Un combat long de 10 ans vient de prendre fin le 22 juin dernier. À cette date, l’âne corse a été officiellement reconnu comme race. Le résultat d’un travail acharné mené par plusieurs associations.
« Je suis né avec les ânes et je mourrai avec les ânes », lance Eugène Tramini, 70 ans, président de l’association de l’âne et du mulet corse. Du plus loin qu'il s'en souvienne, il a toujours été entouré par l’animal. « J’ai retrouvé une vieille photo, je devais avoir 8 ou 9 ans, j’étais en train de charger du bois sur un âne avec mon père », raconte-t-il.
Actuellement à la tête d’un élevage d’une trentaine de bêtes, il connaît parfaitement leur comportement. « Un âne doit vivre en liberté, heureux et proche de l’homme pour apprendre. Au début, il met du temps à comprendre, mais c’est une bête intelligente et lorsqu’il a intégré une information, c’est pour la vie », explique-t-il.
Un périple à travers la Corse
Alors, le 22 juin dernier, lorsqu’il apprend que l’âne corse est officiellement reconnu comme race, la 8e en France, c’est le soulagement. « Avec l’association, nous avons passé 10 ans à nous battre pour cela, je ne peux qu’être content. Et puis j’ai sillonné tous les villages de Corse pendant plusieurs années afin de répertorier tous les ânes et pouvoir mettre en place un standard », note-t-il.Sur les 1.000 spécimens présents en Corse, 120 ânesses et 6 étalons ont été retenus. Ils ont permis d’établir les critères de la race. Ainsi peut être appelés « âne corse » les animaux étant nés sur l’île et portant un prénom corse, de taille moyenne, à la robe entre le gris tourterelle et le gris foncé, aux pattes zébrées et présentant une croix de Saint-André sur le dos.
Une filière à développer et des vocations à créer
Olivier Fondacci, éleveur et vice-président de l’association nationale de l’âne et du mulet corse, voit en cette reconnaissance l’opportunité d’un développement économique. D’une part, les animaux pourront être vendus plus cher, d’autre part une filière pourrait se créer. « Je suis producteur de lait d’ânesse, ce qui me permet de proposer de nombreux dérivés notamment dans les cosmétiques », indique-t-il.
L’éleveur qui espère par cette reconnaissance faire naître des vocations se projette déjà plus loin. « Nous pourrions proposer un lait d’ânesse frais et bio, et peut-être même créer une appellation. Nous serions les seuls sur le marché », lance-t-il.« On lui devait bien ça »
En 2019, trois ânes insulaires ont été présentés pour la première fois au Salon de l’Agriculture. « 90 % des visiteurs se dirigeaient vers notre stand, on était assailli de questions. Il y avait un vrai engouement, on ne s’y attendait pas, la scène était réelle, mais on n’y croyait pas », témoigne Dominique Sbraggia, président du conseil du cheval corse, également impliqué dans la reconnaissance de l’âne.En plus de l’intérêt économique de cette officialisation, Dominique Sbraggia lui accorde aussi une valeur patrimoniale. « Au vu des services qu’il nous a rendus, on lui devait bien ça. À l’époque, toutes les familles avaient un âne, et elles l’utilisaient aussi bien pour le travail que pour le transport », souligne-t-il.
Si la reconnaissance est arrivée, il faut dorénavant veiller à la maintenir en répondant notamment à un quota de naissances annuelles ou en participant à des événements. Dans ce domaine, les différents acteurs sont déjà mobilisés. L’exploitation d’Olivier Fondacci enregistre cette année 25 naissances et un dossier a été déposé pour que l’âne corse soit présent au salon de l’agriculture en 2021.