6 juin 1944, ces Corses qui ont participé au Débarquement en Normandie

Quand on évoque la Seconde Guerre mondiale, les noms de Mariaccia, Giudicelli et Poli ne vous disent probablement rien ! Pourtant, ces trois Corses ont fait partie du Commando Kieffer, seule unité française à avoir participé au Débarquement en juin 1944. Retour sur cette histoire oubliée dans "Mémoire courte".

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Des dizaines de milliers de soldats Alliés débarquent le 6 juin 1944 au matin sur les côtes normandes. Parmi les troupes engagées se trouve le commando Kieffer, seule force Française présente lors du D-Day. Cette unité est composée de 177 soldats, dont trois Corses de Carbuccia, Ventiseri et de l’extrême sud. Ils s’appellent Mariaccia, Giudicelli et Poli. Leurs noms ne vous disent rien ? Ne soyez pas surpris, eux-mêmes étaient peu diserts sur leurs faits d’armes et tout le monde ou presque les a oubliés, y compris parmi leurs proches. Dans un nouvel épisode, le magazine "Mémoire courte" revient sur l'histoire oubliée de ces 3 héros insulaires. 

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Luc et ses invités reviennent sur la présence de trois Corses dans les rangs du Commando Kieffer et s’interrogent sur les ressorts qui ont fait tomber cet événement dans les oubliettes de la mémoire collective et même dans les abîmes de la mémoire familiale. ©France 3 Corse ViaStella / Sogni productions

Le commando Kieffer a-t-il disparu du récit national ?
Trois questions à l'historien Sébastien Ottavi

Sébastien Ottavi, Professeur agrégé d'histoire, fait partie des spécialistes invités à comprendre les ressorts de cette amnésie collective. Il nous éclaire sur le rôle du commando Kieffer durant la Seconde Guerre mondiale et sur la trace qu'il a laissée dans l'histoire.  

Pourquoi avons-nous longtemps oublié les héros du commando Kieffer ?  

Peut-on vraiment parler d’oubli les concernant ? En effet, Philippe Kieffer, le chef du commando publie "Béret vert" en 1948, aux éditions France empire. Ce livre est réédité 5 fois entre 1951 et 1974. Il a même été conseiller technique du film "Le jour le plus long", une superproduction hollywoodienne internationale sortie en 1962 et rediffusée un nombre incalculable de fois depuis. C’est d’ailleurs ce film qui immortalise la séance du casino de Ouistreham, premier fait d’armes, qui, soit dit en passant escamote tous les autres…

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Extrait d'une interview du Commandant Philippe Kieffer réalisée sur le tournage du film "Le jour le plus long" en 1962 ©France 3 Corse ViaStella / INA

Gwenaël Bolloré, autre auteur et figure connue, a valorisé le commando Kieffer. Oncle de l’actuel homme d’affaires, il a publié à partir de 1964 trois livres sur cette unité. Figure ancrée très à droite, peu favorable à la politique algérienne du Général de Gaulle, il sera présent lors des commémorations des années 1960. Il a été interviewé par exemple pour la série "Les grandes batailles" de Costelle et de Turenne en 1969. 

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Interview de Gwenn-äel Bolloré sur son ouvrage "Nous étions 177", consacré au commando Kieffer. ©France 3 Corse ViaStella / INA

 Mais le Général de Gaulle ne voulait pas en entendre parler eux !

Il y a certes la réserve de de Gaulle - qui boude tout ce qui a trait au débarquement de Normandie lui préférant le débarquement en Provence où les Forces françaises libres sont en nombre – mais je le répète, le commando Kieffer n’est pas inconnu… Il l’est en tout cas moins que, par exemple :

  • de nombreux résistants morts dans l’ombre, sans mémoire quand des réseaux entiers sont balayés et qu’il ne reste personne pour se souvenir d’eux, ce que montrent des recherches récentes sur la résistance. 
  • les centaines de SAS français largués la veille du débarquement pour encadrer les maquis bretons… Eux aussi commandos, des pertes très lourdes ! 
  • plus largement, d’autres théâtres d’opérations, le CEF (corps expéditionnaire français en Italie) auquel ont été versés les 12.000 Corses mobilisés. Sa grande victoire après des mois terribles de campagne, la prise de Rome, est justement effacée par le Débarquement, car elle se produit le 6 juin. 

Le commando Kieffer aurait donc gagné quelques batailles mémorielles et perdu quelques autres ?

Les après-guerres, et c’était déjà le cas avec la Première Guerre mondiale, sont des moments d’affirmation de l’identité combattante grâce aux amicales régimentaires, aux livres d’or de communes, aux cartes d’Ancien-combattant... Il peut alors se produire des tensions, des concurrences mémorielles et des frustrations réelles. En 1950, 7,5 millions de personnes ont des droits ouverts auprès du ministère des Anciens-combattants et des victimes de guerre. Aujourd’hui, le chiffre est tombé à 2 millions. Est-ce alors ceux qui survivent qui gagnent ?

Si les hommes du commando Kieffer sont des héros aujourd’hui, c’est aussi pour répondre à un besoin administratif !

Sébastien Ottavi

Professeur agrégé d'histoire

Je suis plutôt de l’avis de l’historienne Sarah Gensburger pour qui des administrations se sont alors trouvées dans le désœuvrement et ont dû créer "artificiellement" une raison d’être en "feignant de répondre à une demande sociale". De là naît le Haut conseil de la mémoire à la fin des années 1990, de là, le secrétariat d’Etat chargé des anciens combattant devient le secrétariat d’Etat chargé des anciens combattants ET de la mémoire, en 2014. La mémoire est devenue "un terme du langage étatique". Un constat qui permet de relativiser la "concurrence des mémoires". Si les hommes du commando Kieffer sont des héros aujourd’hui, c’est aussi pour répondre à un besoin administratif !

📺💻📱 "Mémoire courte : 1944, les Corses du jour J", une émission à voir lundi 10 juin à 20h45 sur ViaStella et en replay sur France.tv

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Les invités de l'émission : 
Frédéric Armani, Marie-Josée Mariaccia, Sylvain Gregori, docteur en histoire contemporaine, Noël Kruslin, rédacteur en chef adjoint "Corse-Matin", Richard Rechtman, anthropologue et psychiatre, Sébastien Ottavi, professeur agrégé d'histoire et Benjamin Massieu, historien du Commando Kieffer. 

 

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