L’assemblée de Corse a entériné jeudi 16 avril le plan de bataille en faveur d’une société appelée à devenir 100 % bilingue. Ce document, représentant huit à dix millions d’euros, dépend, pour ses actions principales, d’une évolution de la position de l’Etat.
Sauver et développer l'usage de la langue Corse au quotidien... C'est l'objectif du Plan "Lingua 2020 " examiné jeudi 16 avril par l'Assemblée de Corse. Huit à 10 millions d'euros doivent être investis chaque année pour des formations et faciliter son apprentissage, une somme dont le président Corse social démocrate Antoine Orsini se demande si la collectivité territoriale pourra soutenir ce budget dans le temps.
Objectif à terme : le bilinguisme. Un an après le vote sur la coofficialité, l'examen de ce plan a aussi une dimension symbolique.
30 voix ont entériné ce projet intitulé " Lingua 2020 "porté par l’exécutif. Il consiste notamment à placer le corse sur le même plan que le français, au niveau de son statut et de son usage au quotidien.
De nombreuses actions ont été présentées et validées, basées sur un calendrier allant de cinq à quinze ans, avec dans le viseur l’objectif d’aboutir à une société totalement bilingue.
Trois votes contre ont été exprimés par la Gauche républicaine (Pascaline Castellani, Simone Donsimoni-Calendini et Marie-Paule Houdemer).
Sept abstentions ont été comptabilisées (six voix du côté du Front de Gauche, dont celle du président Dominique Bucchini, et celle de Valérie Franceschi, du groupe de droite " Rassembler pour la Corse ") .
La droite a voté en ordre dispersé. Marie-Antoine Santoni-Brunelli a choisi d’adopter la même voix que la majorité, voyant dans le plan " Lingua 2020 " une belle opportunité. Elle propose notamment la mise en place d’un site internet dédié, censé devenir "le " site de la langue corse, une proposition qui a fait l’unanimité. Cinq de ses collègues ont sinon préféré ne pas participer.
Le retour de ce rapport concernant le plan de bataille en faveur de la langue corse était très attendu, il était au cœur des dossiers abordés lors de la session de jeudi.
En 2011 et 2013, les voix en faveur de la coofficialité de la langue corse s’étaient exprimés mais étaient restées sans effet. Aujourd’hui, il s’agit de proposer des actions concrètes pour irriguer tous les domaines de la société et du quotidien, de l’usage du corse dans les familles, à l’école, en passant par les bureaux ou le fonctionnement des services publics et des loisirs.
La Gauche républicaine et la droite à l’exception de Marie-Antoinette Santoni-Brunelli craignent des mesures discriminatoires :
" A travers ce rapport, vous êtes en train d’imposer cette coofficialité qui est totalement illégale puisque vous savez que donner un statut de coofficialité à la langue corse nécessite une révision constitutionnelle ".
A la clé, une distorsion également en matière d’égalité d’accès à l’emploi. " Des fonctionnaires qui seraient mutés en corse, qui réussiraient le concours, devraient, pour être titularisés dans le cadre de la fonction publique, avoir un niveau de compréhension du corse bien avancé, ils devraient le parler couramment, le comprendre etc " …
Les communistes ont introduit un amendement qui vise à rendre plus accessible la certification que les enseignants auraient à passer. " Il est proposé de revenir à ce que toute personne postulant en Corse n’ait pas à atteindre un niveau très élevé " .
Coté nationaliste, la satisfaction domine, même si Femu a Corsica émet des réserves. Le parti réclame une démocratie linguistique, un office de la langue, mais ces propositions n’ont pour l’instant pas été retenues.
" Les moyens nous semblent insuffisants par rapport à ce plan qui va peut-être être sur pied à l’horizon 2020-2030, de l'autre côté, il y a la position de l’Etat qui est, pour l’instant très fermée. Par rapport à ça, aujourd’hui, nous votons aussi pour donner un signe fort à la Corse et un signe fort à l’Etat ".
Un reportage de Dominique Moret et Jacques Paul-Stefani :