À l’approche de la réouverture progressive des écoles le 11 mai, de nombreux maires corses ont annoncé que les grilles de leurs établissements resteront fermées. On fait le point dans une carte.
Dans certaines communes de Corse, le début du déconfinement, le 11 mai, n’ira pas de pair avec la réouverture des écoles.
Depuis la publication des protocoles sanitaires imposés par le ministère de l'Éducation nationale, de nombreuses municipalités annoncent que les grilles de leurs établissements scolaires resteront closes. Ces documents, d’une cinquantaine de pages, exigent notamment un maximum de 10 à 15 élèves par classe, le respect de la distanciation sociale d’un mètre ou encore un lavage de mains en moyenne toutes les heures.
« Ouvrir l’école de la République à tout prix serait irresponsable »
Laurent Marcangeli, maire d’Ajaccio, est le dernier édile en date à avoir indiqué, mercredi 6 mai, son refus de réouverture. « Au terme d'une semaine de consultation de l'ensemble de la communauté éducative, j'ai pris la décision, difficile, lourde de sens, de ne pas organiser la rentrée des classes lundi prochain. Nous ne sommes pas en mesure de l'assurer dans de bonnes conditions : l'épidémie du Covid-19 n'est pas maîtrisée ; le protocole sanitaire imposé est compliqué à appliquer à toutes les écoles ; les professionnels concernés expriment des inquiétudes justifiées. Pour toutes ces raisons, je m'en réfère au principe de précaution. On ne peut s'en réjouir : fermer un service public, et a fortiori l’école de la République, n'est pas anodin. Mais l'ouvrir "à tout prix" serait irresponsable.», écrit-il sur Twitter.#Déconfinement
— Laurent Marcangeli (@LMarcangeli) May 6, 2020
Le #11mai ne sera pas le jour de la réouverture des écoles ajacciennes. Au terme d'une semaine de consultation de l'ensemble de la communauté éducative, j'ai pris la décision, difficile, lourde de sens, de ne pas organiser la rentrée des classes lundi prochain.
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Un choix partagé par d’autres maires insulaires. Tous invoquent les mêmes motifs.
[Mise à jour le 7 mai à 19h50] A son tour, le maire de Bastia annonce un report de l’ouverture des écoles. "Les écoles n’accueilleront pas d’enfants le 12 mai ; un accueil exceptionnel envisagé à partir du 18 mai", écrit Pierre Savelli dans un commmuniqué. Le 18 mai les écoles accueilleront donc environ 300 élèves "en situation de décrochage scolaire, de vulnérabilité sociale ou en cas de contraintes familiales." Ils représentent 10% de l'effectif scolaire bastiais.
Lire le communiqué du maire de Bastia
► Carte des écoles qui resteront fermées le 11 mai : [Cette carte est non-exaustive, elle se base sur la municipalités ayant communiqué]
« Nous ne laisserons pas les maires seuls »
Dès l’annonce de la réouverture progressive des écoles, fin avril, l’Elysée a indiqué qu’elle se ferait sur la base du volontariat des parents. Un choix défendu par le préfet de Corse, Franck Robine. « Dès lors que le volontariat est possible pour les parents, ils ont le choix de mettre leur enfant ou pas à l’école. Nous, nous leur garantissons un haut niveau de sécurité sanitaire. Nous n’ouvrirons que les classes qui permettront le respect des mesures barrières, nous le ferons avec les maires, dont c’est la responsabilité. Nous les appuierons et nous ne les laisserons pas seuls. C’est dans ces conditions que des classes et des écoles pourront ouvrir », a-t-il assuré lors d’un entretien accordé à France 3 Corse Via Stella.
Selon les chiffres de l’académie de Corse, les parents volontaires à un retour de leur enfant dans les structures du premier degré s’élèvent entre 10 et 15 % dans l’île.
Le calendrier
Pour les établissements du second degré, selon les annonces du gouvernement, la rentrée devrait avoir lieu à partir du 18 mai prochain dans les collèges des départements où la circulation du virus est très faible. Les élèves de 6e et de 5e regagneront leur classe en premiers.Du côté des lycées, c’est l’incertitude. La décision devrait être prise fin mai pour une possible reprise début juin. Les lycées professionnels devraient reprendre en premiers.
Entretien avec Laurent Marcangeli, maire d'Ajaccio (réalisé par Dominique Moret)
Pourquoi avoir pris cette décision, est-ce qu’il y a un risque à ouvrir le 11 mai à Ajaccio ?Le risque n’est pas totalement évacué d’un point de vue sanitaire même si l’épidémie a tendance à baisser sur la Corse et sur le pays ajaccien. Mais je considère que l’on n’a pas encore la certitude qu’il n’y aurait pas cette fameuse seconde vague. Le déconfinement est aussi une épreuve, pour nous, en termes d’organisation.
Je ne dispose pas actuellement des moyens que j’estime nécessaires pour pouvoir ouvrir dans de bonnes conditions, conformément au protocole sanitaire de l’Éducation nationale.
Que manque-t-il ?
Il manque des personnels, un dialogue social doit s’opérer. Et il y a toute une procédure dans ce protocole qui demande à ce qu’on se mette autour d’une table pour pouvoir le préparer dans de bonnes conditions. La date du 11 mai me paraît inatteignable.
Cette date a aussi été beaucoup critiquée par les parents d’élèves et les enseignants…
J’ai beaucoup écouté et j’ai entendu l’ensemble des syndicats d’enseignement, l’ensemble des parents d’élèves, mais aussi les syndicats de la commune. Il y a actuellement dans le corps social une forme de résistance à cette date du 11 mai dont il faut tenir compte.
On n’a pas véritablement raison lorsqu’on s’oppose à cette volonté populaire qui, aujourd’hui, est plutôt du côté de la fermeture des écoles.
Envisagez-vous une date de réouverture ? Attendez-vous d’avoir des données sanitaires pour prendre votre décision ?
Le fait qu’on ait des données sanitaires pourra influer. Actuellement, je n’ai pas de date fixée. Nous sommes au mois de mai et la fin de l’année scolaire approche à grands pas. À Ajaccio, il est plutôt de coutume de cesser de dispenser des cours vers la mi-juin.
Nous allons essayer de mettre en place des minimums pour étendre le service que nous avons réservé aux personnels soignants et à leurs enfants. Parce que l’école, c’est important d’un point de vue opérationnel mais aussi symbolique. Le fait de fermer les écoles ce n’est pas une décision facile à prendre.
Y a-t-il, dans votre choix, une dimension de responsabilité civile ? Si demain l’épidémie repartait à Ajaccio, quelle serait la responsabilité du maire ?
Avant tout, j’essaye de protéger ma population, les agents de la ville, celles et ceux dont j’ai la charge. Le maire à la charge de ses concitoyens.
J’ai une responsabilité. Elle peut être juridique, mais elle est surtout morale. Elle a été très importante dans la décision que j’ai prise. Je considère que ne pouvant pas assuré pleinement le respect de ce protocole, il pourrait y avoir demain des contaminations de personnes dans le cadre de la reprise de l’école. Je ne peux pas l’accepter.