En Corse, les écoles sont fermées depuis le 12 mars. Dans le rural, le confinement a fait naître des méthodes de travail inédite et a donné un autre rôle aux enseignants. Le témoignage d'institutrices à Ocana et Olmi Cappella.
Marie-Line Leca et Marion Katz font partie des 44 enseignants qui gèrent une classe unique en Corse. Depuis cinq semaines et demie, avec la fermeture des écoles et la mise en place des mesures de confinement, leurs élèves ont quitté les bancs.
Les deux enseignantes ont dû bouleverser leurs méthodes d’apprentissage. « J’ai appelé les parents un par un pour gérer au mieux, pour leur dire qu’on n’allait pas perdre le rythme, les rassurer et leur faire comprendre que je restais à la manœuvre », explique Marie-Line Leca, en charge de 21 élèves répartis sur quatre niveaux, du CE1 au CM2, à Ocana.
Quatre heures de visioconférences par jour
Depuis, elle organise quotidiennement quatre visioconférences d’une heure, pour chacun de ses niveaux, en plus du travail délivré la veille. Si les débuts ont été hésitants, « les élèves étaient au garde-à-vous, ils n’osaient pas parler entre eux », s’amuse Marie-Line Leca, après deux semaines, ces rendez-vous sont devenus la norme et sont très attendus. « J’utilise ce temps pour faire des dictées ou pour aborder de nouvelles notions », précise l’enseignante.
Les élèves étaient au garde-à-vous, ils n’osaient pas parler entre eux.
Et pour ceux qui n’ont pas de connexion internet, les échanges de devoirs se font grâce à la boîte aux lettres de l’école. Une méthode qu’utilise aussi Marion Katz, à Olmi Cappella, pour ses grandes sections de maternelles. « A cet âge-là on travaille beaucoup sur fiches, c’est plus pratique », précise la jeune femme en charge de 11 élèves répartis sur six niveaux.
Pour les élèves du CE2 au CM2 l’enseignante se base sur un programme établi sur plusieurs semaines. « On travaille sur les supports habituels, manuels et fichiers d’exercices. Et tous les matins, je leur envoie des ressources complémentaires », note-t-elle. Pour certains exercices précis, comme la phonologie au CP, Marion Katz organise aussi des visioconférences.
Ils ajoutent un petit ‘J’ pour ‘Juste’ lorsque la réponse est bonne. Ils jouent à la maîtresse.
Puis arrive le moment de la correction, la plus détaillée possible, que les deux enseignantes renvoient chaque soir. « Ils sont très attentifs et ajoutent un petit ‘J’ pour ‘Juste’ lorsque la réponse est bonne. Ils jouent à la maîtresse », rit Marie-Line Leca.
Le trio institutrice, enfants, parents
Ces méthodes permettent aussi de créer un lien nouveau avec les parents. « Avec les visioconférences, on entre dans leur intimité, parfois, ils passent derrière me font un petit coucou. Surtout, ils entendent ce que nous faisons, ça les rassure et il n’y a pas de retard dans la prise de contact. S’ils ont une demande, je prends toujours le temps de leur répondre à la fin d’une session », se félicite Marie-Line Leca.Pour Marion Kratz, si tout se passe aussi bien, c’est grâce « à leur investissement ». « Les parents sont à la fois actifs, réactifs et ils donnent de bonnes conditions de travail à leurs enfants. Il y a un véritable trio entre nous tous, ce qui permet de garder une qualité de travail », souligne-t-elle.
Le rôle de l’enseignant renforcé
À Ocana et Olmi Cappella, la crise sanitaire a renforcé le rôle des enseignantes. Joignables par tous les moyens possibles « pour garder le lien au maximum », Marie-Line Leca et Marion Katz ont leur métier chevillé au corps.Ainsi, l’institutrice d’Olmi Cappella appelle ses élèves une fois par semaine « pour savoir s’ils sont en bonne santé, si le moral est bon. Parfois ça peut être compliqué notamment pour les enfants uniques. Ça peut être difficile de ne plus voir les copains », livre-t-elle. Marie-Line Leca a récemment dû réconforter une petite fille qui ne voulait plus rester confinée, et souhaitait rendre visite à un membre de sa famille. « Sa mère m’a appelée pour que je lui explique que ce n’était pas bon pour sa santé et celle de son proche », témoigne l’enseignante.
Au plus près des élèves et de leur famille, les deux enseignantes sont au courant de toutes les situations fragiles. « Notre rôle est de minimiser les conséquences de cette fragilité, d’autant plus que cette nouvelle organisation peut révéler des difficultés supplémentaires », souligne Marion Katz.
Les deux institutrices l’assurent, le confinement n’a ni stoppé les progrès de leurs élèves, ni rompu les liens affectifs. Quant au déconfinement et à la réouverture des écoles, lorsque l’enseignante d’Olmi Cappella dit s’y préparer, celle d’Ocana préfère ne pas y penser.