L'appartement parisien de Jacques Santoni, chef présumé du gang criminel dit du "Petit Bar", aurait fait l'objet de sonorisations policières sauvages en dehors de tout cadre légal, selon les conseils des personnes suspectées.
S'agit-il d'un nouveau rebondissement dans l'enquête ouverte contre la bande criminelle ajaccienne dite du "Petit Bar" ?
Une quinzaine d'avocats des personnes suspectées dans ce dossier devraient être auditionné lundi 7 juin devant la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour présenter ce qu'ils dénoncent être un "détournement de procédure", rapporte Le Monde. Parmi les griefs formulés dans les mémoires aux fins d’annulation d’actes de procédure, figure notamment l'accusation d'utilisation illégale de dispositifs d'écoute, dans le cadre du volet financier de ce dossier.
Ainsi, selon Me Pascal Garbarini, l'appartement parisien de son client, Jacques Santoni, chef présumé du gang criminel, aurait fait l'objet de sonorisations sauvages en dehors de tout cadre légal. Des écoutes qui auraient exploitées sur plus de quatre ans, soit plus du double de la limite légale de ce type de mesure coercitives, deux ans, et dont les avocats demandent aujourd'hui l'annulation.
Ces captations en question se trouvent au centre de l'information judiciaire : une syntèse policière accompagnant l'ouverture de cette dernière précise ainsi que "le dossier trouve son origine dans l'exploitation des sonorisations d'appartements parisiens", alors que Jacques Santoni reçevait régulièrement des amis et connaissances, membres suspectés du Petit Bar, à son domicile.
Trois autorisations de sonorisations
L'appartement, située rue Vaugirard, dans les beaux quartiers parisiens, aurait ainsi été mis sous dispositifs d'écoute pour la première fois en juin 2016, dans le cadre d'une affaire de cache d'armes, par la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille. La fin de surveillance avait par la suite été ordonnée en juin 2017.
Un an et demi plus tard, le 18 novembre 2018, la juge d'instruction Anaïs Trubuilt, également attachée à la Jirs, demande à son tour la sonorisation de l'habitation. L'enquête porte cette fois sur la tentative d'assassinat contre Guy Orsoni, en septembre de la même année. Le dispositif d'écoute n'est néanmoins activé qu'à partir du 3 décembre 2018.
La juge d'instruction délivre finalement une troisième autorisation de sonorisation le 12 avril 2019, dans le cadre de l'enquête autour des financements occultes de la bande ajaccienne.
Des dispositifs jamais retirés
Problème, les dispositifs d'écoute installés en juin 2017 n'auraient en réalité jamais été retiré. En cause, détaillent les policiers dans une note du 3 décembre 2018 citée par Le Monde, le changement de la porte et de la serrure du domicile, qui aurait rendu "impossible" leur retrait. Une justification non-recevable pour les avocats, qui indiquent que le système est activable à distance.
Il existe donc un doute important "que le dispositif était en réalité activé et qu'il s'est agi de réguraliser la procédure lorsqu'il est apparu utile de pouvoir exploiter judiciairement certaines sonorisations", considère Me Emmanuel Marsigny, conseil de l'épouse de Jacques Santoni, qui demande en conséquence l'expertise de l'appareil de captation, pour en connaître son activité.
Bafouement de "l'égalité des armes" devant la loi
Selon Me Margaux Durand-Poincloux, conseil de François-Xavier Susini, une relation du Petit Bar, ce serait toute la régularité du volet blanchiment du dossier ouvert contre le milieu insulaire qui est en cause. Ainsi, dès janvier 2019, les policiers auraient recueilli un nombre conséquent d’éléments financiers, fiscaux et patrimoniaux grâce aux dispositifs d'écoute.
Or, ceux-ci n'auraient été autorisés que pour le seul volet criminel, ouvert en novembre 2018, quand la loi ne permet d'enquêter sur des nouveaux faits avant ouverture d’une information judiciaire ou délivrance d’un réquisitoire supplétif, que pour des "vérifications sommaires".
Des manquements supposés aux procédures regrettés par Me Jean-Sébastien de Casalta, avocat de la femme d'un membre pilier du gang supposé, qui estime que c'est "l'égalité des armes" devant la loi qui a été bafouée.