela provoque des problèmes neurologiques, génétiques, des allergies ou encore et des maladies auto-immunes."
La question de l'ARN messager
Marie Werbregue n'a pas confiance non plus en la technologie de l'ARN messager : elle a peur que celui-ci "vienne altérer le génome" et modifie ainsi l'ADN. Une théorie que réfute totalement Thierry Prazuck, pour qui "l'ARN est une technologie d'avenir".
L’ARN c’est quoi ? C’est un code-barre qui va être injecté dans une cellule mais qui ne va jamais s'infiltrer dans son noyau. Une imprimante 3D, appelée ribosome, va ensuite lire le code-barre et créer une brique, qui est un morceau du virus. Cette brique, qui va ensuite sortir de la cellule, va être reconnue comme “étrangère” par le corps qui va ainsi créer des anticorps pour la combattre. Ces anticorps seront prêts par la suite à empêcher la pénétration du vrai virus. De fait, il est faux de dire que l’ARN va s’intégrer dans le génome humain.
Concernant l'ARN messager, une autre rumeur circule. Selon l'AFP, une vidéo en anglais vue des milliers de fois laisse entendre que le vaccin de Pfizer contiendrait des nanoparticules, capables de véhiculer des "petits ordinateurs" dans le corps. Ces "ordinateurs" permettraient notamment de tracer les individus. Interrogé, un infectiologue canadien a affirmé qu'"il n'existe pas à ce jour de technologie" en mesure de placer des ordinateurs dans des nanoparticules.
Vaccin et complotisme
Depuis le début de la pandémie, les prises de parole se multiplient sur les réseaux sociaux et les médias pour remettre en cause la gestion mondiale du virus, les intentions des gouvernements ou tout simplement l'existence de la maladie. Difficile parfois de démêler le vrai du faux, et c'est aussi le cas en ce qui concerne la vaccination. Très présents sur la toile, les anti-vaccins sont souvent rangés dans la case des complotistes.
"Ça ne me dérange pas plus que ça, c’est un terme utilisé pour décrédibiliser ceux qui ne suivent pas le discours dominant", pense Marie Werbregue. "Au fond, peu importe si les gens me croient ou pas, je transmets juste le message. Je considère que les Français sont assez intelligents pour être libres de choisir."
La présidente de l'association Info Vaccins France avoue par ailleurs qu'elle n'a jamais vraiment cru à la dangerosité du virus : elle est convaincue que "la crise sanitaire est en réalité une crise politico-médiatique, destinée à faire peur aux gens." "Si on avait une grave crise sanitaire, on n’enfermerait pas les gens chez eux, on aurait développé des hôpitaux et des médicaments pour sauver des vies", poursuit-elle.
Marie Werbregue croit en certains remèdes prônés par des médecins controversés : l'hydroxychloroquine, le zinc ou encore les vitamines. Thierry Prazuck la contredit.
On nous a dit que l'hydroxycloroquine pouvait marcher : forcément, nous avons essayé. Mais les essais cliniques n'ont pas montré son efficacité. Et puis franchement, regardons les choses en face. Pourquoi des médecins diraient : "l'hydroxychloroquine ça marche, mais il ne faut pas le dire pour favoriser l’industrie pharmaceutique" ? C’est ridicule ! On prend le corps médical pour des charlatans, des gens qui ne sont pas là pour soigner et qui ont des intérêts obscurs. Mais je vous l'assure : si la chloroquine, l’aspirine ou la vitamine C marchaient contre le Covid-19, ça ne nous poserait aucun problème !
Le médecin se permet même de tacler les personnalités scientifiques très médiatisées, à l'image de Didier Raoult ou de Christian Perronne, qui selon lui "desservent la médecine". "Ce sont toujours les mêmes qui sèment le doute. Vous croyez que ces gens-là n’ont pas d’intérêts ? Ils sont intéressés principalement par l’argent et leur fonds de commerce est la théorie du complot", regrette-t-il.
Le Covid-19 est-il réellement dangereux ?
Le Covid-19 n'a jamais fait peur à Marie Werbregue. "Les statistiques me donnent raison parce que 99 % des gens touchés par le virus en guérissent. Beaucoup attrapent le virus de manière asymptomatique", appuie-t-elle. "Elle a raison", souligne Thierry Prazuck. "Au moins 97 % des gens guérissent du Covid-19. Est-ce pour autant une maladie identique aux autres ? Non."
Le médecin met le doigt sur le phénomène de contagiosité et sur le fait que la population n'a encore jamais été confrontée au virus : elle n'est donc pas immunisée. "Le problème n’est pas les patients qui toussent un peu, qui ont un peu de fièvre et qui restent à la maison", avance-t-il "Mais à partir du moment où on a beaucoup de cas simultanément, un très faible pourcentage de gens va devoir aller à l’hôpital en réanimation. Or, ce très faible nombre dépasse les capacités de prise en charge de l’hôpital. Si on laisse l’épidémie se répandre partout, il est évident qu’on va devoir faire des choix parmi nos patients : si Madame Werbregue par exemple a besoin d’aller en réanimation, il faudra à ce moment-là qu’elle assume le fait qu’on peut la laisser mourir."
Depuis le début de l'épidémie, près de 65 000 personnes ont perdu la vie en France à cause du coronavirus. Le 2 janvier, on comptait 7 380 nouvelles hospitalisations en 24 heures dans l'Hexagone, dont 1 142 en réanimation, selon Santé Publique France.
Oui, des gens meurent à cause de virus et c'est le cas chaque année. Sauf que là, tout est étiqueté Covid, on ne nous parle même plus de la grippe !
"C'est normal", répond le spécialiste orléanais. "Depuis ces dernières années, les épidémies de grippe commencent rarement avant le retour des vacances de Noël. D’autre part, le masque joue un rôle : il y a une circulation plus faible du virus de la grippe. C'est d'ailleurs ce qu'on a pu constater lors de l’hiver austral."
Deux mondes s'opposent
La militante anti-vaccin ne voit aucun intérêt à adhérer au vaccin contre le Covid-19. "On ne va pas se faire vacciner contre une maladie aussi peu dangereuse : si des gens survivent sans problème, pourquoi prendre ce risque alors qu’on ne connaît ni les effets secondaires, ni l’efficacité ? Les personnes qui meurent sont des personnes de plus de 85 ans."
L’association Réaction 19, engagée "contre les atteintes portées aux personnes physiques et morales à la suite des mesures Covid-19", est également de cet avis. Le 16 décembre dernier, elle a déposé plainte contre les vaccins Pfizer et Moderna pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui, tromperie aggravée, abus de faiblesse et extorsion aggravée.
Le chef du service des maladies infectieuses du CHR Orléans pense quant à lui que la vaccination est le seul moyen de sortir de la crise. "Le fait que des gens aient des doutes, c'est respectable et c’est normal. Le corps médical est là pour les convaincre. Il faut que cette épidémie cesse et il est temps de penser collectif : ce vaccin peut sauver des vies."