Pendant le confinement, nous allons prendre des nouvelles des chefs, des restaurateurs, qui d'ordinaire passent leurs journées aux fourneaux. Comment s'adaptent-ils à la situation ? Que font-ils ? Aujourd'hui, direction Saint-Marcellin en Isère avec le témoignage de Christine Serve.
Pendant le coup de feu, un coup de tonnerre ! Il est 19h45, samedi 14 mars, la cheffe Christine Serve enchaine les assiettes, son restaurant est complet. A 20h, c'est le coup de tonnerre. La nouvelle tombe : fermeture à minuit pour une durée d’un mois lui annonce son frère Jean-Yves, responsable de salle du restaurant La Tivollière, à Saint-Marcellin, en Isère. Le château du Mollard, datant du XIVeme, qui abrite l'établissement n'échappe pas aux mesures de distanciation sociale décidées par le gouvernement.
"Quelle douche froide, quel choc, cette annonce gouvernementale, nous n’étions pas préparés. Ce fut un service compliqué, il a fallu, en cuisine et en salle, continuer à travailler avec notre coeur", se confie Christine. Comme de nombreux restaurateurs de leur génération, ils ne ferment que 2 semaines par an. Le travail, l’entreprise familiale, la satisfaction des clients, jusqu’au 14 mars, étaient leur priorité. L’arrêt brutal, forcé par l'épidémie de Coronavirus, il a fallu "le digérer". Pour Jean-Yves : "sa vie s’est arrêtée" quelques instants, puis il a pensé aux 30 réservations de dimanche. Christine, elle, aux réfrigérateurs remplis de produits frais. Et que vont devenir les 4 salariés ? Rapidement la cheffe a cloisonné, géré ses émotions, "j’ai continué à envoyer, demain nous verrons !"
Ça fait très bizarre, le téléphone ne sonne plus pour des réservations.
Après le choc, la vie s’organise. Dimanche matin, l’équipe s’est retrouvée à La Tivollière pour un grand rangement et nettoyage. Les denrées ont été triées, celles qui ne se congelaient pas ont été partagées avec le personnel. Dimanche après-midi, rendez-vous avec la comptable pour regarder les comptes, les crédits et avoir une idée de combien de temps ils pourraient tenir. En 34 ans de métier, ils n’ont jamais connu une telle situation. "Ça fait très bizarre, le téléphone ne sonne plus pour des réservations". Silence.
Tous les jours, ils passent au restaurant, ouvrir les fenêtres, vérifier le fonctionnement des appareils électriques, regarder le jardin... Puis rentrent chez eux. Lui coupe et range du bois, fait un peu de musculation, essaye de manger à des heures "normales". Une occasion, cette crise, pour une remise en forme et partager plus de moments avec son adolescente. Christine a troqué la spatule pour le pinceau. Oui, elle repeint son salon.
De façon brutale, la prise de conscience de notre mortalité se révèle.
La sœur et le frère sont persuadés qu’il y aura un après Coronavirus. L’état d’esprit, les mentalités changeront. "De façon brutale, la prise de conscience de notre mortalité se révèle. Après quoi court-on ? Pourquoi ? Où est l’essentiel ? Réfléchissons, recentrons-nous", souligne Christine.
Les pianos de nos chefs se taisent mais une nouvelle mélodie naîtra. Un coup de tonnerre pour un coup de projecteur sur nos vies actuelles.