Assemblée de Corse : Gilles Simeoni revient sur son entretien avec Gérald Darmanin

Jeudi 24 et vendredi 25 novembre se tient une session de l’Assemblée de Corse. Lors de son discours d'ouverture, Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, est revenu sur son entretien avec le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

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Les conseillers territoriaux sont rassemblés en session à l’Assemblée de Corse les jeudi 24 et vendredi 25 novembre.

Lors de la première matinée, les échanges ont été marqués par deux questions orales sur les moyens de luttes contre les violences faites aux femmes en Corse et sur la gestion des déchets et le projet de centre de stockage de Ghjuncaghju.

Les moments forts de la journée du 24 novembre

18h00 : Les discussions autour du rapport d'orientation sur une politique linguistique, présenté par le conseil exécutif, sont terminées. Un article complet à retrouver ici

15h10 : Reprise de la session avec l'étude de quatre rapports, dont un rapport d'orientation sur la politique linguistique, sur la langue corse. 

12h15 : Chaque président de groupe a cinq minutes pour réagir aux dires de Gilles Simeoni concernant son entretien avec Gérald Darmanin. 

  • Jean-Martin Mondoloni, co-président du groupe de droite "Un soffiu novu"

Nous ne serons jamais dans la quête obsessionnelle du consensus. En revanche, là où je vous rejoins, c’est lorsque nous montons à Paris, il faut que nous ayons des lignes partagées. Sur les prisonniers politiques, ce qu’on a dit et ce qu’on répète, c’est qu’on ne pourra pas s’exonérer de poser cette question. Parce qu’humainement, c’est une question à laquelle on ne peut pas rester insensible, et que de ne pas en parler, c’est de faire comme si elle n’existait pas et comme si on n’avait pas un sujet qui allait polluer le processus, grand un.

Grand deux, et c’est peut-être ce qui nous distingue dans l’hémicycle, c’est que certains en font un préalable pour discuter. Nous, on considère qu’il faut réactiver les discussions avec Beauvau le plus tôt possible. Car si problème il y a, c’est à ce niveau-là qu’il doit être réglé. Ce n’est pas entre nous que l’on va régler ce problème, c’est en discutant avec Paris. Il y a d’autres problématiques qui sont moins prioritaires au regard de certains, mais qui pour moi le sont aussi. Elles sont techniques et que beaucoup de nos concitoyens considèrent comme prioritaires comme l’eau, l’assainissement, les déchets…

Pour conclure, je n’ai qu’un repère dans l’Histoire contemporaine de processus dit historique. C’est le « Reconciliation Act » en Afrique du Sud. En 1995, quand ils ont voté, Nelson Mandela était libéré tout de suite. Mais des membres de l’ANC ont croupi longtemps en prison. Ils n’ont pas été libérés tout de suite. Et pourtant, le processus a avancé. Et ce n’est qu’à terme que tout le monde y a trouvé son compte. On devrait s’inspirer, très modestement, de ce qui s’est passé ailleurs. On demande de créer les conditions d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés ensemble en reprenant le plus vite possible les échanges avec le ministère. 

  •  Romain Colonna, membre du groupe Fà populu inseme

Vous nous savez depuis le début extrêmement préoccupés par la situation sociale, culturelle, celle des prisonniers politiques et plus globalement par la situation politique en Corse. Nous n’avons, depuis le départ de cette histoire, depuis les 50 ans de lutte qui précèdent ce débat, qu’une seule boussole celle de la démocratie et du mandat conféré par les urnes et par le peuple corse.

Ce mandat nous obligeait et nous oblige encore, au nom de la défense des intérêts moraux et matériels du peuple corse, à régler ce conflit. […] Nous l’avons déjà dit, le temps est venu de la discussion et il était aussi de notre devoir, responsabilité, de nous faire l’écho d’un certain nombre de maux qui traversent la société.

Il me semble, Monsieur le président du conseil exécutif, qu’avec votre prise de contact renouvelé vous avez su défendre la voix de cette assemblée, de la collectivité de Corse. Nous avions dit que nous attendions des gestes de la part de l’État, il me semble que de notre côté, nous avons su trouver le bon niveau démocratique pour faire un certain nombre de gestes. Ces gestes doivent se concrétiser. Mais il ne s’agit pas pour nous d’abandonner l’avenir de la Corse, mais de créer toutes les conditions pour que l’on puisse sortir par le haut de cette situation. 

  • Paul-Felix Benedetti, président du groupe Core in Fronte

Je suis dans la recherche du consensus. Je pense ici faire partie de ceux qui viennent du plus loin lorsqu’on essaye de remettre la balle au centre et de faire un match amical. Je considère qu’aujourd’hui mon groupe est dans une situation toujours bloquée par rapport aux discussions parisiennes. Je suis dans l’attente d’éclaircissements.

Ça a été sous-entendu dans ce que nous dit le président du conseil exécutif. Moi, j’attends des actes, j’attends entre autres du ministère de l’Intérieur une note officielle qui annule la note du renseignement intérieur fallacieuse qui explique que le trouble à l’ordre public, c’est la libération. La libération, c’est la fête, c’est la joie, ce n’est pas le trouble à l’ordre public. J’attends qu’il reçoive les familles et les avocats pour leur donner une position humaine tout en sachant qu’il y a une séparation très forte entre le politique et l’exécutif judiciaire. On n’attend pas d’interférences, mais on n'attend pas des ingérences défavorables comme il y en a eu avec cette note circonstanciée.

Je sais qu’il y a des rumeurs de visite du ministre prochainement en Corse. Cette visite est bienvenue, si elle est accompagnée d’un message. Il doit être factuel et ne peut pas être que dans l’holographie politique. Je considère qu’aujourd’hui il y a des présomptions de bonnes intentions, il faut les concrétiser. Il nous appartient collectivement d’avoir une action dynamique et positive pour que le cycle vers lequel nous sommes en train de glisser soit politiquement gérable. J’en appelle à la raison de tous.

Il nous appartient de solutionner un problème qui est enraciné en Corse depuis 50 ans et il serait dommage de chercher des prétextes alors que notre cœur est dans la vérité. J’espère qu’il y aura des messages clairs.

  • Jean-Christophe Angelini, président du groupe Avanzemu

Ça m’inspire sur la forme, il faut qu’on arrête une méthode. Que notre Assemblée ne voit pas s’inviter de manière désordonnée et impromptue ce sujet-là alors même que l’on sait qu’il va nous occuper pendant encore des mois, voire peut-être davantage. J’ai à ce stade une volonté de débattre dans le cadre que vous nous proposerez.

Si entre la fin des questions orales et le début de nos travaux s’intercalent systématiquement une séquence plus ou moins longue, je pense qu’on va perdre en efficacité alors même que l’on est très regardé sur un certain nombre de sujets.

Deuxièmement, j’ai fait partie des maires qui ont été reçus pour échanger en marge du salon, place Beauvau. Je veux y voir la volonté de la part de l’État de garder intact l’espoir d’un processus politique qui puisse se déployer et donner lieu le moment venu à des résultats. Mais ça ne garantit pas la pleine diversité de l’expression de nos convictions. Il faut que l’on installe une unité de lieu et de temps.
Sur le fond, les nationalistes se sont exprimés lorsqu’il a été question de distinguer l’indépendance du pouvoir judiciaire et de s’en prévaloir pour ne pas introduire le sort de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi et de l’ensemble des prisonniers politiques dans les discussions en cours. On sait tous à quel point ce propos trouve très vite ses limites dans la réalité corse.

L’idée n’est pas de refaire le droit, mais de dire qu’il y aura une décision le 15 décembre. Je ne sais pas si c’est habile, adroit, si ce propos ne sera pas pris comme une forme de pression, mais ce groupe demande que ce jour-là, dans le respect des pouvoirs, de leur indépendance réelle ou supposée, soit prise une décision de paix. Cette décision-là est très attendue par la Corse […]. 

11h50 : lors de son discours d’ouverture, Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, est revenu sur ses échanges avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin intervenus quelques jours plus tôt. Ainsi, Gilles Simeoni a réitéré la volonté des élus insulaire “de poursuivre le processus et de le réussir.

Le président de l’exécutif a ainsi soulevé plusieurs difficultés au ministre, à commencer par la situation des prisonniers dits politiques et notamment celle de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. J’ai rappelé au ministre les termes de la résolution votée à l’unanimité en octobre. “Nous considérons que ce sont les maintiens en détention de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi qui peuvent être générateurs d’un trouble à l’ordre public et non leur accession à un régime de semi-liberté”. Dans le même temps, il a demandé au gouvernement s’il partage cette analyse sans porter atteinte à la Justice.

Gilles Simeoni a également demandé au ministre de l’Intérieur que le gouvernement se positionne en faveur de décisions pour la Corse “sur lesquelles il y a un consensus extrêmement large” comme : les délégations de service public maritime et aérienne, la lutte contre la spéculation, le PTIC et l’énergie. Pour finir, il a réclamé à l’État d’afficher ses intentions quant aux dérives mafieuses en action dans l’île et de se positionner sur les mesures adoptées par la résolution votée la semaine dernière.  

10 h 35 : Le conseiller territorial, Xavier Luciani du groupe Avanzemu, interpelle le conseil exécutif de Corse sur la gestion des déchets et plus particulièrement sur le projet de centre de stockage de Ghjuncaghju. "Vendredi dernier, pendant que notre assemblée tenait sa session sur la question des dérives mafieuses, le Tribunal Administratif de Bastia annulait partiellement l’arrêté pris le 29 septembre 2020 par le préfet de Haute-Corse. Cet arrêté fixait les prescriptions techniques, visant essentiellement à annihiler la pollution des eaux, imposées à Oriente Environnement pour l’exploitation du centre de stockage", décrit-il 

Il alerte : "désormais, sauf appel de l’Etat, tous les feux sont au vert pour la mise en route de ce centre qui devrait stocker ou enfouir annuellement environ 80.000 tonnes, soit pratiquement la moitié de la production insulaire. [...] La gestion privée a de beaux jours devant elle. Nous souhaitions pourtant, collectivement, une maîtrise publique particulièrement forte dans ce domaine, vœu de plus en plus éloigné de la réalité d’un modèle qui nous est imposé. "

Xavier Luciani demande : "Quelle est votre position par rapport à ces projets ? Soutenez-vous les collectifs ou allez-vous laisser l’Etat et les tribunaux, imposer leur choix au peuple corse ?"

Pour le conseiller exécutif, président de l'office de l'environnement de la Corse, Guy Armanet, "la décision du tribunal administratif de Bastia n'influence et ne remet nullement en cause nos prises de position fermes et définitives à ce sujet."

Dans le même temps, le conseiller exécutif rappelle que le plan de gestion des déchets comporte "de mettre à la possibilité d'étude un à quatre terrains supplémentaires qui a été validé à l'Assemblée et par toutes les instances qui ont eu le dossier entre leurs mains. Il y a une variable d'ajustement non neutre puisque le plan précédent n'en faisait pas état. Ghjuncaghju était incontournable. Ces centres de stockage devront couvrir le besoin opérationnel de 175.000 tonnes et la territorialisation souhaitée par l'exécutif nous amène à avoir deux sites supplémentaires à l'étude, de petits centres. Des terrains sont actuellement à  l'étude par le Syvadec, un en Balagne et un dans le grand sud. C'est la réalité, c'est du concret."

10 h 20 : À la veille de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, Joseph Savelli, du groupe Femu a Corsica, demande un point d’étape sur les actions menées de l’Observatoire territorial des violences faites aux femmes ainsi que sur les actions et initiatives à venir pour faire face à ce fléau qui n’épargne malheureusement pas la Corse.

« Son action devait permettre d’améliorer la connaissance quantitative et qualitative du phénomène sur le territoire, de renforcer le partenariat entre les différents acteurs et ainsi de mettre en place des dispositifs innovants permettant une meilleure prise en charge des femmes victimes et de leurs enfants si nécessaire », précise le conseiller territoriale.

En réponse, la conseillère exécutive en charge du social et de la santé, Bianca Fazzi, précise que la collectivité de Corse finance trois structures : les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (Cidff) de Corse-du-Sud et de Haute-Corse et l’association Corsavem.

« Elle soutient aussi la mise en place d’un service spécialisé d’aide aux victimes de violences sexistes […], la gestion du numéro vert SOS violence […], la présence d’un référent local violence à destination des femmes victimes de violences au sein du couple », détaille la conseillère exécutive.

Quant aux premiers pas de l’observatoire, les premières données regroupées ne sont encore que « parcellaires » et « ne sauraient représenter la réalité des violences en Corse. » « L’observatoire a pour projet de faire réaliser une étude approfondie afin de mesurer les violences dans l’ensemble des cadres de vie : famille, études, travail, couple. »

La session de l'Assemblée de Corse se poursuit demain, vendredi 25 novembre.

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