Loches (37) défend ses Caravage

Alors Caravage ou pas Caravage ? Les deux tableaux de l'église Saint-Antoine de Loches (Indre-et-Loire) sont-ils du célèbre peintre italien ? C'est ce qu'affirme la municipalité depuis 7 ans, malgré les doutes de plusieurs experts réunis ces jours -ci en Touraine. Un véritable feuilleton...

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Photos à l'appui, durant deux jours de colloque à Loches, les experts ont exposés leurs études devant une cinquantaine de passionnés. Les deux tableaux abrités dans la galerie Antonine, spécialement aménagée dans l'un des ailes de l'église Saint-Antoine, ont été au centre des débats. Ont-ils été peint par le célèbre Le Caravage (1571-1610) ?
"La cène à Emmaüs" ressemble beaucoup au tableau exposé à la National Gallery de Londres. Seule la tête du Christ est différente. Le second tableau, "L'incrédulité de Saint-Thomas"  montre Saint-Thomas mettant son doigt dans la plaie du Christ. C'est une réplique, avec quelques légères différences, par rapport au tableau exposé au musée de Potsdam en Allemagne.

Les spécialistes penchent pour des oeuvres réalisés par des disciples du maître

Pour le Britannique Clovis Whitfield, historien de l'art, spécialiste du Caravage, "ces tableaux ne sont pas des Caravage. Ils auraient été peints par Prospero Orsi, compagnon de route du maître". Un avis partagé par Maria Cristina Terzaghi, professeure à l'université de Rome III, spécialiste du Caravage. "Ce sont des copies qui datent de 1606, mais je ne sais pas à qui les attribuer", a-t-elle dit en italien.

Mais le maire de Loches, Jean-Jacques Descamps ne l'entend pas de cette oreille. "Qu'on me prouve une fois pour toute que ce ne sont pas des Caravage !", tempête-t-il.  "Le Caravage faisait souvent des répliques en changeant certains personnages du tableau", ajoute l'élu pour qui la présence de ces tableaux représente une aubaine: plus de 25.000 personnes viennent les admirer chaque année.

Un document attestait pourtant de l'achat de Caravage​

Selon un document conservé aux Archives nationales, Philippe de Béthune avait acheté quatre Caravage dont une "Cène à Emmaüs" et une "Incrédulité de Saint-Thomas". Il indique que ce sont des originaux de l'artiste Michel Ange Merisi (dit Le Caravage) et le prix payé, qui est élevé pour l'époque: 250 livres et 130 livres. Déposés à Loches après la Révolution, les deux tableaux ont été oubliés sur les murs de l'église et depuis deux siècles y sont restés quasiment invisibles sous la crasse et le vernis.

Des faux classés monuments historiques ?​

Redécouverts en 1999, analysés par un laboratoire scientifique, ils ont été classés Monuments Historiques en septembre 2002. En janvier 2006, la municipalité décidait d'annoncer la découverte des deux toiles. Dans l'église, la galerie Antonine a été créée en 2010 à la demande du ministre de la Culture pour un coût de 300.000 euros, dont la moitié à la charge de la commune de 7.000 habitants. "La France a classé Monuments Historiques ces tableaux. Le ministère de la Culture exige qu'ils soient présentés au public derrière les mêmes vitrages blindés que ceux utilisés pour la Joconde au Louvre. Des caméras et des systèmes d'alarme veillent nuit et jour. Ce seraient donc les deux croûtes les plus protégées de France ?", demande le maire.

De son côté, un autre expert qui n'était pas présent au colloque, José Frèches, historien d'art, reste aussi convaincu qu'il s'agit de Caravage. "Mon point de vue n'a pas changé", réaffirme l'expert. Selon lui, le fait qu'un des "pontes" du milieu de l'art, Pierre Rosenberg, ancien président du Louvre, soit sceptique "sans pour autant les avoir vus", a "pesé sur ses collègues".
Faute de preuve d'une copie des élèves du maître, les tableaux restent pour longtemps encore, des Caravage, surtout à Loches...

Caravage ou pas Caravage : un véritable feuilleton de l'Histoire de l'Art ... Le mystère sera-t-il un jour levé ? Depuis leur découverte en 2000, les tableaux ont suscité la polémique. Copies ou authentiques ? La polémique est mondiale. 


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