Le plan de relance du tourisme que présente le Premier ministre ce jeudi prévoit 1,35 milliard d’euros d’investissements pour aider les entreprises du secteur à surmonter la crise. En Corse, les professionnels espèrent d’abord des mesures d’urgence spécifiques
Très attendu par les professionnels du secteur, le comité interministériel du tourisme aura lieu ce jeudi 14 mai; il sera suivi de la non moins attendue présentation par Edouard Philippe du plan de relance de l’activité.
Mais dès lundi, le directeur général adjoint de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de la banque des territoires en a dévoilé l’aspect financier.
Olivier Sichel a en effet annoncé que la CDC travaillait sur la mise en oeuvre d’un plan d’investissement de 1,35 milliard euros pour soutenir les entreprises du secteur du tourisme, victimes collatérales de la pandémie de covid-19.
« C’est un programme de fonds propre, ce ne sont pas des prêts », a précisé Olivier Sichel sur franceinfo.
« Parce que le prêt, à un moment, il faut le rembourser. C'est véritablement de l'investissement. Il va être mis en œuvre par Bpifrance, notre filiale qui s'occupe des entreprises". Tous les acteurs du tourisme sont concernés, du « parc d’attraction à l’association qui fait de l’accrobranche ».
Déjà des prêts garantis par l’Etat
Le tourisme bénéficie déjà de nombreux dispositifs d’aides mis en place par le gouvernement depuis le début de la crise du coronavirus, comme le chômage partiel ou le report des charges, mais aussi les prêts garantis par l’État (PGE).Selon le quotidien Le Monde, 6,2 milliards d’euros ont déjà été préaccordés à 70 000 entreprises du tourisme en France.
Si cela permet effectivement de renflouer les caisses des établissements contraints de rester fermés, ces prêts, tout particulièrement dans le secteur du tourisme, ne sauraient suffire à sauver les entreprises mises à genoux par une saison 2020 qui s’annonce catastrophique.Du parc d'attraction à l'association d'accrobranche
«Ce PGE n’est qu’une avance de trésorerie qu’il va falloir rembourser dans un an, explique Bernard Giudicelli, président de l’UMIH corse (l'union des métiers et des industries de l’hôtellerie), qui a adressé une lettre ouverte au Président de la République pour obtenir des mesures spécifiques pour la Corse.
« Nous avons déjà demandé à reporter le remboursement de 12 à 18 mois, mais si la saison est aussi mauvaise que nous le craignons, certains ne pourront pas rembourser, même dans 18 mois, car leur trésorerie ne reviendra pas, faute d’activité ».
Avant la relance, la survie
Concernant ce plan Marshall porté par la CDC, le représentant du Syndicat des cafetiers, restaurateurs, hôteliers et gérants de boîtes de nuit de Corse n’est pas beaucoup plus confiant."Il manque toujours l’aide à court terme", regrette Bernard Giudicelli qui réclame des mesures fortes de sauvegarde avec une fiscalité adaptée à la Corse, tenant compte de ses difficultés spécifiques.
En l’espèce, la mer est une de ces difficultés, car elle va priver les établissements insulaires de cette clientèle de proximité qui pourrait permettre à leurs homologues du continent de « limiter la casse ». Et donc d’être en mesure, à l’avenir, de bénéficier des investissements que projette la Caisse des dépôts et consignations pour renforcer la situation financière des entreprises et favoriser leur développement.
Vu de Corse, la priorité, c’est de passer les prochains mois. « Avant la relance, il y a la survie » souligne le président de l’hôtellerie de plein air de Corse, Alain Venturi. « On sait que la saison sera au mieux très difficile, nous avons besoin de soutien, mais nous avons aussi besoin d’ouvrir, avec une fréquentation suffisante pour maintenir l’activité. Par exemple, pour nous, hôtellerie de plein air, si la limitation des 100 km reste la règle au-delà de la fin mai, ce n’est même pas la peine d’ouvrir ».Si la limitation des 100 km reste la règle au-delà de la fin mai, ce n’est même pas la peine d’ouvrir
Tourisme digital... qu'èsaquo ?
Avec ce plan de relance, le gouvernement entend remédier à la crise du covid, ce qui implique la validation des protocoles sanitaires établis avec les professions pour assurer une reprise de l’activité en toute sécurité.Il devrait également mettre l’accent sur le tourisme social, ou certains domaines comme le thermalisme ou la montagne.
Mais l’ambition de l’Etat, c’est aussi d’accompagner la transition du secteur. "Je crois qu'il faut qu'on ait un nouveau tourisme en sortie de crise. Un tourisme qui soit plus durable, plus participatif et plus digital", a encore expliqué le directeur général adjoint de la CDC et de la Banque des territoires sur franceinfo, précisant que "la qualité environnementale des projets" sera un des critères clés pour bénéficier de ce plan.
Durable et digital ?Une idée obsolète
Deux adjectifs qui interpellent Bernard Giudicelli. « Le tourisme digital, on ne sait pas ce que cela veut dire. S’il s’agit d’avoir des sites internet, d’être présents sur les réseaux sociaux, c’est fait depuis longtemps, c’est une idée obsolète ».
Quant au tourisme durable, la Corse s’y est déjà engagée avec le projet Rispettu.
« Nous y avons travaillé avec l’ATC (agence du tourisme de la Corse) depuis 2015. Voilà des années que nous disons qu’il faut déconcentrer l’activité dans le temps et dans l’espace. Peut-être que cette crise nous met au pied du mur, nous contraint à cette remise en question nécessaire depuis longtemps. Elle est indispensable pour l’environnement, pour chacun d’entre nous et aujourd’hui pour des raisons sanitaires ».
L’étalement de la saison est au coeur des politiques publiques en matière de tourisme en Corse depuis des décennies; sous l’épée de Damoclès du coronavirus, il pourrait passer du rang de voeu pieux à celui d’obligation.